Question de M. GREMILLET Daniel (Vosges - Les Républicains) publiée le 29/06/2023

M. Daniel Gremillet attire l'attention de M. le ministre de la santé et de la prévention sur la dégradation de l'accès aux soins et l'augmentation des fragilités territoriales.

Les dernières données du Conseil national de l'ordre des médecins l'indiquent : 8 millions de français vivent dans un désert médical. Les écarts de densité médicale se creusent et les délais d'attente pour accéder à un médecin augmentent. La pénurie de spécialistes : ophtalmologistes, gynécologues, pédiatres, dermatologues, radiologues..., engendre un allongement des délais d'attente pour les patients. La présence des généralistes ne suffit pas à répondre à la demande. Cette situation risque de s'aggraver puisque aujourd'hui un médecin généraliste sur deux est âgé d'au moins 60 ans.

Certains patients reportent ou renoncent à se soigner. Les distances à parcourir sont dissuasives. La télémédecine est difficilement accessible pour les plus âgés ou les moins avancés dans la pratique des outils informatiques.

Aux inégalités territoriales d'accès à la médecine de ville, s'ajoutent des difficultés d'accès aux structures hospitalières de proximité : maternité, services d'urgence...

Malgré les efforts des collectivités territoriales pour attirer des médecins, les différentes incitations financières que les gouvernements successifs ont mis en place, la fin du numérus clausus, la mise en place, au cours de cette année 2023, de communautés professionnelles de santé, le chemin reste long pour certains territoires. Il demande au Gouvernement comment il entend lever ces freins en mobilisant les leviers existants.

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Transmise au Ministère de la santé et de la prévention


Réponse du Ministère de la santé et de la prévention publiée le 14/12/2023

Le Gouvernement est pleinement mobilisé pour garantir l'accès aux soins de tous les citoyens et lutter contre les fragilités territoriales et la pénurie de médecins, notamment en milieu rural. Depuis 2017, il déploie une stratégie incitative comportant une large palette de solutions, adaptables à chaque contexte local. Car la réponse aux difficultés démographiques n'est pas unique mais repose sur la confiance aux acteurs, professionnels de santé et élus locaux pour innover et construire des solutions sur-mesure. L'enjeu aujourd'hui, dans un contexte démographique tendu, est bien de mobiliser tous les leviers existants pour trouver du temps médical et augmenter l'attractivité des territoires les plus concernés, étant donné que les bénéfices de la fin du numérus clausus ne se feront effectivement sentir que dans une dizaine d'années. Dans le cadre de la stratégie « Ma Santé 2022 » des dispositions à effet de court terme ont été déployées, sans attendre que les mesures structurantes (comme la suppression du numerus clausus ou le déploiement de l'exercice coordonné) puissent produire pleinement leurs effets : facilitation de l'embauche d'assistants médicaux, pour seconder et appuyer les médecins dans un ensemble de tâches administratives et soignantes. Aujourd'hui, on compte plus de 5 000 contrats d'assistants médicaux signés. L'objectif est d'accélérer le recours à ce dispositif pour atteindre 10 000 assistants médicaux fin 2024. Il est estimé, sur la base des premiers recrutements, que les gains sont de 10% de patients en plus pour les médecins du fait du temps médical gagné ; déploiement des protocoles de coopération pour améliorer l'accès aux soins et la réponse en santé en réorganisant les modalités d'intervention auprès des patients. Actuellement 57 protocoles nationaux sont autorisés dans lesquels sont engagées 2 400 équipes. Et 90 protocoles locaux ont été déclarés depuis 2021 dans lesquels un peu plus de 1 000 professionnels de santé se sont engagés ; déploiement de la pratique avancée ce jour ouverte uniquement aux infirmiers, mais qui reste à développer pour les auxiliaires médicaux. Actuellement 1 619 infirmiers en pratique avancée ont une autorisation d'exercice de l'Ordre national infirmier. Ils exercent principalement à l'hôpital. Leur déploiement en ville est encore à faciliter ; rénovation de l'accès aux formations de santé, dans un objectif de décloisonnement des études de santé pour favoriser des modes d'exercice partagés et pluri-professionnels mais aussi pour former le nombre de professionnels de santé dont les territoires ont besoin ; accélération du virage numérique en santé, avec notamment le déploiement de la télémédecine dans les zones en tension, pour contribuer à faciliter l'accès aux soins grâce à une prise en charge et un suivi plus rapides. Le Ségur de la Santé lancé en juillet 2020 a ensuite mis l'accent sur le déploiement de l'exercice coordonné sous toutes ses formes et le recours à la télésanté. La généralisation de l'exercice collectif et coordonné est un objectif ambitieux de notre politique car la structuration des équipes pluri-professionnelles contribue à une plus grande attractivité de l'exercice ambulatoire dans les territoires fragiles. Le déploiement des Maisons de Santé Pluri-professionnelles (MSP), des centres de santé (CDS) et des Communautés professionnelles de territoire (CPTS) font d'ailleurs partie des objectifs particulièrement suivis dans le cadre des politiques prioritaires du Gouvernement avec pour cibles respectives en 2027 : 4 000 MSP et 700 CDS pluriprofessionnels. Les maisons et centres de santé offrent aux professionnels de santé des conditions d'exercice rénovées qui correspondent tout particulièrement aux attentes des jeunes professionnels. On comptait 2 395 MSP en juin 2023 contre 2 127 structures en juin 2022 et 1 889 en juin 2021. Un plan interministériel d'actions a été lancé en juin 2023 afin d'atteindre cet objectif de 4 000 MSP en 2027. 5 axes ont été déclinés (formation, coordination, immobilier, innovation, prévention des difficultés) et 50 millions d'euros dédiés à cette fin. Le nombre de centres de santé pluriprofessionnels a augmenté dans le même temps : 582 ont été recensés en décembre 2022 contre 522 en décembre 2021. Des mesures sont développées pour que, parmi ces structures (centres et maisons de santé), une soixantaine d'entre elles puissent offrir une offre de prise en charge globale -médico-psycho-sociale- particulièrement adaptée aux populations les plus précaires. 100% de la population couverte par une CPTS. Fin août 2023, 76,4% de la population habite un territoire couvert par une CPTS, et de nombreux projets émergents sont recensés. Suite au rapport de la mission Tour de France des CPTS lancée par la ministre Agnès Firmin le Bodo, le ministère, en lien avec la CNAM, et en train de déployer le plan 100% CPTS poursuivant un double objectif de couverture complète du territoire et de renforcement des structures existantes ; Le soutien financier de l'assurance maladie a été considérablement renforcé, ce qui a permis d'améliorer la viabilité financière de ces structures et donc leur pérennité et de mieux valoriser le travail en équipe qui fait leur spécificité. Ainsi, les CDS, les MSP et les CPTS bénéficient de financements de fonctionnement dans le cadre des accords conventionnels (« Accord national CDS » « ACI MSP » et « ACI CPTS ») qui ont chacun fait l'objet d'un avenant en 2022, ce qui contribue également à accompagner la dynamique de déploiement de ces structures. Concernant le recours à la télésanté, les conditions d'un déploiement rapide sont désormais en place pour permettre aux patients d'obtenir, notamment dans les zones en tension, une prise en charge et un suivi plus rapide : La téléconsultation est remboursée depuis septembre 2018 sur l'ensemble du territoire et pour tous les patients dans le cadre d'un parcours de soins coordonné ; des exceptions sont prévues sous certaines conditions au principe de territorialité et notamment pour les zones sous denses (la prise en charge des téléconsultations sans orientation par le médecin traitant si le patient n'en n'a pas ou s'il n'est pas disponible ; et l'exonération du principe de territorialité précisément dans le cas où le patient résiderait en zone sous dense (ce zonage correspondant aux Zones d'Intervention Prioritaires). Les patients peuvent être accompagnés par des professionnels de santé (l'accompagnement par un pharmacien et un infirmier sont financés par l'assurance maladie) ; La téléexpertise, qui permet à l'ensemble des professionnels de santé de solliciter l'avis à distance d'une profession médicale depuis 2019. La prise en charge de tous les patients par l'assurance maladie est généralisée depuis avril 2022. Pour les professionnels, la prise en charge par l'assurance maladie doit cependant, au préalable, être actée dans les accords conventionnels de chacune des professions de santé. Ainsi, à ce jour, sont pris en charge par l'assurance maladie les réponses données pour les médecins (avenant 9 à la convention médicale) et les sages-femmes (avenant 5) « requis » dans le cadre de la téléexpertise et les demandes faites par les médecins (avenant 9), les sages-femmes (avenant 5), les orthophonistes (avenant 18), les infirmières et IPA (avenant 9) et prochainement pour les masseurs-kinésithérapeutes (avenant 7 dont les mesures seront effectives à compter de mars 2024) ; La télésurveillance, dont le financement est prévu dans le droit commun depuis le 1er juillet 2023 : elle permet une amélioration des prises en charge des patients (diminution des hospitalisations et des passages aux urgences), la réorganisation des parcours et des pratiques (optimisation des organisations de soin) et l'amélioration du confort de vie des patients ; Le télésoin, pour les actes ne nécessitant pas un contact direct et/ou un équipement spécifique non disponible auprès du patient. Depuis 2021, les activités de télésoin sont autorisées pour 18 professionnels de santé. Pour le moment, seuls les actes de télésoin réalisés par les orthophonistes (avenant 18), les orthoptistes (avenant 14), les infirmiers et IPA (avenant 9) font l'objet d'un remboursement par l'assurance maladie. Les actes de télésoin effectués par les masseurs-kinésithérapeutes seront pris en charge à compter de mars 2024 (avenant 7 signé le 13 juillet 2023). La formation des professionnels de santé est aussi un levier important pour attirer de nouveaux professionnels sur les territoires, et différentes mesures ont été prises en ce sens telles que les dispositifs de la loi d'organisation et de transformation du système de santé encourageant la réalisation des stages dans les zones sous-denses et qui sont aujourd'hui effectives. Des dispositions ont aussi été prises dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale 2023, instaurant une quatrième année de formation en médecine générale, conçue comme un premier pas dans la vie professionnelle et encouragée prioritairement dans les territoires les plus en tension. La médecine générale était la seule spécialité médicale à n'avoir que trois années de formation en troisième cycle de médecine, sans phase de consolidation, ni d'accès au statut de docteur junior. Cet allongement de la formation vise à rénover et compléter la formation des futurs médecins généralistes, à accompagner les jeunes professionnels dans leur futur exercice et leur permettre ainsi une installation dès la fin du cursus de formation. Cette année supplémentaire sera effectuée en stage ambulatoire, sous un régime d'autonomie supervisée par un ou plusieurs praticiens agréés-maître de stage des universités, et en priorité dans les zones sous denses. Au regard du projet professionnel de l'étudiant, un stage pourra être réalisé en milieu hospitalier ou extrahospitalier. La nouvelle maquette de formation est entrée en vigueur à la rentrée 2023. Des dispositifs spécifiques sont également destinés à faciliter l'installation des médecins dans les zones sous-dotées : simplification des aides dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023, en passant à une logique de guichet unique. En août 2023, 6 308 contrats en cours dont : 2 651 contrats d'aide à l'installation médecin (CAIM) 3 408 contrats de stabilisation et de coordination médecin (COSCOM) 99 contrats de transition pour les médecins (COTRAM) 150 contrats de solidarité territoriale médecin (CSTM) dans le cadre de leur exercice dans une zone d'intervention prioritaire (installation, maintien, renfort auprès de leurs confrères ...). travail sur le cadre de vie global offert aux professionnels de santé : possibilités d'emploi pour le conjoint, établissements scolaires, accès au réseau, moyens de transports... Les élus locaux ont aussi une part à prendre, certains s'engagent d'ores et déjà dans cette voie. Afin d'accélérer les effets de l'ensemble de ces mesures, le ministre de la Santé et de la Prévention a par ailleurs chargé les services de l'Assurance maladie de construire et de déployer un plan d'actions à effet immédiat pour réduire le nombre de patients atteints d'une affection de longue durée (ALD) sans médecin traitant (plus de 700 000) et pour apporter des solutions à ces patients. Cette démarche respecte trois principes clés : le libre choix du patient et le libre exercice du médecin, notamment dans le choix de sa patientèle, la reconnaissance de la spécificité de chaque territoire (densité et activité des professionnels de santé) mais aussi des actions engagées dans les départements ou sur lesquelles les partenaires locaux souhaitent se mobiliser, l'attention particulière pour l'accompagnement des plus fragiles, notamment les résidents des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ou les personnes rencontrant des difficultés de mobilité. Depuis le mois d'avril 2023, l'Assurance maladie contacte toutes les personnes en ALD sans médecin traitant pour leur proposer une solution de recherche et de mise en relation avec des médecins. Les personnes concernées ont été informées du fait qu'elles peuvent s'opposer à la démarche et refuser la transmission d'informations aux médecins. La diversité des situations locales nécessite par ailleurs plus que jamais l'action concertée de l'ensemble des parties-prenantes, y compris évidemment des collectivités territoriales. C'est le sens des concertations locales qui ont été menées dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR). Des ateliers ont à ce titre été organisés sur l'ensemble des bassins de vie afin d'identifier et de déployer des solutions permettant de garantir la continuité des soins. A travers plus de 250 réunions locales, les CNR territoriaux ont fait émerger des centaines de bonnes idées, de projets et de modes de fonctionnement collectifs innovants. Pour accompagner la suite concrète de l'engagement des territoires, une enveloppe dédiée est réservée en 2023 sur le Fonds d'Intervention Régional (FIR). Les agences régionales de santé (ARS) sont des facilitateurs dans ce contexte et accompagnent le déploiement de projets identifiés localement. Enfin les travaux se poursuivent à divers niveaux. L'examen de la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par l'engagement territorial des professionnels se ainsi poursuit au Parlement. Elle porte un nombre important de nouvelles mesures dont le déploiement rapide contribuera à améliorer la situation dans de nombreux territoires. Et la reprise de la négociation conventionnelle avec les médecins libéraux doit permettre d'identifier de nouvelles solutions pour l'accès notamment aux généralistes.

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