Question de Mme ROSSIGNOL Laurence (Oise - SER) publiée le 29/06/2023

Mme Laurence Rossignol attire l'attention de Mme la Première ministre sur les attaques faites au droit fondamental pour les femmes à l'interruption volontaire de grossesse (IVG).

Nous assistons à un regain de la virulence des mouvements anti-choix qui multiplient les attaques contre les antennes du Planning familial. Ces derniers mois, à Bordeaux, à Strasbourg et dans bien d'autres villes, des groupuscules d'extrême-droite revendiquent des actions visant à entraver les droits des femmes.

Le 25 mai 2023, une campagne de vandalisme des militants anti-avortement visait les vélib' parisiens sur lesquels ils avaient placé des gommettes contre le droit à l'IVG. Ils ont réitéré cette opération le 15 juin 2023 dans la capitale puis le 19 juin à Lyon. Ces actes ont été revendiqués par le collectif « Les survivants » de manière tout à fait décomplexée. Les droits des femmes sont ouvertement attaqués, notre vigilance doit être permanente.

Ce continuum d'attaques contre le droit à l'IVG doit être traité sérieusement. La réponse doit d'abord être politique. C'est ce que nous attendons à travers la constitutionnalisation de l'IVG. Les deux chambres du Parlement ont voté en faveur de la constitutionnalisation de l'IVG. Or, le texte n'ayant pas été voté conforme, le pouvoir d'action est désormais entre les mains de l'exécutif.

Alors que les attaques se multiplient, qu'en 15 ans, 30 centres IVG ont été fermés et que dernièrement nous avons connu une pénurie de pilules abortives, les réponses se font attendre. Pourtant, le Président de la République avait annoncé le 8 mars 2023 qu'un projet de loi constitutionnel visant à inscrire le droit à l'IVG dans la Constitution serait déposé.

Ainsi, elle lui demande quelles sont les intentions du Gouvernement pour protéger le droit fondamental à l'avortement et, dans cette même logique, elle souhaiterait savoir si le projet de loi constitutionnel va être déposé et si oui, quand.

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Transmise au Ministère auprès de la Première ministre, chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances


Réponse du Ministère auprès de la Première ministre, chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances publiée le 05/07/2023

Réponse apportée en séance publique le 04/07/2023

Mme le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, auteure de la question n° 772, transmise à Mme la ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances.

Mme Laurence Rossignol. Madame la ministre, j'appelle votre attention sur le regain d'activisme et de virulence des associations, lobbies et autres mouvements anti-interruption volontaire de grossesse (IVG).

Il est clair que la concomitance entre le regain d'activisme des mouvements d'ultradroite et celui des anti-IVG n'est ni totalement fortuite ni anodine.

À Bordeaux et dans de nombreuses autres villes, des locaux du planning familial ont été pris pour cibles. À Paris, le 25 mai dernier, nous avons assisté à une autre campagne de vandalisme, des autocollants antiavortement ayant été appliqués sur les Vélib'.

Des plaintes ont été déposées et des réponses judiciaires seront sans doute apportées. Pour autant, elles ne sauraient suffire, car il s'agit clairement d'une question politique.

Comment pouvons-nous, ensemble, renvoyer dans leurs cordes les lobbies anti-IVG qui s'agitent aujourd'hui ?

La première réponse, la plus simple, est de nature politique : elle consiste à constitutionnaliser le droit à l'IVG.

Les deux assemblées se sont prononcées en des termes certes différents, mais convergents : l'une et l'autre ont voté pour une constitutionnalisation de ce droit. Qu'attend le Président de la République pour faire déposer un projet de loi, réunir le Congrès et affirmer clairement que la France défend le droit à l'IVG au point de l'inscrire dans sa Constitution ? Les activistes anti-IVG cesseraient dès lors de nous harceler : eux qui ont déjà perdu la bataille d'opinion auraient définitivement perdu la bataille politique.

Mme le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Isabelle Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances. Madame la sénatrice, je vous remercie de poser cette question.

L'actualité récente nous rappelle que les droits des femmes sont encore, hélas ! la cible favorite des conservateurs. Ces dernières semaines, Paris a ainsi subi de honteuses campagnes de désinformation contre l'avortement.

En vertu de l'article 40 du code de procédure pénale, j'ai saisi le procureur de la République pour que cette campagne cesse et que ses auteurs soient poursuivis.

L'IVG est un droit fondamental des femmes et nous ne laisserons personne y porter atteinte.

Depuis 2017, nous avons renforcé ce droit en assurant le tiers payant intégral de l'IVG, en luttant contre la désinformation, avec la création d'un numéro vert national, et en allongeant le délai de recours à l'IVG de douze à quatorze semaines.

En outre, le plan « Toutes et tous égaux », que nous avons présenté le 8 mars dernier avec Mme la Première ministre, prévoit la généralisation de la pratique des IVG chirurgicales par les sages-femmes.

Ce combat pour les droits sexuels et reproductifs des femmes passe aussi par l'amélioration de l'accès à la contraception.

Nous avons instauré la gratuité de la contraception pour les jeunes de moins de 26 ans et l'accès gratuit en pharmacie à la pilule du lendemain sans ordonnance pour toutes, sans limite d'âge. En effet, on ne pouvait plus tolérer que les femmes subissent des freins financiers pour l'accès à la contraception.

Enfin, le combat pour le droit à l'IVG est, bien sûr, un symbole puissant de la liberté des femmes. C'est pourquoi le Président de la République a pris des engagements forts, qui se déploient en France et en Europe.

Sur son initiative, les députés européens ont voté l'inscription du droit à l'IVG dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Le 8 mars dernier - vous le savez -, il a exprimé sa volonté d'inscrire ce droit dans notre Constitution. Cette promesse est un message de liberté adressé à toutes les femmes de France et vous pourrez compter sur moi pour le porter.

Mme le président. La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour la réplique.

Mme Laurence Rossignol. Madame la ministre, nous savons votre engagement et nous saluons votre réactivité, chaque fois qu'une attaque est portée contre ce droit. Pour autant - je le dis très clairement -, le Président de la République nous balade !

Il ne suffit pas de promettre et de prendre des engagements : il est temps de passer à l'acte. C'est une urgence politique. Il est urgent de défendre le droit à l'IVG. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

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