Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UC) publiée le 01/06/2023

M. Hervé Maurey attire l'attention de Mme la Première ministre sur la gestion de l'institut de recherches économiques et sociales (IRES).
La gestion de cet institut largement financé par ses services (près de 3 millions d'euros par an, soit 90 % de ses ressources) et dont la fonction est de répondre aux « besoins » que les syndicats expriment dans le domaine de la recherche économique et sociale, a fait l'objet d'un référé particulièrement critique de la Cour des comptes qui lui a été adressé en mars 2023, et rendu public en mai 2023.
Selon la Cour des comptes, l'utilisation de ces fonds n'a fait l'objet d'aucun contrôle par France stratégie qui est chargé de les verser. La moitié de ces subsides sont dédiés à l'« agence d'objectifs » qui finance des études réalisées sous la responsabilité des organisations syndicales avec des prestataires de leur choix.
Or, la Cour relève de « nombreux errements » dans la gestion par les syndicats des crédits d'études dédiés à cette agence.
Les dotations versées sont ainsi forfaitaires, sans lien avec le coût des études, avec des acomptes versés pouvant atteindre 90 %, qui « constituent pour les syndicats des avantages en trésorerie d'autant plus significatifs que nombre d'études ne commencent que plusieurs années après leur approbation », leur remise pouvant intervenir 10 à 15 ans après approbation, ce qui interroge sur la réalité de l'intérêt de ces études pour les syndicats.
Aucun suivi des travaux n'est réalisé par l'IRES et jamais le reversement des fonds alloués n'a été demandé.
La plupart des fonds attribués pour ces études sont en fait ponctionnés d'importantes dépenses de frais généraux et de charges internes de personnel, qui oscillent entre 44 % et 88 % selon le syndicat. Ainsi, selon la Cour des comptes, sur la période 2010-2021, « le montant de frais internes imputé par les syndicats est estimé à 10,5 millions d'euros sur une dotation totale de 17,5 millions d'euros attribuée par l'IRES », « près de 9 millions d'euros de crédits d'études n'ont pas contribué d'autant aux financements d'études ».
La qualité des études, leur rigueur scientifique et leur valorisation seraient, pour toute une partie, particulièrement insatisfaisantes, que ce soit celles réalisées par l' « agence d'objectifs » ou le centre de recherches interne à l'IRES.
La Cour des comptes conclut sans surprise que « les dotations versées à l'agence d'objectifs s'apparentent en grande partie à un financement des syndicats eux-mêmes » et qu'une réforme profonde de cet institut est nécessaire.
La Première ministre n'a pas apporté de réponse aux recommandations de la Cour des comptes et n'a donc pas fait part des mesures qu'elle compte prendre pour remédier à ces graves dysfonctionnements que ses services ne peuvent pas ignorer et qui « auraient pu appeler des qualifications juridictionnelles », selon la Cour.
Aussi, il souhaiterait connaître les suites qu'elle compte donner aux recommandations de la Cour des comptes et si elle compte maintenir ce système détourné de financement des syndicats.

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Transmise au Ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion


Réponse du Ministère du travail, du plein emploi et de l'insertion publiée le 07/09/2023

Créé en 1982 afin de doter les organisations syndicales d'un institut d'analyse économique indépendant, l'Institut de recherches économiques et sociales (IRES), dont les membres fondateurs et bénéficiaires sont la CFDT, la CFE-CGC, la CGT, la CGT-FO et l'UNSA Education, a pour objet de nourrir les débats de nature économique et sociale et d'apporter un soutien à la qualité du dialogue social. Constatant des insuffisances dans la gestion des études réalisées par l'institut et dans le pilotage des crédits qui lui sont alloués, lesquels s'élèvent à hauteur de 2, 9 millions d'euros pour l'année 2022, la Cour des comptes a formulé plusieurs recommandations afin de renforcer son organisation et les outils de suivi de son activité, d'améliorer l'évaluation de la qualité de ses travaux et d'assurer une meilleure maîtrise de ses dépenses. Par un courrier du 31 mai 2023, la Première ministre a adressé au Premier président de la Cour des comptes une réponse au référé sur l'IRES, librement accessible sur le site de la Haute juridiction financière. Il en ressort, d'une part, que si le Gouvernement partage l'objectif de renforcer la transparence du financement des organisations syndicales, lequel a conduit la Cour à recommander le transfert de l'agence d'objectifs à l'association de gestion du fonds pour le financement du paritarisme (AGFPN), cette piste requiert une instruction approfondie ; tout élargissement du périmètre d'intervention de l'AGFPN ne pouvant se faire qu'avec l'accord des partenaires sociaux. D'autre part, eu égard aux constats dressés par les magistrats financiers quant aux difficultés de gestion de l'IRES, toutes mesures allant dans le sens d'un réexamen des conventions actuelles entre l'IRES et les organisations syndicales dans le cadre de l'agence d'objectifs, qui, aujourd'hui, ne prévoient pas de compte-rendu financier, ni de plafonnement des frais généraux, ni même de suivi d'exécution des contrats, sont favorablement accueillies par le Gouvernement. A cet égard, le nouveau règlement intérieur de l'IRES, adopté par l'assemblée générale du 12 avril 2023, prévoit, d'ores-et-déjà, un plafonnement des frais généraux intégrant l'ensemble des frais liés aux activités de conception, d'animation et de valorisation des recherches conduites au sein des organisations syndicales dans le cadre de l'agence d'objectifs. En deuxième lieu, le gouvernement est attaché à ce que l'IRES demeure un outil de recherche à disposition des syndicats dans un cadre de suivi et d'évaluation rénové. Ainsi, le scénario d'un rattachement du centre commun de recherche de l'institut à un organisme de recherche recommandé par les magistrats financiers fera l'objet d'une réflexion approfondie. A ce propos, Messieurs Jean-Luc Tavernier et Nicolas Véron se sont vus confier par la Première ministre une mission générale portant sur l'ensemble des centres d'expertise économique en France afin, notamment, d'en dresser un panorama, d'examiner leurs modèles de fonctionnement et de proposer des pistes d'amélioration, le cas échéant à travers certains rapprochements. L'IRES fait partie du champ d'investigation de cette mission dont les conclusions permettront utilement d'alimenter la réflexion. Pour autant, l'adossement de l'IRES à une structure de l'enseignement supérieur, s'il était envisagé, devrait permettre de maintenir sa gestion directe par les organisations syndicales. Enfin, la recommandation de la Cour visant à confier à une commission scientifique, composée de personnalités scientifiques indépendantes, la mission d'évaluer la qualité des travaux de l'IRES, tant ceux du centre de recherches que de l'agence d'objectifs va dans le bon sens et rapprocherait l'institut des modes de fonctionnement des grands organismes de recherche. En tout état de cause, l'ensemble des évolutions précitées devraient nécessairement faire l'objet d'une concertation préalable approfondie avec les organisations syndicales.

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