Question de M. REICHARDT André (Bas-Rhin - Les Républicains-A) publiée le 21/12/2023

Question posée en séance publique le 20/12/2023

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour le groupe Les Républicains. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. André Reichardt. Monsieur le garde des sceaux, jeudi dernier, le 14 décembre, alors que le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration venait à peine d'être envoyé en commission mixte paritaire, un préavis de grève a été déposé par deux organisations syndicales de magistrats administratifs.

Ces deux organisations ont appelé « les magistrats administratifs à la grève le 18 décembre, jour de la commission mixte paritaire, pour faire obstacle à l'adoption du projet de loi ».

Est-il bien raisonnable, monsieur le garde des sceaux, qu'avant même le début des travaux de ladite commission et alors qu'aucune version du texte ne pouvait alors être tenue pour certaine, des magistrats se mettent en grève au motif que certaines dispositions qui ne leur conviendraient pas puissent figurer dans un projet de loi ?

M. François Bonhomme. C'est un scandale !

M. André Reichardt. Entendons-nous bien, il ne s'agit naturellement pas pour moi de contester ici l'exercice du droit de grève. (Exclamations ironiques sur les travées des groupes SER et GEST.) Il est simplement question du respect dû au travail parlementaire et de l'absolue nécessité pour le législateur d'exercer sa difficile tâche en toute indépendance, hors de toute pression politique ou autre. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

M. Jean-François Husson. Très bien !

M. André Reichardt. Ce mouvement de grève est une perturbation illégitime du service public de la justice au seul motif que certaines dispositions, déplaisantes aux yeux de certains fonctionnaires, pourraient éventuellement être adoptées.

Monsieur le garde des sceaux, il est inacceptable que le fonctionnement de la justice soit suspendu lors des travaux d'élaboration d'une loi parce que celle-ci déplaît à quelques magistrats. N'y a-t-il pas là un véritable problème en matière de séparation des pouvoirs ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et INDEP.)

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 21/12/2023

Réponse apportée en séance publique le 20/12/2023

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur Reichardt, les syndicats de magistrats administratifs ont effectivement appelé à la grève pour manifester contre le projet de loi pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration. Le taux de gréviste a été de l'ordre de 18 %.

Les magistrats critiquaient le texte adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale, qui revenait en partie sur la simplification du contentieux des étrangers. Le texte voté hier est revenu à la rédaction du Sénat, qui est conforme aux recommandations du Conseil d'État et permet une réelle simplification des procédures. Nous passerons en effet de douze à trois procédures distinctes.

Les syndicats de magistrats administratifs critiquaient également l'extension du rôle du juge unique à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), mais la rédaction retenue dans la loi laisse une grande latitude à la Cour pour orienter les affaires soit vers une audience avec un juge statuant seul, soit vers une audience collégiale.

Je veux vous rassurer, monsieur le sénateur : le projet de loi a finalement été adopté ; il sera soumis au Conseil constitutionnel ; une fois promulgué, il deviendra la loi de la République. Et les magistrats, qu'ils soient administratifs ou judiciaires, auront à l'appliquer, car ils sont la bouche qui dit la loi et non pas la plume qui la rédige. Ceux qui ont la charge dans notre République de rédiger la loi, c'est vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI et sur des travées des groupes UC et RDSE.)

M. le président. La parole est à M. André Reichardt, pour la réplique.

M. André Reichardt. Comment peut-on faire une grève sur le fondement de simples hypothèses ? On sait désormais, monsieur le ministre, que, grâce à la loi votée hier, les procédures contentieuses relatives au droit des étrangers vont être considérablement simplifiées, ce qui est de nature à alléger le travail des magistrats. Comprenne qui pourra la cohérence de ce mouvement social, qui en dit long sur l'état de santé de notre pauvre pays. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

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