Question de M. GAY Fabien (Seine-Saint-Denis - CRCE) publiée le 22/06/2023

M. Fabien Gay attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports sur le projet de démantèlement de Fret SNCF, la filiale de la SNCF de transport de marchandises par train.
Ce scénario, envisagé en réponse à une enquête de la Commission européenne portant sur l'octroi d'aides d'État contraires au droit de la concurrence, promet de déstabiliser en profondeur cet outil public indispensable à la décarbonation du secteur des transports français.
En effet, avant même d'attendre les conclusions de ladite enquête, le Gouvernement entend céder près de 20 % des contrats de Fret SNCF à la concurrence, soit près de 750 millions d'euros de son chiffre d'affaires. La filiale se séparerait ainsi de son activité en matière de trains dédiés, c'est à dire des trains de marchandises affrétés par des clients uniques dans des secteurs tels que la sidérurgie, la pétrochimie et le portuaire.
Cette décision, si elle devait advenir, consisterait en outre à céder au secteur privé l'une des activités les plus rentables de la filiale. Celle ci est en effet porteuse d'un potentiel majeur, et devrait connaître un développement important dans les années à venir. L'annulation de la dette de 5,3 milliards d'euros - reprochée à la France par la Commission Européenne , profiterait ainsi directement aux concurrents de Fret SNCF, qui en reprendraient les contrats les plus prometteurs au moment où la filiale dégage enfin une marge opérationnelle positive.
Notons par ailleurs que la rentabilité de cette activité tient en grande partie au soutien financier apporté par l'État au fret ferroviaire, dont le montant annuel des aides sera porté de 170 millions d'euros à 200 millions dès 2025, et prolongé jusqu'en 2030. Ce circuit et ces circonstances de reprise permettent ainsi au secteur privé de se positionner dans des conditions plus qu'opportunes, sans véritable contrepartie.
Le projet du Gouvernement compromet par ailleurs directement le pilotage d'objectifs essentiels à la transition écologique. En effet, Fret SNCF, détenue à 100 % par SNCF Réseau, serait appelée à disparaître au profit d'une nouvelle entité dont une partie du capital serait cédée à un tiers. L'entrée d'actionnaires privés au capital de cette dernière pose ainsi la question de la mise en oeuvre des caps fixés pour la décarbonation du secteur des transports, qui reste le premier émetteur français de CO2.
Alors que la France entend doubler la part modale du fret d'ici 2030, il est difficile d'imaginer que cette trajectoire puisse être sécurisée quand dans le même temps, des acteurs privés prendront part aux décisions et orientations de la nouvelle entité. Cette dernière sera par ailleurs empêchée pendant dix ans de se positionner sur le marché du transport non combiné de marchandises, ce qui risque de favoriser les acteurs du transport routier.
En l'état, rien ne permet de croire que les engagements formulés par le Gouvernement puissent être tenus pour empêcher ce report modal ; il n'existe en effet aucun moyen de contraindre des opérateurs économiques à choisir le fret ferroviaire plutôt que le transport routier pour l'acheminement de marchandises.
Quant aux licenciements, que le Gouvernement promet d'empêcher, tout porte à croire que les 500 postes menacés par la disparition de Fret SNCF se traduiront par de nombreux départs et démissions, ainsi que par une forte dégradation des conditions de travail, quel que soit le sort qui leur est fait (redéploiement interne à la SNCF ou transfert au secteur privé).
Il souhaite ainsi savoir si le Gouvernement entend céder à ces injonctions de la Commission Européenne en vendant au secteur privé un outil public indispensable à la transition écologique française.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des transports publiée le 13/07/2023

Le Gouvernement est pleinement mobilisé en faveur du développement du fret ferroviaire, secteur stratégique pour la décarbonation du transport de marchandises. Ce moyen de transport reste plus que jamais une solution dans la planification écologique pour atteindre les objectifs climatiques ambitieux de notre pays. Il convient de rappeler à ce sujet l'importance des moyens consacrés par l'Etat au secteur, dont le ministre chargé des transports a annoncé encore le renforcement récemment. D'ici 2032, 4 Mdeuros seront ainsi mobilisés dans des infrastructures spécifiques au fret ferroviaire, dont la moitié par l'Etat, dans le cadre de la déclinaison du plan d'avenir pour les transports annoncé par la Première ministre en février dernier. Par ailleurs, les aides à l'exploitation seront augmentées de 30 Meuros par an à partir de 2025 et pérennisées à ce niveau jusqu'en 2030, ce qui portera à 330 Meuros le total des aides à l'exploitation versées chaque année contre 80 Meuros en 2017, avec une visibilité assurée à long terme. A la suite de l'ouverture par la Commission Européenne en janvier 2023 d'une procédure formelle sur les conditions de financement de Fret SNCF, des échanges ont eu lieu entre les autorités françaises et la Commission. Le Gouvernement fait tout pour éviter le pire scénario, à savoir une issue négative de la procédure qui se traduirait par l'obligation pour Fret SNCF de rembourser plus de 5 Mdeuros. Une telle décision conduirait en effet immédiatement à la liquidation de Fret SNCF, supprimerait des milliers d'emplois et remettrait plus d'un million de camions sur les routes chaque année. Plutôt que de prendre le risque - réel en cas d'inaction - de voir disparaître purement et simplement Fret SNCF et à travers lui une grande partie du fret ferroviaire français dans les mois qui viennent, la solution privilégiée est de mener une transformation de l'entreprise, qui permettra à terme que la Commission européenne puisse constater l'existence d'une discontinuité économique et éteindre le risque de remboursement des 5 Mdeuros. Cette solution garantit la préservation intégrale du coeur d'activité de Fret SNCF que constitue la gestion capacitaire, clé pour le report modal et indispensable à nos territoires. Elle respecte également les trois lignes rouges que le Gouvernement s'est fixées, à savoir l'absence de tout licenciement pour les statutaires comme les contractuels (100 % des emplois dans le ferroviaire sont préservés et 90 % des emplois seront maintenus au sein de la nouvelle organisation), l'absence de privatisation et l'absence de report modal sur la route. En ce qui concerne le cas spécifique du service Perpignan-Rungis, qui fait partie des contrats que Fret SNCF ne pourra plus opérer, l'Etat lancera très prochainement un nouvel appel à manifestation d'intérêt pour identifier un repreneur. Le train des primeurs, qui a été sauvé par l'Etat en 2021, continuera à rouler, quelle que soit la nouvelle étiquette de l'opérateur.

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