Question de M. CANÉVET Michel (Finistère - UC) publiée le 01/06/2023

M. Michel Canévet attire l'attention de Mme la ministre de la transition énergétique sur la nécessité d'un soutien de la filière du gaz bioGNV.

La Commission européenne publiait le 14 février 2023 son projet de règlement sur les émissions de gaz à effet de serre des véhicules lourds. Ce projet prévoit que les véhicules neufs mis sur le marché devront émettre 90 % de gaz à effet de serre en moins en 2040 par rapport à 2019, avec un échelonnement dans le temps ; pour le bus urbain la cible est -100 % dès 2030. L'objectif affiché est bien que la presque intégralité des véhicules lourds neufs vendus en 2040 soient alimentés par des batteries ou de l'hydrogène.
Or la faisabilité et la pertinence d'une stratégie basée exclusivement sur les batteries semble contestable. Plusieurs raisons l'expliquent, les véhicules à batterie ou à hydrogène sont très coûteux et l'autonomie des véhicules électriques reste limitée. Mais aussi, l'arrivée massive de camions à batterie nécessitera des investissements massifs et d'importantes quantités de métaux critiques, dont le cuivre, pour l'installation de bornes de recharge et le renforcement des réseaux électriques. Cela montre que seules les émissions à l'échappement sont prises en compte ce qui semble déraisonnable au regard de nos objectifs de réduction de gaz à effet de serres. Quelle est la pertinence d'un projet qui ferme les yeux sur l'impact environnemental de la construction du véhicule, de ses éventuelles batteries et de la production de carburants ?

De son côté, le bioGNV assure une réduction de 80 % des émissions de gaz à effet de serre sur le cycle de vie par rapport à celle d'un véhicule gazole. De plus, les véhicules au bioGNV n'utilisent que très peu de métaux critiques.

Aujourd'hui, de nombreuses collectivités ont fait le pari du bioGNV en tant qu'usagères (bus, cars, bennes à ordure, engins de travaux publics...), comme autorités organisatrices de l'énergie et de la mobilité via leurs schémas directeurs et leurs dispositifs de soutien financier, ou comme propriétaire de stations lorsqu'elles investissent elles-mêmes. On sait donc que cette technologie est, elle, une solution mobilisable sur le court terme, locale, propre et créatrice de boucle énergétique vertueuse sur le territoire.

Une annonce du rejet du bioGNV pour les véhicules neufs en 2040 à l'échelle européenne, aurait pour conséquence la fin des investissements des constructeurs en faveur de cette technologie et la filière s'éteindrait bien avant 2040. Et sans l'option bioGNV, beaucoup de transporteurs resteront au gazole tant qu'ils le pourront, en l'absence d'autre solution adaptée à leurs besoins.

Il souhaite donc savoir si le Gouvernement envisage de défendre la réintégration du bioGNV parmi les carburants d'avenir reconnus par l'Union européenne pour les véhicules routiers lourds et s'il compte envoyer un signal fort en faveur du bioGNV pour relancer les investissements.

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Réponse du Ministère de la transition énergétique publiée le 10/08/2023

Afin d'atteindre l'objectif de neutralité climatique d'ici 2050, de réduire la dépendance énergétique de la France et d'améliorer la qualité de l'air, il est crucial de décarboner fortement et rapidement le secteur des transports, principal secteur émetteur de gaz à effet de serre en France (environ 30 % des émissions parmi lesquelles 25 % proviennent des véhicules lourds). L'Etat est résolument engagé pour accélérer et accompagner cette transformation. Pour ce faire, plusieurs leviers sont identifiés : la décarbonation de l'énergie utilisée par les véhicules, l'amélioration de l'efficacité énergétique des véhicules, le report modal, la réduction de la demande de transport et l'optimisation de l'utilisation des véhicules. Le règlement européen établissant des normes de performance en matière d'émissions de CO2 pour les véhicules utilitaires lourds neufs est un outil majeur pour renforcer les deux premiers leviers. Dans son projet de révision, la Commission européenne propose des objectifs ambitieux de réduction des émissions de CO2 à l'échappement des véhicules utilitaires lourds, en ligne avec les objectifs climatiques de l'Union européenne. Ce projet prévoit des objectifs de réduction des émissions de CO2 des véhicules lourds neufs de 15 % en 2025, 45 % en 2030, 65 % en 2035 et 90 % en 2040 (par rapport à 2019-2020). La Commission a également proposé un objectif de 100 % de bus urbains neufs zéro émission en 2030. La Commission ne propose pas un objectif de réduction de 100 % de réduction des émissions de CO2 des véhicules lourds neufs à l'horizon 2040 afin de prendre en compte l'utilisation possible d'autres énergies pour les usages qui seraient difficiles à électrifier. En outre, des dérogations à ces obligations sont prévues pour certains véhicules au regard des usages spécifiques (ex : véhicules miniers, forestiers, agricoles, de défense, de soins médiaux urgents ou de professionnels comme les camions-poubelles) et pour les constructeurs responsables d'un faible nombre d'immatriculations (inférieur à 100 par an). Cette proposition est actuellement en cours de discussion au sein du Conseil et du Parlement européen, mais elle permettra donc toujours aux collectivités d'utiliser un certain nombre de véhicules au bioGNV, y compris après 2040. Soyez assuré que la position française dans les négociations européennes sur ce texte veillera à préserver un équilibre tenant compte des différents enjeux de maturité technologique, de disponibilité de la biomasse et des matériaux critiques, d'impacts sur les réseaux, et permettent d'assurer le bon ciblage du bioGNV vers les véhicules et les usages les plus pertinents. L'étude d'impact de la Commission européenne indique que les technologies zéro émission (véhicules électriques à batterie ou à hydrogène) présentent les plus forts potentiels de réduction des émissions de gaz à effet de serre, que ce soit à l'échappement ou sur l'ensemble du cycle de vie. En outre, les véhicules zéro émission apportent des gains importants en matière de qualité de l'air car ils n'émettent pas de polluants atmosphériques à l'échappement et présentent une efficacité énergétique supérieure à celle des véhicules thermiques. Cette étude indique également que les véhicules zéro émission ont des impacts environnementaux significativement moins élevés pour l'ensemble des types de véhicules et pour la plupart des catégories d'impacts environnementaux étudiés (au nombre de 14, dont l'utilisation des ressources). En outre, afin de réduire à terme les émissions de gaz à effet de serre dans des proportions suffisantes, les véhicules thermiques fonctionnant au GNV/bioGNV devraient fonctionner exclusivement avec du bioGNV or actuellement, seule une faible part de bioGNV est incorporée dans le GNV d'origine fossile. Le projet de texte de la Commission européenne est conforme aux annonces des constructeurs européens qui se sont fixé des objectifs ambitieux de développement des véhicules zéro émission. Ainsi, Daimler, MAN, Scania, Volvo Trucks et Renault Trucks visent tous entre 40 % et 60 % d'immatriculations de véhicules utilitaires de poids moyen et lourd neufs zéro émission en 2030, trois d'entre eux visent un objectif de 100 % d'ici 2040 et deux constructeurs visent 90 % à 100 % de ventes de bus urbains zéro émission d'ici 2030. L'offre électrique se développe rapidement (taille des parcs en hausse de + 53 % pour les poids lourds électriques et +14 % pour les autobus et cars électriques en 2021 par rapport à 2020), et les constructeurs prévoient de proposer des véhicules électriques sur l'ensemble des segments de marché des poids lourds d'ici 2024-2025. Les performances et les autonomies des véhicules lourds électriques ont vocation à s'améliorer dans les années à venir et des offres de véhicules lourds à hydrogène sont attendues d'ici 2030 pour les usages les plus intensifs. Si les coûts des véhicules lourds zéro émission sont initialement plus élevés que ceux de leurs équivalents thermiques, une baisse des prix est toutefois attendue dans les prochaines années, notamment en raison de l'augmentation de la production, des économies d'échelle et de l'amélioration des performances des batteries. En outre, compte-tenu des économies réalisées à l'usage, la parité des coûts totaux de possession (TCO) avec les véhicules diesel pourrait être atteinte d'ici 2030, alors qu'un écart devrait subsister entre les véhicules BioGNV et diesel d'après les travaux de la feuille de route de décarbonation du secteur du transport routier lourd. Par ailleurs, le Gouvernement a lancé un appel à projet visant à soutenir l'acquisition de poids lourds et autocars électriques et le déploiement de l'infrastructure de recharge correspondante, afin de diminuer les coûts de l'investissement initial. Compte-tenu des ressources limitées en biomasse, le bioGNV ne pourra à long terme être utilisé que dans des proportions limitées. Il devrait donc être fléché en priorité vers les usages et les modes de transport les plus difficiles à décarboner et pour lesquels il existe peu d'alternatives disponibles. Le bioGNV peut néanmoins être utile pour décarboner les transports routiers lourds dans la période de transition ainsi que pour répondre, à plus long terme, aux éventuels usages spécifiques pour lesquels le recours aux véhicules zéro émission ne constituerait pas une solution adaptée. À ce titre, des réflexions sont en cours avec les parties prenantes afin de définir la trajectoire française de décarbonation des véhicules lourds, notamment dans le cadre des travaux de révision de la Stratégie Nationale Bas Carbone.

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