Question de Mme DUMONT Françoise (Var - Les Républicains) publiée le 06/07/2023

Mme Françoise Dumont attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur la banalisation de la diffusion des vidéos violentes sur les réseaux sociaux.

Plusieurs affaires récentes (dont notamment l'agression d'une enfant et de sa grand-mère à Bordeaux et la tentative d'interpellation d'un jeune homme de 17 ans, à Nanterre, ayant entraîné sa mort) ont conduit à un déferlement de messages contenant des vidéos très violentes (sans floutage des personnes concernées, dont parfois des mineurs) sur les réseaux sociaux, entraînant non seulement une attente à l'image de ces personnes, mais aussi un risque de violences ultérieures à l'encontre des protagonistes ou à l'encontre de leurs familles.

La loi est claire sur ce sujet : l'article 222-33-3 du code pénal précise que « le fait de diffuser l'enregistrement » d'une agression est punie de « cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende ». Des sanctions qui peuvent s'appliquer à ceux qui diffusent initialement la vidéo, mais aussi à ceux qui la partagent (seuls les organes de presse en sont exemptés). Relayer de telles images sans l'accord des personnes concernées est par ailleurs passible de sanctions au civil, du fait de l'article 9 du code civil, protégeant la vie privée.

Pourtant, les vidéos restent présentes sur les réseaux, durant plusieurs jours et consultables par tous (même des personnes jeunes).

Au-delà de la responsabilité individuelle - qu'il ne faut pas minimiser, malgré l'émoi que suscite ces affaires -, se pose la responsabilité des réseaux sociaux.

Avec le licenciement de milliers de modérateurs sur Twitter, après l'arrivée de son nouveau propriétaire, comment un tel réseau peut-il encore protéger les internautes (et en particulier les plus jeunes) de ce type de contenus ?
La violence s'invite sur les écrans et se diffuse, sans filtre, sans contexte, sans mesure. Servant de preuve, pour certains, d'argument pour justifier d'autres violences, pour d'autres.

Les réseaux sociaux se muent progressivement en tribunaux médiatiques, sans preuves, ni avocats et sans même de procès.

Par conséquent, elle lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures que le Gouvernement entend mettre en place pour encadrer la diffusion de vidéos violentes (notamment de crimes et délits, prises par des caméras de surveillance ou des smartphones) sur les réseaux sociaux et responsabiliser ces derniers, en tant qu'entreprises, quant aux contenus diffusés par leurs utilisateurs (et pour lesquels ils ont, sans conteste, une part de responsabilité, puisqu'hébergeant ces vidéos et permettant leurs diffusions rapides).

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Transmise au Secrétariat d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé du numérique


Réponse du Secrétariat d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé du numérique publiée le 18/04/2024

Le Gouvernement français est pleinement mobilisé dans le lutte contre la diffusion de contenus violents sur les réseaux sociaux, que ce soit au niveau européen avec l'adoption du règlement européen sur les services numériques (« DSA » ou Digital Services Act) sous présidence française de l'Union européenne, qu'au niveau français avec le Projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (PJL SREN). Le DSA est un règlement européen, entré en vigueur le 16 novembre 2022, qui vise à renforcer la protection des internautes en ligne en responsabilisant toutes les plateformes numériques, dont les réseaux sociaux font partie, afin que ces dernières prennent les mesures de modération nécessaires et efficaces pour lutter contre la dissémination de contenus illicites sur leurs services. Les très grandes plateformes (comptant plus de 45 millions d'utilisateurs actifs mensuels au sein de l'Union) doivent désormais prendre des mesures d'atténuation des risques systémiques engendrés par leurs services, notamment la surexposition à des contenus violents, tels ceux portant enregistrements d'agressions en infraction au Code pénal. Les réseaux sociaux tels que X (anciennement Twitter), Tik tok, Instagram ou Facebook ont été désignés comme des très grandes plateformes en ligne en avril 2023 et ont ainsi dû se mettre en conformité avec l'ensemble des obligations de ce règlement depuis le 25 août 2023. Au mois de décembre 2023, la Commission européenne a ouvert une procédure formelle d'infraction contre le réseau social X, notamment en raison de manquements présumés aux obligations de lutte contre les contenus illicites et la désinformation prévues dans le DSA. Les sanctions pour non-respect du DSA peuvent s'élever jusqu'à 6% du CA, voire une mesure temporaire de restriction de l'accès en cas de risque de préjudice grave. En France, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et du numérique est chargée d'assurer la mise en oeuvre et le respect de ces nouvelles exigences et a engagé des ressources dédiées sur cette mission. Suite aux violences urbaines de l'été 2023, le gouvernement a mis en place en juillet un groupe de travail transpartisan incluant les parlementaires du Sénat et de l'Assemblée nationale afin de lancer une réflexion sur l'usage des réseaux sociaux et d'identifier les leviers d'action adéquats pour lutter contre la diffusion de contenus violents illégaux ou préjudiciables. Ce groupe de travail a permis d'enrichir le projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique avec la création d'une « réserve citoyenne du numérique », comme réserve thématique de la réserve civique instaurée par la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté du 27 janvier 2017. Cette réserve a pour objectif de contribuer a la sensibilisation aux usages civiques des services et espaces numériques. Elle participera notamment à la lutte contre la diffusion des contenus de haine ou de violence sur Internet et jouera un rôle de vigie pour prévenir et signaler les contenus de cyberharcèlement, de violence, de provocation à la violence ou de discrimination sur les réseaux numériques. Enfin, l'article 5 du projet de loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique renforce l'arsenal juridique national destiné à réprimer la diffusion de contenus illégaux sur internet via la création d'une peine complémentaire de bannissement numérique en cas de condamnation pour haine en ligne, cyberharcèlement et pour d'autres infractions graves, dont le fait de diffuser l'enregistrement d'images d'agression relevant de l'article 222-33-3 du code pénal.

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