Question de M. SALMON Daniel (Ille-et-Vilaine - GEST) publiée le 22/06/2023

Question posée en séance publique le 21/06/2023

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste-Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

M. Daniel Salmon. Le Bourget serait-il le salon de l'illusion, le salon de l'avion magique ? On y voit depuis lundi l'ensemble de la filière aéronautique et le Président de la République nous annoncer un avion propre, un avion vert pour demain ou après-demain.

Bien entendu, la recherche d'alternatives au kérosène est indispensable, et il faut y mettre des moyens. Là où le bât blesse, c'est dans le message qui est véhiculé : « Ne changeons pas les habitudes, la technologie va tout régler. » La sobriété d'usage est complètement inexistante dans le discours ; bien pire, on parle de doublement du trafic d'ici à 2040 !

On nous présente l'avion électrique, l'avion à hydrogène, l'avion au biocarburant... Le problème est que l'électrique pour les moyens et longs courriers n'est pas pour demain, que l'avion à hydrogène est très loin d'être mature et pose encore d'énormes défis technologiques et que la biomasse nécessaire aux biocarburants n'est pas illimitée, car il faudra demain choisir entre les avions, les porte-containers, les camions, le chauffage des logements et se nourrir.

Encore un bon greenwashing qui n'a d'autre objectif que de remettre à demain ce que nous devons faire dès aujourd'hui, c'est-à-dire réguler le secteur aérien, stopper sa croissance et lui faire payer le prix de sa pollution. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.)

Monsieur le ministre, à quand des solutions politiques dès maintenant, afin que la trajectoire du transport aérien soit conforme à nos engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

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Réponse du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires publiée le 22/06/2023

Réponse apportée en séance publique le 21/06/2023

M. le président. La parole est à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Salmon, je ne peux pas croire à l'instant que vous désapprouviez une recherche orientée vers des avions moins polluants.

Je ne peux pas croire qu'il y ait, derrière vos propos, l'arrière-pensée selon laquelle pour rendre l'écologie populaire, il conviendrait de la présenter sous son jour le plus punitif !

Je ne peux pas croire que vous regrettiez que notre pays accueille le plus grand salon aéronautique du monde...

M. Daniel Salmon. Si !

M. Christophe Béchu, ministre. ... et que ce salon soit précisément consacré aux moyens de décarboner l'aviation.

M. Emmanuel Capus. Très bien !

M. Christophe Béchu, ministre. La trajectoire de décarbonation s'appuie toujours, quel que soit le domaine, sur un triptyque. Vouloir ne retenir que l'un des trois piliers, c'est manquer à l'équilibre dont nous avons besoin. Il faut de la sobriété,...

Plusieurs sénateurs du groupe GEST. Elle est où ?

M. Christophe Béchu, ministre. ... il faut de l'efficacité et il faut de l'innovation.

D'aucuns condamnent l'innovation et disent que l'on ne s'en sortira que par la sobriété quand d'autres préfèrent que nous ne changions rien à nos usages, considérant que seule l'innovation nous permettra de réussir. Ces deux chemins nous mènent droit dans le mur.

Premier pilier, la sobriété. Très concrètement, la France est le premier pays à avoir interdit les vols de moins de deux heures et demie lorsqu'il existe une autre solution en train.

M. Thomas Dossus. Seulement sur deux lignes !

M. Christophe Béchu, ministre. La sobriété consiste aussi à faire en sorte que le train soit privilégié, à relever la fiscalité sur le kérosène, comme nous l'avons fait l'année dernière, en supprimant l'avantage fiscal dont il bénéficiait par rapport à l'essence, et à consacrer 100 milliards d'euros aux investissements dans le ferroviaire pour qu'il y ait des alternatives crédibles et à l'heure.

Deuxième pilier, l'efficacité. Elle est atteinte grâce à la baisse du poids et à l'évolution des moteurs. L'enjeu n'est pas seulement national, car 50 % des émissions mondiales proviennent d'avions fabriqués en Europe. L'innovation aura donc un impact partout.

Ce ne sont pas les gouvernements qui décident du doublement du trafic. Celui-ci fait l'objet de prévisions, sur la base des décisions des habitants de la planète.

Troisième pilier, l'innovation. Les deux axes annoncés par le Président de la République sont simples : travailler sur les moteurs et étudier des alternatives en termes de carburant. J'y insiste, ne caricaturons pas ! Il s'agit non pas d'accaparer des terres agricoles pour cultiver les biocarburants, mais de produire des carburants durables à partir des résidus de bois, d'algues ou d'huiles usagées. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour la réplique.

M. Daniel Salmon. Monsieur le ministre, il est dommage que vous n'ayez pas écouté l'introduction de mon propos. J'ai pourtant clairement dit que la recherche était indispensable. Il est très facile de caricaturer !

En revanche, il est irresponsable de faire mine de croire que la technologie va nous sauver. La sobriété dans les usages est indispensable, et c'est par cela que l'on doit commencer !

Le monde que vous nous préparez est un monde à +4 degrés (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.), un monde dont personne ne sait à quoi il ressemblera.

Il faut vraiment aller de l'avant : c'est ce que l'on attend de vous. Les politiques servent à cela, et pas à reporter à demain ce qui peut être fait aujourd'hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)

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