Question de M. PERRIN Cédric (Territoire de Belfort - Les Républicains) publiée le 23/11/2023

M. Cédric Perrin interroge M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer sur les difficultés liées à l'accueil des mineurs non accompagnés et à leur entrée dans le dispositif spécifique qui leur est destiné, en amont de leur prise en charge par l'aide sociale à l'enfance.

Sujet difficile dont le Sénat s'est récemment emparé à deux reprises (en 2017 et 2021) pour proposer des solutions et répondre aux préoccupations formulées par les départements ; les questions posées restent globalement irrésolues.

En témoigne notamment le récent vote du conseil départemental du Territoire de Belfort qui a adopté, à l'unanimité, une motion visant à « limiter la prise en charge directe » des mineurs isolés étrangers.

La collectivité déplore tout d'abord la phase chaotique d'évaluation des demandeurs, au cours de laquelle le placement en accueil provisoire d'urgence n'est pas toujours effectif. Une fois reconnues mineures et isolées, elle déplore la saturation des établissements d'accueil, avec seulement 61 places pour près de 90 mineurs non accompagnés.

Dans son rapport d'activité annuel remis le 8 septembre dernier, la mission nationale mineurs non accompagnés (MMNA) du ministère de la justice confirme cette tendance : l'année 2022 a vu une augmentation des arrivées de + 30,64 % par rapport à l'année 2021.

Dans ce contexte très préoccupant, dénoncé par l'ensemble des acteurs de terrain, il semble indispensable de procéder au transfert à l'État de la mise à l'abri des personnes se présentant comme mineurs non accompagnés.

Il lui demande en conséquence son analyse de cette proposition, seule à même de garantir l'accueil des mineurs non accompagnés sur le territoire national dans des conditions réalistes et optimales.

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Transmise au Ministère du travail, de la santé et des solidarités


Réponse du Ministère auprès du Premier ministre, chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations publiée le 07/02/2024

Réponse apportée en séance publique le 06/02/2024

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, auteur de la question n° 938, transmise à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

M. Cédric Perrin. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur un sujet difficile dont le Sénat s'est emparé à plusieurs reprises pour proposer des solutions concrètes.

Je veux parler des difficultés liées à l'accueil des mineurs non accompagnés (MNA) et à leur entrée dans le dispositif spécifique qui leur est destiné, en amont de leur prise en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE).

Les questions légitimement posées par les travailleurs sociaux restent globalement irrésolues à ce jour. Les cris d'alerte lancés par les départements sont laissés sans réponse.

Pour faire bouger les choses, certaines collectivités, comme les départements du Territoire de Belfort, du Jura ou de la Vienne, adoptent des motions visant à limiter la prise en charge directe de ces mineurs étrangers.

Deux difficultés majeures sont bien connues par les acteurs de terrain : la première est la phase d'évaluation des demandeurs, au cours de laquelle le placement en accueil provisoire d'urgence n'est pas toujours effectif ; la seconde réside dans la saturation des établissements d'accueil.

Prenons l'exemple du Territoire de Belfort : on dénombre 61 places pour près de 90 mineurs non accompagnés.

Madame la ministre, je ne vous apprends rien : cette tendance est très documentée, notamment par le ministère de la justice, qui, en septembre dernier, annonçait une augmentation du nombre d'arrivées de 30 % en 2022 par rapport à 2021.

Pour toutes ces raisons, il me semble indispensable de procéder au transfert à l'État de la mise à l'abri des mineurs non accompagnés, comme le demande également l'association Départements de France.

Madame la ministre, le Gouvernement compte-t-il prendre cette mesure, pour enfin soulager les départements au bord de l'asphyxie ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Aurore Bergé, ministre déléguée auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations. Monsieur le sénateur, permettez-moi d'abord de m'étonner de votre dernière remarque, puisque, à ma connaissance, Départements de France n'a pas publié de communiqué demandant que cette compétence actuellement dévolue aux départements revienne à l'État.

Certes, je connais les problèmes que peuvent rencontrer les départements en la matière. Un certain nombre d'entre eux ont d'ailleurs entrepris des procédures et déposé des recours eu égard aux difficultés, parfois croissantes, que l'on constate, notamment, mais pas uniquement, dans les départements frontaliers.

En revanche, à ce stade, il n'y a pas eu de demande de modification de la répartition des compétences entre État et départements. Ce point sera peut-être abordé dans le cadre de la mission qui a été confiée à Éric Woerth sur l'action publique territoriale et l'organisation des compétences de l'État et des collectivités locales.

Au-delà de ce sujet, des initiatives ont été prises par le Gouvernement.

Ainsi, la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants a permis le déploiement national du fichier d'appui à l'évaluation de minorité, qui permet une coopération plus fluide, efficace et effective, qu'il convient de renforcer encore.

Par ailleurs, comme la Première ministre Élisabeth Borne s'y était engagée devant Départements de France en 2023, l'enveloppe de soutien aux départements dans la prise en charge des MNA a été portée à 100 millions d'euros dans la loi de finances pour 2024. Cela est d'autant plus bienvenu que cette charge fragilise les finances de certains départements, déjà fragilisées par la baisse du produit des droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

Il faut donc distinguer entre deux sujets : d'une part, la nécessaire coordination nationale et le soutien aux départements les plus fragiles ; d'autre part, la répartition des compétences. Sur ce dernier point, il me semble que tous les départements n'ont pas la même position ; en tout cas, Départements de France n'a pas pris officiellement parti en faveur d'une recentralisation de cette compétence.

M. le président. La parole est à M. Cédric Perrin, pour la réplique.

M. Cédric Perrin. Madame la ministre, les flux migratoires sont de la responsabilité exclusive de l'État.

On ne peut pas, dans notre République, oublier les enfants dont l'ordonnance de placement ne peut pas être exécutée, faute de place en foyer, et qui doivent rester dans leur famille, où ils rencontrent des problèmes. C'est exactement ce qui se passe aujourd'hui dans le Territoire de Belfort.

Cette situation n'est pas acceptable. Compte tenu de la saturation des services, nous ne pouvons plus aujourd'hui prendre en charge les enfants qui bénéficient d'ordonnances de placement. J'espère que cette demande sera acceptée par le Gouvernement.

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