Question de Mme DANIEL Karine (Loire-Atlantique - SER) publiée le 29/02/2024

Question posée en séance publique le 28/02/2024

M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

Mme Karine Daniel. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, redonner aux prix leur rôle de signaux de marché, tel était le mot d'ordre des réformes de la politique agricole commune de 1992 et 1999.

Trente ans plus tard, nous y sommes : les prix garantis ont disparu ; les prix sont volatils et singulièrement bas dans plusieurs secteurs de production agricole.

Initialement, les aides directes sont attribuées pour compenser ces baisses de prix. Au fil des réformes, elles sont de plus en plus découplées des facteurs de production, mais restent majoritairement liées à la surface des exploitations.

Madame la ministre déléguée, il y a quelques semaines, le Gouvernement exprimait son refus de mettre en oeuvre l'une des principales revendications du monde agricole, celle d'une meilleure régulation des prix.

Acculé par les mobilisations des agricultrices et des agriculteurs, le Président de la République a fini par reconsidérer la question et propose désormais un prix plancher.

Madame la ministre, il va de soi qu'un prix plancher national renforcerait mécaniquement les importations en provenance du reste de l'Europe et des pays tiers. Vous le savez, pour être efficace dans notre marché unique, ce prix garanti doit être européen.

Alors, comment comptez-vous négocier cette unification des prix garantis à l'échelle européenne ? Sur quels critères, pour quelles productions, et selon quel calendrier ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER.)

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 29/02/2024

Réponse apportée en séance publique le 28/02/2024

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. Madame la sénatrice Karine Daniel, vous m'interrogez sur la récente annonce du Président de la République, qui s'inscrit dans le prolongement du travail que nous menons depuis sept ans pour rendre du revenu aux agriculteurs et faire en sorte, au travers des lois Égalim, qu'ils reçoivent une juste rémunération pour leur travail.

Vous le savez, nous avons élaboré les lois Égalim sur le fondement des conclusions des États généraux de l'alimentation : c'est donc l'ensemble des filières agricoles qui se sont mises autour de la table, qui ont fait des propositions et qui ont contribué à la mise en oeuvre de ces lois.

Les lois Égalim ont permis des progrès, tant pour le revenu des agriculteurs qu'en matière de contractualisation. Elles ont contribué à prévenir, voire à soutenir un certain nombre d'agriculteurs concernés par cette contractualisation.

Toutefois, nous le constatons ensemble, cela ne va pas assez loin. C'est d'ailleurs ce que nous a dit le Président de la République.

Après la loi Égalim 1, la loi Égalim 2, la loi Descrozaille, nous envisageons d'aller un cran plus loin, c'est-à-dire de construire les prix sur les indicateurs de référence - c'est l'esprit de la loi Égalim - qui sont élaborés par les filières, en faisant en sorte que cette construction « marche en avant ».

Cela signifie qu'il faut mieux structurer les filières, notamment celles qui sont soumises à des obligations de contractualisation aujourd'hui, mais qui ne les respectent pas - je pense notamment à la filière viande. D'autres filières, à l'inverse, parviennent à se structurer : c'est le cas de la filière lait, qui a réussi à contractualiser 90 % de ses volumes de production.

Cela signifie aussi qu'il faut favoriser la signature de contrats tripartites. Un certain nombre de contrats de ce type ont été conclus entre la grande distribution, les industriels et les agriculteurs, mais cela reste minoritaire dans l'ensemble des filières.

Cela étant, je tiens à vous rassurer : nous allons avancer dans cette voie, en lien avec la profession agricole. Nous avons confié une mission de quatre mois à deux députés, qui auront à coeur de nous faire des propositions, lesquelles déboucheront sur un projet de loi auquel vous serez évidemment associés et qui s'appuiera sur l'ensemble des travaux menés par les parlementaires ces derniers mois. (MM. François Patriat et Xavier Iacovelli applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Karine Daniel, pour la réplique.

Mme Karine Daniel. Madame la ministre, vous aurez beau faire des lois Égalim 1, 2, 3, 4, 5 ou 6, tant que vous raisonnerez sur un plan national, alors que le marché unique est européen, votre politique restera inefficace, et tout le monde le sait !

En matière de régulation des prix, il faudra pouvoir dire un jour aux agricultrices et aux agriculteurs de ce pays qu'il convient de raisonner également sur les quantités produites. Il nous faudra en outre réfléchir à la meilleure manière de réguler ces volumes de production.

Nous réaffirmons pour notre part que le bon échelon d'intervention reste l'échelon européen. Nous devrons avoir ce débat avec les agricultrices et les agriculteurs qui sont mobilisés aujourd'hui sur le terrain, notamment dans le cadre des élections européennes à venir. Nous serons au rendez-vous pour discuter de ces sujets, notamment des enjeux de régulation. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées du groupe CRCE-K.)

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