Question de M. PAUMIER Jean-Gérard (Indre-et-Loire - Les Républicains) publiée le 25/01/2024

M. Jean-Gérard Paumier appelle l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires à propos de la compensation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et sa qualification dite « à l'euro près ».
L'exposé des motifs de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 affirmait que « s'agissant de la compensation aux collectivités de la perte de recettes induite par cette réforme », serait observée « une compensation à l'euro près, pérenne et dynamique » sur la base du produit attendu connu, à savoir 11,15 milliards d'euros.
S'en est alors suivie la mise en oeuvre de modalités de reversement aux collectivités de la CVAE perçue par l'État en 2023 : 10 milliards de fraction de TVA calculée sur la moyenne 2020-2023, 250 millions reversés au bloc communal par le fonds d'attractivité, 250 millions reversés directement aux départements, 500 millions reversés par le Fonds vert et 150 millions fléchés pour financer les pactes capacitaires des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS).
La promesse d'une compensation de la CVAE « à l'euro près » semble, en apparence, respectée. Toutefois, elle se doit de respecter les règles de calcul des ratios d'autonomie financière. Sur ce point, la situation interroge.
D'une part, le Fonds vert n'est pas une ressource propre au sens de l'article 72-2 de la Constitution. Il constitue ainsi une première évaporation d'une partie de la CVAE, au détriment des collectivités territoriales concernées. S'il est possible de considérer qu'une compensation « à l'euro près » puisse se transformer en une dotation, comme lors de la réforme de la taxe professionnelle en 2010, celle réalisée par le Gouvernement n'est pas une dotation individuelle et ne profite pas à chacune des collectivités territoriales concernées puisqu'elle est distribuée à l'échelle départementale au fil des projets, sur arbitrage du représentant de l'État mais sans considération autre que la nature du projet.
D'autre part, la nature de la ressource propre de la part fléchée à financer les pactes capacitaires des SDIS questionne, eux qui sont des établissements publics. Conformément à l'article LO. 1114-2 du code général des collectivités territoriales, seules les ressources des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont ajoutées à celles des communes dans ce calcul. Ainsi, cette part doit être exclue du numérateur permettant de calculer le ratio d'autonomie financière. Certes, et comme l'évoque la Cour des comptes, ce ratio d'autonomie financière est peu opérant. Il n'en demeure pas moins que, mathématiquement, cela constitue une dégradation des ratios d'autonomie financière des trois catégories de collectivités territoriales.
En outre, le mécanisme pensé par le Gouvernement contrevient au principe constitutionnel de prévisibilité du montant des ressources, garant de la libre administration des collectivités territoriales (2009-599 DC du 29 décembre 2009). Or, aucune information quant à l'estimation de la CVAE 2023 ne leur a été communiquée, contrairement à ce qui était pratiqué depuis 2015, et la notification prévisionnelle de la compensation est intervenue à la fin du mois de mars 2023, ce qui a provoqué de lourdes conséquences sur beaucoup de budgets.
Il apparait donc difficile d'affirmer que la suppression de la CVAE a été compensée « à l'euro près ». Après une simulation en interne, la communauté de communes Chinon Vienne et Loire a d'ailleurs évalué une baisse de 66 % de sa CVAE, volatilité jamais observée depuis sa création en 2014.
Aussi, il interroge le Gouvernement sur les mesures que celui-ci envisage pour compenser de manière effective et intégrale la suppression de la CVAE et ses effets sur les budgets des collectivités territoriales.

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Réponse du Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires publiée le 02/02/2024

Réponse apportée en séance publique le 01/02/2024

M. le président. La parole est à M. Jean-Gérard Paumier, auteur de la question n° 1025, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Jean-Gérard Paumier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par la loi de finances pour 2023, le Gouvernement a acté la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Dans son exposé des motifs, il affirmait que la perte de recettes serait compensée aux collectivités à l'euro près. Il retenait alors comme base de calcul le produit attendu connu, soit environ 11 milliards d'euros.

Plusieurs modalités de reversement ont été mises sur pied. En apparence, la promesse d'une compensation de la CVAE à l'euro près semble respectée. Mais qu'en est-il en pratique ?

Dans une simulation, la communauté de communes Chinon, Vienne et Loire a évalué la baisse de sa CVAE à 66 %. Cette situation, qui a été constatée par de nombreuses autres communes et intercommunalités, n'avait jamais été observée jusque-là.

Dans la pratique, la compensation n'est donc pas intégrale. Comment l'expliquer ?

On peut avancer les modalités de reversement retenues, notamment le recours au fonds vert, pensé alors comme un mécanisme de compensation fondé sur une dotation.

Toutefois, sa répartition étant pilotée par le préfet de département au gré des projets déposés par les communes, le fonds vert ne garantit aucunement une dotation individuelle à chaque commune. Il ne constitue donc pas une ressource propre au sens de l'article 72-2 de la Constitution.

Ainsi, nombre de communes et d'intercommunalités, notamment rurales, n'ont pas touché un seul centime issu de ce fonds et n'ont donc pu bénéficier d'une compensation à l'euro près.

Aussi ma question est-elle simple : monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous pour compenser de manière effective et intégrale la perte de recettes subie par certaines communes et intercommunalités ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Monsieur le sénateur Paumier, la CVAE a bien été compensée à l'euro près.

Cependant, la compensation de la suppression d'un impôt se fonde sur une moyenne triennale. Or la dynamique enregistrée lors de la dernière année de perception a été telle qu'il y a eu un surplus d'encaissement de recettes de la part de l'État par rapport à cette moyenne triennale.

Il a donc été décidé de récupérer le surplus intégral de cette année complémentaire et d'utiliser le véhicule du fonds vert pour assurer la répartition du delta à l'échelle des préfectures. Ce mécanisme que nous avons mis en place revient, in fine, à une compensation intégrale.

Cela étant, la CVAE ne varie pas de manière homogène partout sur le territoire, puisque, à la différence d'un certain nombre de paniers de fiscalité, elle repose sur le dynamisme réel des bases locales, et elle est totalement cyclique.

Elle peut baisser, à la différence de la taxe professionnelle - cela a fait partie des raisons pour lesquelles le mécanisme que je vous ai présenté a été retenu. Il peut donc y avoir, au sein d'une progression nationale, des baisses localisées. Il peut également y avoir des communes qui font mieux, compte tenu de l'intensité de l'activité économique qu'elles ont accueillie.

Nous disposons donc bien d'un mécanisme qui a permis à la fois de prévoir le complément sur le plan global et de rattraper les écarts avec la moyenne triennale.

À présent que l'on s'éloigne de cette année, et alors que la conjoncture économique n'est plus la même, tout l'enjeu est la bascule de la CVAE vers la fraction de TVA, panier de recettes qui a été choisi par les collectivités et qui présente un avantage : la TVA, dans notre pays, présente un taux de progression moyen supérieur à celui de la CVAE.

Nous devrons, dans quelques mois, étudier les évolutions comparées qui en auront résulté.

Quoi qu'il en soit, le dispositif est protecteur du socle de ressources, puisqu'il ne peut pas baisser dans le cadre de la TVA, et la progression moyenne est supérieure à celle de la CVAE.

M. le président. La parole est à M. Jean-Gérard Paumier, pour la réplique.

M. Jean-Gérard Paumier. Monsieur le ministre, je ne mets pas en cause votre bonne foi, mais les chiffres sont têtus, notamment pour la communauté de communes que j'ai évoquée, et les maires sont inquiets.

Voilà plusieurs années que les communes assistent à la fonte régulière de leurs ressources propres, dont l'origine ne doit rien au réchauffement climatique : c'est l'effet d'une réelle recentralisation.

Par ailleurs, la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui est l'une des principales ressources communales, est elle aussi appelée à diminuer pour nombre d'entre elles.

Monsieur le ministre, la compensation de la CVAE à l'euro près n'est, hélas ! pas au rendez-vous, et les fruits ne tiennent pas la promesse des fleurs.

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