Question de M. BLANC Étienne (Rhône - Les Républicains) publiée le 16/11/2023

M. Étienne Blanc appelle l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics, sur l'incertitude juridique relative à l'assiette de calcul de la taxe sur les salaires, dont sont redevables les organisations non gouvernementales (ONG) françaises.
Alors que la jurisprudence du Conseil d'État en date du 23 juillet 2022 laisse penser que les ONG sont, au même titre que toute autre organisation non soumise à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), obligées de comptabiliser les salaires de leurs salariés expatriés dans le calcul de la taxe sur les salaires, la doctrine fiscale est, quant à elle, plus nuancée. Plus précisément, cette dernière prévoit notamment que les organisations françaises qui possèdent à l'étranger des centres d'opérations répondant aux caractéristiques de permanence et d'autonomie ne sont pas redevables de la taxe sur les salaires à raison des salaires payés au personnel relevant de ces centres.
Or, si la loi ne précise pas la définition des caractéristiques que sont l'autonomie et la permanence, il semble, à première vue, difficilement envisageable de considérer que les ONG françaises satisfont ces critères, ce en raison du nécessaire contrôle de la destination des fonds qu'elles doivent exercer à l'égard de leurs mécènes notamment.
Ainsi, les ONG françaises se trouvent aujourd'hui dans une situation d'incertitude juridique. L'inclusion de leurs salariés expatriés dans le calcul de la taxe sur les salaires fait peser un risque considérable sur leur santé financière (elle représenterait entre 1 et 3 millions d'euros supplémentaires par an et par ONG). In fine, c'est leur capacité d'action sur le terrain qui serait obérée, dans un contexte humanitaire critique et alors même que les conclusions du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID) du 18 juillet 2023 prévoient une progression de l'aide humanitaire à horizon 2025.
Alors que la France doit plus que jamais mobiliser ses capacités humanitaires, il souhaiterait savoir si le Gouvernement entend éclaircir cet enjeu fiscal et ainsi prévoir explicitement que les ONG françaises sont exemptées du paiement de la taxe sur les salaires au titre de leurs salariés expatriés.

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Transmise au Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie


Réponse du Ministère auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé de l'industrie et de l'énergie publiée le 22/02/2024

En application du 1 de l'article 231 du code général des impôts (CGI), la taxe sur les salaires (TS) est due à raison des rémunérations versées par des personnes physiques ou morales qui ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires (CA) au titre de l'année précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la TS est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminées en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le CA qui n'a pas été passible de la TVA et le CA total, cette fraction étant communément dénommée « rapport d'assujettissement ». Par sa décision rendue le 13 juillet 2022 (n° 460386, société HSBC Franc, le Conseil d'État a validé les principes exposés par la doctrine administrative (BOI-TPS-TS-10-10-10) selon lesquels la TS est due sur la totalité des salaires versés par l'employeur établi en France indépendamment du lieu d'exercice de leur activité par les bénéficiaires de ces rémunérations. En revanche tel n'est pas le cas pour les salaires qu'un employeur verserait à ses personnels relevant d'un centre d'opérations à l'étranger présentant un caractère de permanence et doté d'une certaine autonomie. Si ces éléments s'apprécient en fonction des circonstances de l'espèce, la Haute-juridiction a déjà relevé par le passé le caractère de permanence et d'autonomie suffisant à un bureau, chargé de tâches purement administratives, dès lors que le responsable de ce bureau recrutait et payait le personnel nécessaire à son fonctionnement. L'assujettissement à la TS de salaires ainsi versés par les employeurs du secteur associatif établis en France au titre des salaires qu'ils versent à leurs salariés expatriés fait toutefois l'objet de mesures tendant à en limiter l'impact. En effet, en application des dispositions de l'article 1679 A du CGI, les associations régies par la loi du 1er juillet 1901, les fondations reconnues d'utilité publique, les centres de lutte contre le cancer, les syndicats professionnels et leurs unions, les mutuelles d'au moins trente salariés ou lorsqu'elles relèvent du livre III du même code et emploient au moins trente salariés, ainsi que par les groupements de coopération sanitaire, bénéficient d'un abattement sur le montant annuel de la TS dont ils sont redevables, d'un montant de 22 535 € au titre des salaires versés en 2023. Celui-ci correspond au montant de la TS acquittée par un employeur pour 14 salariés rémunérés à temps plein au salaire minimum de croissance (SMIC). Le secteur humanitaire bénéficie en outre des nombreux dispositifs fiscaux applicables aux organismes sans but lucratif (OSBL) tels que les acquisitions en franchise de TVA destinées à l'exportation ou l'imputation de dons au titre de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI). En outre, les entreprises et les particuliers qui les financent bénéficient sous certaines conditions, de réductions d'impôt au titre du régime du mécénat et des dons en matière d'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés. Dans ces conditions, le Gouvernement n'envisage pas de modifier les règles applicables en matière de TS pour ce qui concerne la situation particulière des organisations non gouvernementales (ONG) françaises qui bénéficient déjà directement ou indirectement de dispositifs fiscaux dérogatoires.

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