Question de Mme OLLIVIER Mathilde (Français établis hors de France - GEST) publiée le 23/11/2023

Mme Mathilde Ollivier interroge Mme la ministre de l'Europe et des affaires étrangères au sujet du respect par le groupe Technip Energies des sanctions européennes contre la Russie.

En 2019, le groupe russe Novatek annonçait le lancement du projet Arctic LNG 2 de gaz naturel liquéfié en Arctique. Un chantier très stratégique pour la Russie, censé lui permettre de produire et d'exporter 20 millions de tonnes de gaz liquéfié par an vers l'Europe et l'Asie en passant par la route maritime du nord. La filiale française de Technip Énergies était liée contractuellement au groupe russe à hauteur de 7 milliards d'euros pour assurer l'ingénierie et la construction du projet.

La guerre en Ukraine a entraîné la mise en application de sanctions au niveau européen interdisant « explicitement les exportations vers la Russie de produits et de technologies utilisés dans la liquéfaction de gaz naturel, et proscrit toute assistance technique, financière ou logistique à leur utilisation ».

À la suite d'une enquête du journal « Le Monde », de sérieux doutes apparaissent sur les activités de Technip Énergies en Russie. En effet, il semblerait que la société soit parvenue à retarder sa sortie du méga-projet gazier, avec notamment la poursuite de livraison de pièces jusqu'en octobre 2022 et le transfert d'entités aux Émirats arabes unis, malgré les sanctions internationales et européennes. Le cabinet d'affaires publiques Brunswick travaillant pour Technip Energies a déclaré sur le registre de la haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) avoir rencontré en 2022 plusieurs membre du Gouvernement ou membre de cabinet ministériel et agents de l'État pour qu'ils soutiennent « Technip Energies dans le cadre de sa sortie ordonnée du projet Arctic LNG 2 en Russie ».

Elle lui demande si elle était au courant d'un quelconque contournement des sanctions par le groupe Technip Énergies pour répondre aux exigences contractuelles du client russe Novatek ; si cette potentielle violation du régime de sanctions par le groupe Technip Energies fera l'objet d'une enquête ; si, à la suite des révélations du Monde, elle a exigé la liste des composants de tous les équipements livrés par Technip Energies ou une filiale du groupe après la mise en application des sanctions européennes sur la livraison de produits et de technologies utilisés dans la liquéfaction de gaz naturel ; quelles sont les conséquences pour l'État comme actionnaire après la chute du cours de l'action de Technip Energies à la suite de la parution de l'enquête du journal Le Monde.

Toute la lumière doit être faite sur cette affaire. Aujourd'hui, en cette fin d'année 2023, la France et l'Europe doivent rester solidaires de l'Ukraine et les sanctions continuer de jouer un rôle majeur pour maintenir la pression sur la Russie.

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Transmise au Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique


Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 19/01/2024

Réponse apportée en séance publique le 18/01/2024

M. le président. La parole est à Mme Mathilde Ollivier, auteure de la question n° 944, transmise à M. le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Mme Mathilde Ollivier. Monsieur le ministre, en 2019, le groupe russe Novatek annonçait le lancement du projet Arctic LNG 2 de gaz naturel liquéfié en Arctique. Ce chantier, très stratégique pour la Russie, devait lui permettre de produire et d'exporter 20 millions de tonnes de gaz liquéfié par an vers l'Europe et l'Asie. La filiale française était liée contractuellement au groupe russe à hauteur de 7 milliards d'euros pour assurer l'ingénierie et la construction du projet.

La guerre en Ukraine a entraîné la mise en application de sanctions à l'échelon européen, interdisant « explicitement les exportations vers la Russie de produits et de technologies utilisés dans la liquéfaction de gaz naturel, et proscrit toute assistance technique, financière ou logistique à leur utilisation ».

À la suite d'une enquête du journal Le Monde, de sérieux doutes sont apparus sur les activités du groupe Technip Energies en Russie. En effet, il semblerait que la société soit parvenue à retarder sa sortie du mégaprojet, notamment avec la poursuite de la livraison de pièces jusqu'au mois d'octobre 2022 et le transfert d'entités aux Émirats arabes unis. Le cabinet Brunswick, qui travaille pour Technip Energies, a déclaré sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) avoir rencontré, en 2022, plusieurs membres du Gouvernement ou de cabinets ministériels pour qu'ils soutiennent Technip Energies dans le cadre de sa sortie ordonnée du projet.

Monsieur le ministre, étiez-vous au courant d'un quelconque contournement des sanctions par le groupe Technip Energies pour répondre aux exigences contractuelles du client russe Novatek ? Cette potentielle violation du régime de sanctions fera-t-elle l'objet d'une enquête ?

À la suite des révélations du journal Le Monde, avez-vous exigé la liste des composants de tous les équipements livrés par Technip Energies après la mise en application des sanctions européennes ? Quelles sont les conséquences pour l'État, comme actionnaire, après la chute du cours de l'action de Technip Energies à la suite de la parution de l'enquête du journal Le Monde ?

Enfin, pourquoi la France et l'Union européenne ne mettent-elles pas tout en oeuvre - comme le font les États-Unis qui ont pris des sanctions - pour empêcher que ce projet ne voie le jour, ce qui contribuerait à assécher les ressources de la machine de guerre russe ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Ollivier, le Gouvernement tient à réaffirmer qu'il est pleinement mobilisé pour soutenir l'Ukraine, notamment en faisant adopter au sein du G7 et de l'Union européenne la mise en place de sanctions économiques contre la Russie. Certains nous reprochent d'ailleurs d'aller trop loin en ce sens.

Dans ce cadre, la France demeure particulièrement attentive au strict respect des sanctions européennes. C'est une question non seulement de crédibilité, mais aussi d'équité entre les entreprises.

Pour ce qui est du secteur de l'énergie et du cas particulier du groupe Technip Energies, les sanctions européennes contre la Russie comprennent une interdiction de fourniture de biens utilisés dans le raffinage et la liquéfaction de gaz naturel, conformément au règlement de l'Union européenne n° 833/2014.

Ce règlement est d'application directe et il est de la responsabilité des entreprises concernées de s'y conformer, en sollicitant les autorisations nécessaires auprès du service des biens à double usage et de la direction générale du Trésor.

Vous évoquez des échanges entre le groupe Technip Energies et les services de l'État. L'administration de mon collègue Bruno Le Maire se tient en effet à la disposition de toutes les entreprises françaises sur ce sujet, y compris pour les aider dans leurs démarches de retrait du marché russe. Elle applique dans ses réponses une politique claire de strict respect des sanctions européennes.

Quant à la qualification du contournement de sanction, elle ne peut s'apprécier que par une analyse fine et au cas par cas. Elle relève des prérogatives d'enquête du service des douanes et doit s'exercer sur la base d'éléments précis, qu'il s'agisse de la liste des types de biens concernés, de l'applicabilité ou non d'exemptions ou de dérogations prévues par les textes européens, ou bien encore des pays d'exportation. Ce travail est en cours dans le cas qui nous occupe.

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