Question de Mme NOËL Sylviane (Haute-Savoie - Les Républicains) publiée le 20/07/2023

Mme Sylviane Noël attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, sur les conséquences de la modification du seuil de ratio de tension sur la demande de logement social pour les communes.

Le décret n° 2023-230 du 29 mars 2023 est venu modifier le seuil de tension sur la demande de logement social mesuré à l'échelle des territoires concernés par la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), seuil en-deçà duquel les communes membres de ces territoires peuvent être exemptés de ce dispositif.

Depuis la publication de ce texte, le ratio est désormais fixé à 2 : au cours des trois années prochaines, il faudra donc aux communes membres des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et agglomérations souhaitant demander une exemption des obligations de la loi SRU deux demandes de logement social pour un emménagement annuel.

Sur l'ensemble du territoire national moins d'une quarantaine d'agglomérations et d'EPCI remplissent cette condition.
En Haute-Savoie, plusieurs communes se voient subitement appliquer un nouveau ratio. C'est le cas de Marignier dans l'agglomération clusienne (dont le ratio passe à 4,51162), qui se voit dorénavant appliquer un objectif de 25 % de production de logements sociaux au lieu de 20 %.

Pour cette commune, l'augmentation de l'indice de tension du logement social fait mathématiquement passer le montant de sa pénalité SRU de 40 000 euros à 85 000 euros soit plus du double, payable immédiatement ! Plusieurs autres communes de l'agglomération de Cluses sont dans la même situation.

Pour les maires de ces communes, qui pour la plupart ont entamé leur premier mandat en 2020 sous les feux du Covid et de la crise économique, cette nouvelle pénalité constitue une punition insupportable à plusieurs titres.

Financièrement, d'abord, car elle intervient de manière rétroactive (le montant de la pénalité engendrée par le passage de 20 à 25 % de logements locatifs sociaux, prélevée par quart entre août et novembre sur l'exercice budgétaire 2023, est notifiée aux communes au mois de juillet alors que leur budget devait être voté au plus tard le 15 avril 2023 !) dans un contexte particulièrement délicat pour les collectivités locales, compte tenu de l'explosion de leurs charges de fonctionnement et à la chute d'une partie de leurs recettes (droits de mutation, effets de la réforme de la taxe d'aménagement).

Juridiquement, ensuite, car cette pénalité vient comme un couperet sanctionner, sans aucun délai ni préavis, la non-atteinte d'un objectif qui ne s'imposait pas jusqu'alors aux communes, ce qui est particulièrement discutable

Humainement, enfin, en sanctionnant des élus qui, pour l'immense majorité, sont particulièrement actifs pour tenter de résorber le retard de production de logements sociaux et ne voient pas leurs efforts récompensés, bien au contraire, qui plus est dans un département frappé de surcroît par la rareté et la cherté du foncier.

Aussi, compte tenu de ces éléments, elle lui demande si le Gouvernement compte revoir le dispositif en vigueur pour le rendre plus acceptable.

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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé des collectivités territoriales et de la ruralité publiée le 01/11/2023

Réponse apportée en séance publique le 31/10/2023

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, auteure de la question n° 790, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.

Mme Sylviane Noël. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le décret du 29 mars 2023 est venu modifier le seuil de tension sur la demande de logement social mesuré à l'échelle des territoires concernés par la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU.

En Haute-Savoie, plusieurs communes se voient subitement appliquer un nouveau ratio. C'est le cas de Marignier dans l'agglomération clusienne, qui se voit dorénavant appliquer un objectif de 25 % de production de logements sociaux, au lieu de 20 %, ce qui fait mathématiquement passer le montant de sa pénalité SRU de 40 000 euros à 85 000 euros, soit plus du double, payable immédiatement, alors même que cette commune avait atteint une très large majorité de ses objectifs initiaux en la matière.

Une telle attitude de l'État est très décourageante, voire stigmatisante pour les élus. C'est une situation insupportable, à plusieurs titres.

Financièrement, cette pénalité intervient de manière rétroactive - son montant a été notifié aux communes au mois de juillet, alors que leur budget devait être voté au plus tard le 15 avril 2023 -, dans un contexte particulièrement délicat pour les collectivités locales, compte tenu de l'explosion de leurs charges de fonctionnement et de la baisse d'une partie de leurs recettes.

Juridiquement, cette pénalité vient sanctionner, à la manière d'un couperet, sans aucun délai ni préavis, la non-atteinte d'un objectif qui ne s'imposait pas jusqu'alors aux communes, ce qui est particulièrement discutable.

Humainement, enfin, sont sanctionnés des élus, alors que, dans immense majorité, ils sont particulièrement actifs pour tenter de résorber le retard de production de logements sociaux. Leurs efforts ne sont donc pas récompensés, bien au contraire, dans un département frappé de surcroît par la rareté et la cherté du foncier.

Madame la ministre, ne pensez-vous pas qu'en matière de logements, comme pour bien d'autres politiques publiques, il est temps que l'État fasse usage de la carotte plutôt que du bâton dans ses rapports avec les collectivités locales, afin de restaurer la confiance ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer et du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargée des collectivités territoriales et de la ruralité. Madame la sénatrice Noël, à chaque début de période triennale d'application du dispositif issu de l'article 55 de la loi SRU, le Gouvernement définit un seuil de tension sur la demande de logements sociaux en deçà duquel les territoires concernés se voient appliquer un objectif abaissé.

Le récent décret n° 2023-235 du 28 avril 2023 a fixé ce seuil à quatre demandes pour une attribution.

Le Gouvernement a fait le choix de la stabilité en décidant de reconduire le seuil préexistant. Ce décret a fait l'objet d'une concertation avec les associations nationales représentatives des élus locaux et a reçu des avis favorables du Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) et du Conférence nationale du handicap (CNH).

Les communes dans lesquelles le taux de tension est inférieur à ce seuil se voient appliquer un taux abaissé de 20 % de logements sociaux parmi l'ensemble des résidences principales, contre 25 % dans le droit commun.

Par conséquent, la hausse du taux cible attendu de la commune de Marignier s'explique non pas par le changement réglementaire, mais uniquement par la hausse de la tension observée dans l'unité urbaine de Cluses, à laquelle elle est rattachée.

Le taux est passé de 3,9 à 4,5 demandes pour une attribution en trois ans. Ce niveau de tension résulte d'une méthode de calcul visant à prendre en compte la situation particulière liée à l'épidémie de covid-19, puisqu'un décret du 17 février 2023 a prévu, de manière dérogatoire, de neutraliser les données de l'année 2020 au sein de la moyenne triennale retenue.

Le relèvement de l'objectif est ainsi lié à l'intensification des enjeux de production de logements sociaux sur ce territoire. La commune conserve la possibilité de déduire de son prélèvement annuel ses dépenses engagées en faveur du développement d'une offre sociale.

M. le président. La parole est à Mme Sylviane Noël, pour la réplique.

Mme Sylviane Noël. Madame la ministre votre réponse me laisse une nouvelle fois sur ma faim !

Je vous ai interrogée sur des faits très concrets, et vous me répondez en termes techniques. Je connais les dispositifs de déductibilité que vous évoquez.

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Sylviane Noël. Je souhaitais vous sensibiliser aux caractéristiques d'une telle sanction.

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