Question de M. LEFÈVRE Antoine (Aisne - Les Républicains) publiée le 14/12/2023

M. Antoine Lefèvre attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur la question du financement de l'accompagnement à l'installation-transmission en agriculture (AITA). À la veille de la présentation au Parlement du projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles (PLOAA), qui devrait être examiné au premier trimestre 2024, les organisations représentatives du monde agricole ont émis un certain nombre d'inquiétudes sur la juste dotation des dispositifs financiers d'aide à l'installation et sur la volonté du Gouvernement de travailler en étroite collaboration avec la pluralité des acteurs associatifs spécialisés dans l'accompagnement à l'installation-transmission. Les difficultés sont nombreuses et les obstacles de taille pour quiconque souhaite s'engager dans une procédure de reprise d'une exploitation ou d'installation : il est à rappeler que 60 % des agriculteurs ayant émis le projet de reprendre une exploitation agricole ne sont pas eux-mêmes issus du milieu agricole. À cela s'ajoutent les limites posées par l'accessibilité du foncier en raison de la prépondérance des baux ruraux, les contraintes en matière de normes phytosanitaires, la nécessaire coexistence des exploitations en agroécologie ou en agriculture biologique avec les exploitations intensives et les difficiles conditions de vie des exploitants. Avec plus d'un tiers de nos agriculteurs qui seront partis à la retraite d'ici 2030 et à la lumière des enjeux de renforcement de notre souveraineté alimentaire, il souhaite l'interroger sur l'état d'avancement de la PLOAA et sur les garanties de concertation avec l'ensemble des acteurs de l'installation-transmission dans l'élaboration du texte.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 20/12/2023

Réponse apportée en séance publique le 19/12/2023

M. le président. La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 987, adressée M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

M. Antoine Lefèvre. Monsieur le ministre, des inquiétudes planent sur la démographie agricole française. Près de 45 % des agriculteurs en activité seront partis à la retraite à l'horizon 2030, comme le rappelle, dans son introduction, le pacte d'orientation pour le renouvellement des générations en agriculture, que vous avez présenté vendredi dernier à Yvetot. Or seulement deux tiers d'entre eux seront remplacés avec certitude par de nouveaux arrivants.

À peine dévoilé, ce pacte, publié quelques semaines avant la présentation du projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles, suscite déjà de l'incompréhension, voire, parfois, du mécontentement. Malgré un an et demi de concertations et plusieurs reports du texte, les éléments présentés la semaine dernière restent très insuffisants.

Parmi les trente-cinq mesures présentées dans le pacte, aucune ne fixe un objectif chiffré quant au nombre de nouvelles installations à atteindre chaque année.

L'avant-projet de loi demeure pour sa part très silencieux sur la question du foncier. Si le texte reprend notamment l'idée d'un groupement foncier agricole d'investissement (GFAI), un dispositif prévu dans la proposition de loi de notre collègue Vanina Paoli-Gagin, il ne se montre, pour le reste, pas à la hauteur des enjeux.

Faute de leviers fiscaux plus contraignants, le dispositif, dans son état actuel, ne devrait concerner que quelques dizaines d'agriculteurs par an - tout au plus.

Le projet ne semble pas prendre la mesure du problème de l'accessibilité des terres agricoles : à l'heure actuelle, 40 % des exploitants sont locataires de leur terre, mais cela représente 75 % de la superficie agricole utilisée (SAU) totale. Le déséquilibre entre ces deux données est alarmant.

Il est urgent d'offrir des pistes stables et consolidées d'accessibilité au foncier pour garantir la diversité des modèles composant notre agriculture.

Des mesures fiscales performantes visant à ne pas dissocier le foncier de l'installation, un panel consolidé d'aides à l'installation tendant à faciliter l'accès au foncier ou encore une fiscalité plus avantageuse pour les nouveaux arrivants sont des pistes dont le pacte d'orientation aurait pu s'inspirer.

Ma question est donc la suivante, monsieur le ministre : quelles garanties complémentaires entendez-vous apporter aux nouveaux agriculteurs dans le cadre de leur installation ? Il est en effet fondamental que le Gouvernement se saisisse de tous les dispositifs possibles pour remédier à la double crise qui nous attend, celle du foncier et celle du renouvellement générationnel.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Monsieur le sénateur, je vous trouve un peu dur, pardonnez-moi de le dire, avec le pacte et le projet de loi d'orientation et d'avenir agricoles, dont nous débattrons dans cet hémicycle.

Nous soulevons, au travers de ce projet de loi, la question du foncier et nous le faisons d'une façon qui n'est ni pire ni meilleure que ne l'a fait le Sénat, puisque nous l'abordons à l'aune des groupements fonciers agricoles d'investissement. On ne peut pas saluer une proposition quand elle vient du Sénat et la regretter quand elle est avancée par le Gouvernement ! Selon moi, cela va plutôt dans le bon sens, et nous aurons des débats nourris.

Par ailleurs, je ne partage pas votre point de vue sur le foncier agricole. Qu'une partie des agriculteurs soient locataires, c'est aussi vieux que l'histoire agricole française ! Faut-il être forcément propriétaire de son foncier agricole ? Non !

En revanche, il ne faut pas que le statut de la propriété foncière empêche de jeunes agriculteurs de s'installer, parce que le foncier serait accaparé par des propriétaires souhaitant simplement agrandir leur exploitation. Voilà le véritable sujet !

Le fermage - un formidable outil - est sans doute ce qui a permis à la France d'atteindre son statut de puissance agricole, car il est l'un des plus performants. Il a permis un accès au foncier à des tarifs très faibles par rapport à d'autres pays. Sans aller très loin au nord - je pense à la Belgique ou aux Pays-Bas -, vous verrez que les tarifs du foncier, à la location comme à l'achat, sont incomparablement moins compétitifs que les nôtres.

Il faut donc préserver le fermage. Aussi je n'ai pas voulu ouvrir cette question. Je le répète, cet outil très puissant assure notre compétitivité agricole !

J'ajoute que, dans le pacte et le projet de loi, d'autres questions que le foncier sont ouvertes, qu'il s'agisse de la rémunération, des transitions ou encore du guichet unique.

Enfin, nous mettrons en place à partir du mois de janvier prochain le fonds Entrepreneurs du vivant, qui vise à donner les moyens aux sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) ou à d'autres établissements publics fonciers de porter plus longtemps du foncier - d'une certaine façon, cela revient à retirer le foncier du marché - pour l'attribuer à des jeunes ou à des moins jeunes d'ailleurs, puisque les profils de ceux qui s'installent en tant qu'agriculteurs sont très variés. Au travers des GFAI, nous donnons aux établissements publics fonciers les moyens de mieux accompagner les jeunes pour leur installation.

C'est sur cette base que nous pourrons avancer, et nous en tenons compte dans le pacte et dans le projet de loi d'orientation à venir.

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