Question de M. BILHAC Christian (Hérault - RDSE) publiée le 08/06/2023

M. Christian Bilhac attire l'attention de M. le secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargé de la mer, sur la pollution de masse générée par les paquebots de croisière géants.

Alors que les effets du réchauffement climatique n'ont jamais été aussi visibles et que les prévisions envisagent un scénario pessimiste de hausse de la température de plus de 4 degrés d'ici 2100, les navires de croisière connaissent un succès grandissant et sont de plus en plus nombreux, imposants mais surtout polluants.

Véritables villes et parcs de loisirs flottants, tout à la fois, ces paquebots géants sont conçus pour le tourisme de masse, accueillant de 500 à plus de 7000 passagers. Ils produisent une pollution massive dont les émissions toxiques impactent non seulement la vie des océans mais aussi l'air, à un niveau jamais atteint par d'autres véhicules tant en volume qu'en toxicité.

Ces émissions polluantes sont considérables et d'une ampleur singulière. Du fait de leur taille gigantesque et de leur consommation journalière, ils émettent des particules fines, toutes plus néfastes les unes que les autres : dioxyde de carbone, oxyde d'azote, oxyde de soufre, dioxyde de soufre sont déversés dans notre écosystème.

Même stationnés au port, ils continuent de polluer car ils ne coupent pas leurs moteurs pour assurer le fonctionnement des équipements de loisirs. Certains riverains de zones portuaires sont frappés par la pollution de l'air qui en découle, contenant 20 fois plus de particules fines au voisinage d'un paquebot. Ils tentent d'obtenir des décisions restrictives pour garantir leur santé respiratoire.

Les expertises dressent un constat alarmant. Un bateau de croisière expulse la même quantité de soufre que l'équivalent d'un million de voitures par jour. En mer, les teneurs en soufre admises pour les paquebots sont jusqu'à 1500 fois plus élevées que celles autorisées pour les voitures, c'est-à-dire 1,5 % contre 0,001 % pour les véhicules. Un navire de croisière arrêté à quai pendant une heure émet autant de pollution qu'environ 30 000 véhicules roulant à 30 km/h. Le fioul lourd utilisé par les paquebots contient 3000 fois plus de souffre que le diesel automobile. En 2018 en Europe, 94 paquebots émettaient dix fois plus de dioxyde de souffre que 260 millions de voitures.

S'ajoute à la pollution de l'air, celle liée au rejet des eaux usées déversées dans les océans, soient par exemple pour un paquebot de 4300 passagers, 1.9 millions de litres d'eaux usées soit 442 litres d'eaux usées par personne par jour. Quant aux déchets solides, on évalue la quantité produite à 19 tonnes par jour, environ 4.4 kg par passager.

Face à cette pollution massive, rien ne semble ralentir l'engouement pour ce marché touristique en expansion et 322 paquebots géants sillonnaient les mers du monde début mai 2023.
Préoccupé par l'impact de cette industrie touristique de masse tant sur le plan environnemental qu'en matière de santé publique, il lui demande quelles mesures compte engager le Gouvernement afin de faire cesser de toute urgence les émissions polluantes extrêmes des paquebots de croisières de masse et de sanctionner les compagnies exploitantes, en France, dans l'Union européenne et dans le monde.

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Réponse du Secrétariat d'État auprès de la Première ministre, chargé de la mer publiée le 05/10/2023

La lutte contre la pollution de l'air par les navires fait l'objet de nombreuses mesures au niveau national, européen et international. Au niveau national, la transition énergétique des ports est l'une des grandes priorités des contrats de plan État-région (CPER) 2023-2027 et notamment des grands ports maritimes où se concentrent l'essentiel des émissions. L'État a ainsi prévu 80 millions d'euros pour le financement de nouveaux branchements électriques à quai dans les grands ports maritimes, en particulier Marseille et HAROPA port. Le volet portuaire du plan de relance a représenté 175 millions d'euros sur deux ans pour le verdissement des grands ports maritimes, soit la multiplication par quatre du rythme annuel d'investissements. Il a permis de soutenir l'électrification des quais pour 43 millions d'euros, la restauration de l'environnement pour 42 millions d'euros, la performance énergétique des ports pour 31 millions d'euros et le transfert modal pour 59 millions d'euros. Dans certains territoires, les préfets mettent en oeuvre des plans de protection de l'atmosphère (PPA) avec des résultats prometteurs notamment en région Provence-Alpes-Côte-D'azur. Dans cette région, le plan encourage le développement de la sensibilisation à l'éco-pilotage afin de diminuer les émissions atmosphériques en phase de manoeuvre, la réduction des droits de port pour les navires menant des actions en faveur de la qualité de l'air (Toulon, baie de Cannes), l'engagement des acteurs de cabotage touristique dans la conversion de leur flotte, le renforcement des contrôles du respect des émissions et l'amélioration de la connaissance sur les émissions liées au maritime. En parallèle, la Charte croisière durable Méditerranée, co-signée par le Secrétaire d'État chargé de la mer et l'Association internationale des compagnies de croisière CLIA le 20 octobre 2022, vient renforcer les engagements des croisiéristes : utiliser du carburant cinq fois moins soufré ; réduire la vitesse dans les zones d'approche ; utiliser des catalyseurs d'azote en cas de pic de pollution si le navire en est équipé ; généraliser l'usage de sources d'énergie à faibles émissions. Au-delà, l'État contribue à donner plus de visibilité aux initiatives et labels qui distinguent les navires les plus performants en termes d'émissions de particules fines tels que le label « Green Marine Europe », piloté par l'association Surfrider et la Direction générale des Affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture. Par ailleurs, le règlement européen Fuel EU Maritime, négocié sous présidence française du Conseil de l'Union européenne, prévoit l'obligation, pour l'ensemble des navires à passagers (dont les navires de croisière) et porte-conteneurs, de se brancher à quai dans les principaux ports européens à partir de 2030. Enfin, le Président de la République a réuni le One Ocean Summit à Brest en février 2022 lors duquel une quinzaine d'États dont la France ainsi qu'une vingtaine de grands ports maritimes et la Banque européenne d'investissement, se sont engagés à déployer des branchements électriques à quai, notamment en faveur des navires de croisière et des porte-conteneurs d'ici 2028 en avance de deux ans sur la règlementation européenne. Grâce à l'accélération de cette dynamique, à l'horizon 2028, Dunkerque, HAROPA port et Marseille, qui représentent plus de de 80% des trafics portuaires français, offriront ainsi une offre d'électricité à quai. Au niveau international enfin, les zones dites « SECA » ciblent les émissions de SOx et les particules fines. Elles entraînent l'obligation pour tous les navires entrant dans la zone d'utiliser un combustible 5 fois moins souffré. Les zones dites « NECA » ciblent les émissions d'azote et interdit l'exploitation des moteurs trop puissants lorsque la quantité d'azote émise dépasse les limites imposées. Les eaux de la Manche sont couvertes en zones SECA et NECA depuis 2007 et 2021 respectivement. En décembre 2022, le Comité de protection du milieu marin de l'OMI a adopté la création d'une zone SECA couvrant l'ensemble de la mer Méditerranée dont l'entrée en vigueur a été fixée au 1er mai 2025. La France a joué un rôle moteur dans cette décision. Plus de 1000 morts prématurées et plus de 2000 cas d'asthme infantile seront évités chaque année pour l'ensemble du bassin méditerranéen. La France soutient également l'adoption d'une zone NECA en Méditerranée. Enfin, des discussions sont en cours parmi les États riverains de l'Atlantique du Nord-Est, dont la France, avec pour objectif une proposition officielle en 2024 à l'OMI. Avec ces initiatives, l'ensemble des eaux sous juridiction française métropolitaine est couvert par la législation la plus stricte de l'OMI en la matière.

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