Question de Mme GOULET Nathalie (Orne - UC) publiée le 07/09/2023

Mme Nathalie Goulet attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les pratiques des unités de méthanisation notamment pour ce qui concerne le non-respect des proportions de cultures principales utilisées par ces derniers.

On assiste partout en France à la multiplication de structures de méthanisation « XXL » construites avec une part non négligeable de financements publics qui proviennent des directions régionales de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), des conseils régionaux, collectivités territoriales mais également agences de l'eau ou syndicats d'énergie.
Pour subvenir à leurs besoins ces structures s'alimentent en maïs ou en luzerne et ce dans des proportions supérieures à celles fixées par le décret n°2022-1120 du 4 août 2022 qui précise que ces structures ne peuvent être approvisionnées par des cultures principales que dans une proportion maximale de 15 % du tonnage brut total des intrants.

Ainsi les unités de méthanisation provoquent-elles une augmentation des prix des cultures principales et dérèglent un marché par ailleurs subventionné par la politique agricole commune (PAC).
Dans l'Orne la luzerne est passée de 200 à 400 euros la tonne de matière sèche (tMS) .
Il ne semble pas que des contrôles soient en place bien qu'ils soient faciles à exercer par une simple consultation des comptabilités de ces établissements.
Les cultures principales sont en priorité destinées aux éleveurs, les dysfonctionnements des pratiques entraînent une hausse des prix des intrants, insupportable pour eux.

La France doit être attentive à la situation de nos amis et voisins allemands.
L'Allemagne, qui a dédié des espaces agricoles à la construction de méthaniseurs, a consacré 14% de son agriculture à la production d'énergie.
En 2014, le pays a dû faire volte-face car l'industrialisation de la méthanisation a mené à de nombreux risques environnementaux liés aux risques accrus de pollution des eaux et de fuites de gaz polluant.
Elle souhaite donc savoir ce qu'il compte entreprendre pour faire appliquer la réglementation en place notamment pour ce qui concerne la limite de 15 % maximum de cultures principales dans les méthaniseurs.
La violation de cette disposition, et ses nombreux effets pervers devraient faire l'objet de sanctions importantes et de suspension de toute subvention.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 09/11/2023

La méthanisation agricole contribue activement à la politique nationale de développement des énergies renouvelables, tout en assurant un complément de revenus pour les agriculteurs. Le Gouvernement est attaché à un développement durable de la filière. La question de l'approvisionnement des installations de méthanisation a été identifiée comme fondamentale pour éviter la concurrence de la production d'énergie à partir de biomasse avec les usages alimentaires, à la fois en ce qui concerne les productions elles-mêmes, mais aussi les surfaces agricoles. Il s'agit d'encourager un modèle de méthanisation basé sur l'économie circulaire et la transition agro-écologique, valorisant en priorité des effluents d'élevage selon les objectifs fixés par le plan énergie méthanisation autonomie azote. Aussi, cette question a été prise en compte dès l'élaboration de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui prévoit à son article 112 que : « Les installations de méthanisation de déchets non dangereux ou de matières végétales brutes peuvent être approvisionnées par des cultures alimentaires dans la limite de seuils définis par décret. Les résidus de cultures associés à ces cultures alimentaires et les cultures intermédiaires à vocation énergétique sont autorisées ». Le décret n° 2016-929 du 7 juillet 2016 initialement pris pour l'application de cet article a été publié le 8 juillet 2016, après une concertation approfondie avec les parties prenantes. Ce décret a été modifié par le décret n° 2022-1120 du 4 août 2022 relatif aux cultures utilisées pour la production de biogaz et de biocarburants. Ce nouveau décret maintient un plafond maximal de 15 % en tonnage brut des intrants pour l'approvisionnement des installations de méthanisation par des cultures, alimentaires ou énergétiques, cultivées à titre de culture principale ; il permet de clarifier les définitions et renforcer l'encadrement de l'utilisation de cultures alimentaires. L'entrée en vigueur de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables, dite « directive RED II » -déjà applicable aux biocarburants et aux bioliquides- pour les filières du biométhane, de l'électricité, de la chaleur, et du froid, apportera un renforcement de ces orientations et des contrôles associés, en soumettant l'ensemble des installations de production de bioénergies à des exigences de durabilité et de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). En matière de durabilité, les exigences portent, selon les types de biomasse, sur le suivi de la qualité des sols et de la teneur en carbone de ces derniers, sur la préservation des terres riches en biodiversité, des terres présentant un stock important de carbone et des tourbières. En matière de réduction des émissions de GES, les exigences portent sur l'atteinte de niveaux de réduction d'émissions définis en fonction de la date de mise en service des installations, la réduction des émissions étant calculée « en cycle de vie » (sur l'ensemble de la chaîne de production) et par rapport à un combustible fossile de référence. La directive exige des États membres qu'ils soumettent les opérateurs à des obligations de justification et de transparence incluant notamment l'utilisation d'un système de « bilan massique » (permettant d'assurer la traçabilité des critères de durabilité), la mise à disposition des données utilisées pour attester du respect des exigences RED II, la soumission à un contrôle indépendant. Des systèmes dits nationaux portés par les États peuvent être mis en place, mais il est également possible pour les filières de structurer des systèmes privés dits « schémas volontaires » devant être reconnus par la Commission européenne. Les installations de production de biométhane (injection) dont la capacité de production est supérieure à 19,5 gigawatts-heure (GWh) de pouvoir calorifique supérieur par an, et les installations de production d'électricité et de chaleur (cogénération) à partir de biogaz de puissance thermique nominale supérieure à 2 mégawatts (MW), devront établir une traçabilité dédiée pour démontrer que les critères de durabilité de la biomasse, de réduction des émissions de GES et d'efficacité énergétique qui leur incombent, sont respectés. Les opérateurs assujettis ont été appelés à se rapprocher des systèmes de traçabilité et des organismes certificateurs indépendants reconnus pour la RED II afin de trouver le plus adapté à leur situation, mettre en place la traçabilité RED II et organiser le premier audit dans le courant de cette année. Les éléments de traçabilité seront suivis au niveau régional par les services énergie des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL), qui collecteront les « déclarations de durabilité » transmises par les opérateurs énergétiques. Ces déclarations se fonderont sur des informations qui auront transité entre opérateurs tout au long de la chaîne de valeur amont. En outre, en ce qui concerne la filière de la cogénération, dans le cadre de l'arrêté du 13 décembre 2016 fixant les conditions d'achat pour l'électricité produite par les installations utilisant à titre principale le biogaz produit par méthanisation de déchets non dangereux et de matière végétale brute implantées sur le territoire métropolitain continental d'une puissance installée strictement inférieure à 500 kilowatts telles que visées au 4° de l'article D. 314-15 du code de l'énergie, il est prévu à l'annexe II, paragraphe II « Prescriptions relatives à l'approvisionnement de l'installation et de l'unité de méthanisation amont en cultures », que le producteur transmet, avant le 15 février de chaque nouvelle année, au préfet de la région d'implantation de l'installation, un rapport dans lequel il explicite la nature et la proportion des cultures utilisées en intrants sur les trois dernières années de fonctionnement de l'installation, et qu'en cas de dépassement du seuil de 15 % en moyenne sur trois ans, le préfet en informe le cocontractant concerné qui procède à la régularisation de la rémunération versée au titre de l'année écoulée, le tarif de cette année étant diminué de deux fois le dépassement observé. Dans le cadre de l'élaboration de stratégie française énergie et climat, une attention particulière sera portée sur les bioénergies afin de tenir compte des disponibilités en biomasse au niveau national, et de hiérarchiser ses usages en priorisant l'alimentation humaine et animale et en fléchant son utilisation vers les secteurs où c'est le plus efficace ou ayant le moins d'alternatives.

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