Question de M. ASSOULINE David (Paris - SER) publiée le 29/06/2023

Question posée en séance publique le 28/06/2023

M. le président. Mon cher collègue, vous avez la parole, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

M. David Assouline. Je vous remercie, monsieur le président.

Monsieur le ministre, à l'heure de poser ma dernière question d'actualité au Gouvernement, mon groupe, que je salue, m'a fait l'honneur de me laisser m'exprimer sur un sujet qui fut au coeur de mon engagement, de mes plaidoiries et de mes travaux au sein de cet hémicycle durant de nombreuses années : l'indépendance, le pluralisme et la liberté des médias.

Je veux vous dire notre inquiétude. À la faveur des concentrations économiques, qui monopolisent les médias aux mains de quelques groupes industriels et financiers, dont l'activité principale est le plus souvent étrangère à la presse, à l'information ou à la culture, se met en place devant nous un empire médiatique de propagande au service d'une idéologie qui prône la haine de l'autre.

M. Bolloré (Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.), qui étend son empire à la télévision, à la radio, à la presse écrite, au cinéma et à l'édition, qui en contrôle presque la totalité, y compris la majorité des livres scolaires, détruit des rédactions entières, comme celles de iTélé, d'Europe 1 ou de Paris Match et, maintenant, celle du Journal du dimanche (JDD) : il lui impose en effet, contre l'avis de 98 % de ses journalistes, un directeur renvoyé d'un journal d'extrême droite, parce qu'il était trop à droite...

Monsieur le ministre, vous ne pourrez pas nous répondre que l'on ne peut rien faire, car la situation est grave. Il est possible de mieux protéger l'indépendance des rédactions en leur permettant de valider, à une majorité qualifiée, le directeur proposé par l'actionnaire.

Le Président de la République a promis des états généraux de l'information : c'est pour quand ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST. - MM. Éric Bocquet et Pascal Savoldelli applaudissent également.)

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Réponse du Ministère auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement publiée le 29/06/2023

Réponse apportée en séance publique le 28/06/2023

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

M. Olivier Véran, ministre délégué auprès de la Première ministre, chargé du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur David Assouline, à mon tour, je voudrais saluer au nom du Gouvernement votre action en tant que sénateur durant toutes ces années et l'apport qui aura été le vôtre dans cette Haute Assemblée. (Exclamations ironiques sur des travées du groupe Les Républicains.)

Monsieur le sénateur, vous interrogez le Gouvernement sur la question de la nomination de Geoffroy Lejeune à la tête du JDD.

Comme vous êtes un très fin connaisseur des règles en vigueur dans le milieu culturel, vous savez qu'il ne revient pas au Gouvernement de décider qui sera le directeur de tel ou tel journal. D'ailleurs, si tel était le cas, ce serait grave : tout le monde, sur ces travées, considérerait que nous outrepasserions nos droits.

Mme Françoise Gatel. Absolument !

Mme Laurence Rossignol. Ce n'est pas le sujet !

M. Olivier Véran, ministre délégué. L'État est là pour garantir le pluralisme et la liberté de la presse. Il est aussi là pour la financer : plus de 400 titres de presse ont ainsi été subventionnés l'année dernière - et c'est très bien ainsi.

Pour autant, la question de savoir s'il ne faut pas mettre les comités de rédaction à l'abri de l'influence des actionnaires est légitime.

Vous proposez, par exemple, de soumettre au suffrage des journalistes d'un quotidien ou de tout autre type de journal la désignation de son rédacteur en chef. Je sais que certains journaux, comme Les Échos, par exemple, le font déjà.

Une réflexion est en cours au Parlement sur ce sujet, sous l'égide de la ministre de la culture - qui vous prie d'ailleurs de bien vouloir excuser son absence, car elle accompagne actuellement le Président de la République à Marseille. Les parlementaires ont aussi pour objectif de réfléchir à une adaptation de la loi Bloche de 2016, afin de renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

En outre, vous l'avez souligné, le Président de la République souhaite organiser des états généraux de l'information qui pourraient être l'occasion d'aborder ce type de problématique.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Quand ?

M. Olivier Véran, ministre délégué. Il ne me revient pas de vous dire que nous discuterons précisément de ce point, mais, dès lors que l'on ouvre ce chantier, qui est important, toutes les questions pourront être posées.

Monsieur le sénateur, j'espère avoir répondu, non pas sur le cas précis qui vous occupe et vous mobilise, mais de façon plus générale sur la question de l'indépendance, du pluralisme et de la liberté de la presse. (M. François Patriat applaudit.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour la réplique.

M. David Assouline. J'ai posé cette question sans esprit polémique. (Exclamations amusées sur des travées du groupe Les Républicains.)

J'appelle tous mes collègues, sur l'ensemble de nos travées, à un sursaut. Dans un monde où toutes les démocraties sont menacées, où les populismes semblent triompher, l'enjeu de la liberté de la presse est vital : c'est un enjeu républicain qui doit nous rassembler, un enjeu démocratique qui doit nous mobiliser.

Je vous suggère de méditer cette phrase de Victor Hugo : « La liberté de la presse à côté du suffrage universel, c'est la pensée de tous éclairant le gouvernement de tous. Attenter à l'une, c'est attenter à l'autre ». (Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe GEST. - M. Éric Bocquet applaudit également.)

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