Question de M. LE RUDULIER Stéphane (Bouches-du-Rhône - Les Républicains) publiée le 01/06/2023

M. Stéphane Le Rudulier attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la nécessité économique et symbolique de voir la cité judiciaire rester au coeur de la ville de Marseille.
Le 19 avril 2023, le barreau de Marseille et le monde économique local ont tenu une conférence de presse aux fins d'informer sur la nécessité que la cité judiciaire demeure et reste dans le centre ville de la cité phocéenne. Le 14 février 2023, une sénatrice alertait déjà le ministère au sujet de la future cité judiciaire de Marseille. La méthodologie employée par le Gouvernement était au coeur de sa question. Celle ci porte sur le choix que laisse deviner ce même Gouvernement.

Il est impératif que la vie juridictionnelle de Marseille demeure en son centre. Que ce soit les avocats, leurs employés, les magistrats et les agents publics, les acteurs du monde du droit font vivre tout un quartier qui se videra de sa substance si les juridictions sont déplacées. Les 3 800 travailleurs de la cité judiciaire font vivre les 1 780 commerces qui se trouvent à moins de 10 minutes à pied de cette place forte de la justice. À titre d'exemple, le poids financier des repas méridiens de ces travailleurs dans les restaurants du quartier est estimé à 7,4 millions d'euros par an. Les professionnels du droit dépenseraient également 10,9 millions d'euros par an dans les autres commerces (vêtement, culture, alimentation, automobile, etc.).
Le barreau de Marseille alerte également sur le fait que 7 avocats sur 10 sont localisés à moins de dix minutes à pied du palais de justice. Si la cité judiciaire sort de l'hypercentre c'est l'ensemble des professionnels du droit qui devront pour la plupart déménager leurs cabinets mais également leurs logements personnels, afin de se rapprocher des lieux envisagés que sont la Capelette ou le site d'Euroméditerranée II, tous deux situés à plus de 3 kilomètres du vieux port.
Alors, la question demeure toujours autour de la délocalisation du coeur judiciaire de Marseille. Pourquoi délocaliser l'ensemble des juridictions et entrainer une catastrophe économique du centre-ville ? De nouveaux locaux, afin d'avoir plus d'espace et de moyens, sont bien évidemment nécessaires pour toutes les juridictions. Néanmoins, ce sont principalement les seules juridictions pénales qui justifieraient un changement de site, pour des raisons de sécurité. Si la relocalisation de ces dernières doit effectivement être envisagée, la relocalisation de toutes les autres juridictions est à proscrire, eu égard à l'impact économique d'une telle décision. Par ailleurs, il convient de souligner que des travaux de rénovation ont déjà été réalisés il y a quelques années, un coût qui ne doit pas s'avérer inutile. De surcroît, aucun projet de reconversion des bâtiments occupés par les juridictions n'est actuellement sur la table. Si le projet est de déplacer les tribunaux, comment se fait il qu'aucun plan de reconversion n'a été pensé parallèlement ?
La complexité d'un projet en lieu et place des actuelles juridictions est incontestable mais pas insurmontable. Cette solution doit être prioritairement envisagée et retenue, pour le bien des professions juridiques locales et pour le bien de Marseille. D'autant que la place de la justice est au coeur de la vie de la cité, là où elle doit se dresser fièrement pour incarner l'autorité et l'État de droit, sous le regard de tous les citoyens. Sa place n'est pas en marge de la ville, cachée dans la périphérie urbaine.
Il lui demande par conséquent si le Gouvernement a fait un choix intelligent et intelligible concernant le lieu de la future cité judiciaire de Marseille ou si l'État central compte complètement déséquilibrer une partie de l'activité économique de la ville.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer publiée le 07/06/2023

Réponse apportée en séance publique le 06/06/2023

Mme le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, auteur de la question n° 711, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Stéphane Le Rudulier. Monsieur le ministre, je souhaite vous interpeller sur le choix du ministère de la justice quant au futur site d'implantation de la cité judiciaire de Marseille.

Nous avons été alertés par le barreau de Marseille et les représentants du monde économique sur les conséquences désastreuses que pourrait avoir ce projet s'il voit le jour. Une étude d'impact a été menée par la chambre de commerce et d'industrie de Marseille. La conclusion est sans appel : les acteurs du monde du droit font vivre tout un secteur qui se videra de sa substance si les juridictions sont délocalisées en périphérie du coeur de la cité phocéenne.

Cela aura une incidence sur les 1 780 commerces. L'impact financier sera de 7,4 millions d'euros par an pour le secteur de la restauration et de 10,9 millions par an pour les autres activités commerciales.

De surcroît, sept avocats sur dix sont localisés à moins de dix minutes à pied du palais de justice. Si la cité judiciaire sort de l'hypercentre, la plupart des professionnels du droit vont devoir transférer leur activité et leur cabinet.

Ma question est simple : pourquoi délocaliser l'ensemble des juridictions, ce qui entraînera de facto une catastrophe économique du centre-ville ?

Mme le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Monsieur le sénateur Le Rudulier, comme l'a annoncé le garde des sceaux le 24 avril dernier, une large consultation sous l'égide du préfet et rassemblant avocats, magistrats, greffiers, personnels administratifs, président de la chambre de commerce et d'industrie, mairie, élus, députés, métropole, région, est en cours.

Trois options sont envisagées pour la construction d'une cité judiciaire : sur un site en centre-ville pour 450 millions d'euros et six ans de construction, sous réserve de la faisabilité technique ; sur un terrain à la Capelette, sous réserve de difficultés dues à la proximité d'un centre de traitement des déchets ; sur un terrain à Euroméditerranée à quinze minutes de tramway de l'actuel palais Monthyon.

Dans ce cas-là, deux possibilités sont envisagées : bâtir une cité judiciaire de 350 millions d'euros où tout serait regroupé avec une durée de construction de trois ans ou construire un simple palais de justice sur ce terrain, le conseil des prud'hommes et le tribunal de commerce restant à Monthyon pour un budget total de 370 millions d'euros et quatre ans de construction. Il ne s'agira alors plus d'une cité judiciaire.

Je connais bien Marseille pour y avoir vécu de nombreuses années. Nous entendons, bien évidemment, les craintes légitimes d'une dévitalisation du centre-ville si la troisième option était choisie. La Chancellerie propose dans ce dernier cas d'utiliser le site du palais Monthyon pour l'école du barreau et une annexe de l'École nationale de la magistrature. Il ne s'agit pas d'abonner le bâtiment.

Les textes défendus par le garde des sceaux actuellement devant le Parlement comprennent un plan d'embauche, historique de magistrats, de greffiers et d'attachés de justice. Ils pourraient être formés à Marseille.

Nous ne méconnaissons pas l'enjeu symbolique et surtout économique que constitue une implantation judiciaire. C'est pourquoi le garde des sceaux a souhaité que cette réflexion se poursuive et puisse s'articuler autour d'autres enjeux locaux.

La concertation engagée par le préfet, est la seule qui permettra d'identifier la solution la plus adaptée, et ainsi d'éclairer la décision du Gouvernement.

Mme le président. La parole est à M. Stéphane Le Rudulier, pour la réplique.

M. Stéphane Le Rudulier. Bien évidemment, il faut de nouveaux locaux, il faut plus d'espace, tout le monde en convient, mais ce sont principalement les juridictions pénales qui nécessitent un changement de site, pour les raisons de sécurité que vous avez indiquées, mais la délocalisation de toutes les autres juridictions est à proscrire.

En tout état de cause, si vous voulez délocaliser la cité judiciaire dans son ensemble, il faut définir un projet de reconversion des bâtiments occupés par les juridictions actuelles. Vous citiez le conseil départemental et la métropole d'Aix-Marseille-Provence, mais ces collectivités ont justement investi massivement depuis de nombreuses années pour préserver la vitalité et l'attractivité du coeur de ville !

Je reste pour ma part convaincu que la place de la justice est au coeur de la cité, où elle doit se redresser fièrement pour incarner l'État et l'autorité.

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