Question de M. CAMBIER Guislain (Nord - UC) publiée le 23/11/2023

M. Guislain Cambier attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la mise en place des clauses miroirs aux frontières du marché intérieur.
C'est lors du premier conseil de l'Union européenne sous présidence française, le 17 janvier 2022, que le ministre de l'agriculture français a fait de la mise en place des « clauses miroirs » une priorité européenne. Évoquées à plusieurs reprises par le Président de la République, ces mesures imposeraient aux partenaires commerciaux qui souhaitent exporter leurs produits agricoles vers l'Union européenne de se conformer au préalable à ses normes sanitaires et environnementales. Aujourd'hui, alors que les agriculteurs français respectent les nombreuses préconisations de la Commission européenne et tout particulièrement la réduction drastique de pesticides, ces obligations ne sont pas imposées aux produits importés hors de l'Union européenne. C'est ainsi que des pesticides et antibiotiques non autorisés en Europe peuvent l'être à l'étranger et se retrouver dans nos assiettes. C'est d'abord une question de protection du consommateur qui se pose ici. Ainsi, le consommateur français n'est pas informé que les lentilles produites au Canada le sont avec des pesticides formellement interdits en Europe par exemple. Ces produits chimiques n'ont qu'un seul objectif : augmenter les volumes de récoltes « quoi qu'il en coûte » ! et donc au détriment de la santé des consommateurs européens. Mais c'est donc aussi une différence de traitement qui peut être assimilé à de la concurrence déloyale ! Les agriculteurs rencontrés dans le département du Nord et tout particulièrement dans l'arrondissement d'Avesnes-sur-Helpe ont soutenu, dès 2022, les annonces du ministre de l'agriculture qui faisaient « une priorité » la mise en place de ces clauses miroirs. Deux ans après cette annonce, ces mêmes agriculteurs s'interrogent sur l'effectivité de cet engagement. Pourtant, les clauses miroirs seraient un moyen de protéger efficacement notre agriculture de la concurrence déloyale des produits importés ne respectant pas les mêmes exigences.
Comme les agriculteurs de son territoire, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître l'état d'avancement de la mise en oeuvre des clauses miroirs, près de deux ans après l'annonce du ministre de l'agriculture.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 11/01/2024

Le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire confirme qu'il importe d'assurer la cohérence de la politique agricole commune, du pacte vert pour l'Europe et de la politique commerciale commune notamment pour répondre aux enjeux de souveraineté alimentaire, aux attentes des consommateurs européens et prévenir les effets négatifs indésirables, liés en particulier au phénomène de fuites environnementales vers les pays tiers. C'est pourquoi le Gouvernement a fait de la réciprocité des normes une des priorités de la présidence française du Conseil de l'Union européenne (UE) au premier semestre 2022 et continue de porter des initiatives et des propositions sur ces sujets avec la même détermination. La publication d'un rapport de la Commission européenne sur l'application des normes sanitaires et environnementales de l'UE aux produits agricoles et agroalimentaires importés le 3 juin 2022 représente une première avancée, car ce rapport confirme la possibilité pour l'UE d'agir aux niveaux multilatéral, bilatéral et unilatéral, via de nombreux leviers : le réexamen des limites maximales de résidus des produits phytopharmaceutiques, la coopération dans les instances de normalisation internationale, le renforcement de l'étiquetage, l'application des normes européennes pertinentes aux produits importés au moyen de mesures miroirs et la mise en place de conditionnalités tarifaires dans les accords commerciaux. Des étapes importantes ont été franchies depuis la présidence française de l'UE. Sur les mesures miroirs, le règlement (UE) 2019/6 du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires est entré en application le 28 janvier 2022. L'article 118 de ce texte prévoit que l'interdiction de l'utilisation d'antimicrobiens favorisant la croissance ou le rendement des animaux et d'antimicrobiens réservés au traitement de certaines infections chez l'homme s'applique aux produits importés, en interdisant l'importation depuis les pays tiers d'animaux et de produits animaux ayant reçu de tels antimicrobiens. Toutefois, pour que cet article entre en application de manière effective, des actes secondaires doivent encore être adoptés par la Commission européenne. Le Gouvernement a régulièrement demandé à la Commission européenne d'accélérer ses travaux. Un premier acte délégué a été publié en mai 2023. Un premier acte d'exécution a également été notifié à l'organisation mondiale du commerce (OMC) et le Gouvernement continue à insister auprès de la Commission européenne pour obtenir la publication du deuxième acte d'exécution dans les plus brefs délais. Dans cette attente, le Gouvernement a renouvelé, le 2 mars 2023, l'arrêté interministériel portant suspension d'introduction, d'importation et de mise sur le marché en France de viandes et produits à base de viande issus d'animaux provenant de pays tiers à l'UE et ayant reçu des médicaments antimicrobiens pour favoriser la croissance ou augmenter le rendement. Concernant les produits phytopharmaceutiques interdits dans l'UE mais autorisés dans certains pays tiers, le Gouvernement continue à se mobiliser auprès de la Commission européenne en faveur de la poursuite et de l'accélération des travaux de révision globale des limites maximales de résidus et des tolérances à l'importation. Le Gouvernement insiste également auprès de la Commission européenne et de l'OMC pour la prise en compte des aspects environnementaux dans les réglementations sur les produits phytopharmaceutiques. Dans ce cadre, la Commission européenne a adopté, le 2 février 2023, au titre de la protection des pollinisateurs, la mise à zéro des limites maximales de résidus de deux substances insecticides de la famille des néonicotinoïdes (clothianidine et thiamethoxam) interdites au sein de l'UE. Par ailleurs, le règlement européen de lutte contre la déforestation et la dégradation forestière est entré en vigueur au printemps 2023. Ce dernier prévoit qu'à partir de décembre 2024, aucun des 7 produits couverts (viande bovine, soja, cacao, caoutchouc, café, huile de palme, bois et leurs produits dérivés) mis sur le marché européen ne soit issu de terres déforestées ou de forêts dégradées. En outre, l'accord de libre-échange conclu entre l'UE et la Nouvelle-Zélande le 30 juin 2022 présente une avancée significative en matière de cohérence des politiques européennes, dans la mesure où le contingent bilatéral de viande bovine est assorti d'une conditionnalité tarifaire qui exclut les produits issus de bovins élevés en parcs d'engraissement (feedlots). Cela n'aurait pas été possible sans la mobilisation du Gouvernement français en faveur de l'introduction de conditionnalités tarifaires relatives à des modes de production durables dans les accords commerciaux. Une conditionnalité similaire a été portée dans les négociations avec l'Australie. Enfin, la Commission européenne a présenté le 7 décembre 2023 une proposition législative sur le bien-être des animaux pendant le transport. Cette proposition contient une mesure miroir qui impose aux pays tiers qui exportent des animaux vivants dans l'UE de respecter la règlementation européenne ou une règlementation jugée équivalente lors du transport des animaux du pays tiers vers le territoire de l'UE. Comme pour toute nouvelle règlementation sectorielle européenne, le Gouvernement veille à ce qu'une réflexion soit menée sur l'introduction de mesures miroirs afin de renforcer l'application des normes européennes aux produits importés depuis les pays tiers. La mise en place de mesures miroirs nécessite de s'assurer qu'elles soient compatibles avec les règles de l'OMC. Elles doivent être ciblées, proportionnées et justifiées sur la base d'arguments scientifiques. L'examen doit donc être mené au cas par cas. Ainsi, le Gouvernement agit de manière déterminée en matière de cohérence des politiques dans le contexte du déploiement du pacte vert européen, et continuera d'agir pour la réciprocité des normes de production agricole, à travers le déploiement des outils pertinents, qu'il s'agisse notamment des mesures miroirs ou des conditionnalités tarifaires dans les accords commerciaux bilatéraux.

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