Question de M. BENARROCHE Guy (Bouches-du-Rhône - GEST) publiée le 08/02/2024

M. Guy Benarroche attire l'attention de M. le ministre de l'Europe et des affaires étrangères sur le statut de pays observateur au traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN).
Le TIAN comprend plusieurs États parties-membres de l'Union européenne comme Malte, l'Irlande ou l'Autriche.
Toutefois, il permet aussi le statut de pays observateur. Aussi, plusieurs pays membres d'une organisation militaire dont la politique de défense repose en partie sur la dissuasion nucléaire ont choisi ce statut, parmi lesquels l'Allemagne et l'Australie.
La seconde réunion des États parties au TIAN s'est déroulée du 27 novembre au 1er décembre 2023 au siège des Nations unies à New York, sous la présidence du représentant du Mexique auprès des Nations unies.
Elle s'est conclue par l'adoption d'une déclaration politique forte, un « engagement à respecter l'interdiction des armes nucléaires et à éviter leurs conséquences catastrophiques ».
Une tribune en France alertait au même moment du besoin de faire participer notre pays à ces discussions, au travers d'une adhésion en tant que pays observateur.
Notre Président et ses gouvernements successifs prônent un fort multilatéralisme diplomatique.
Alors que les situations instables ou à risques se multiplient dans le monde, que les conflits s'aggravent, le risque nucléaire s'accroît, et il devient essentiel pour notre pays de participer aux discussions sur le sujet.
Aussi, il lui demande quand compte-il engager la présence de la France en tant qu'observateur au TIAN.

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Réponse du Ministère de l'Europe et des affaires étrangères publiée le 21/03/2024

La France, puissance nucléaire reconnue par le Traité de Non-Prolifération, membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations unies, prend ses responsabilités, en particulier en matière de désarmement nucléaire, comme elle l'a toujours fait. Le Président de la République l'a réaffirmé dans son discours à l'École de Guerre le 7 février 2020. La France est attachée à la logique d'un désarmement qui serve la sécurité et la stabilité mondiale. Et elle a, à cet égard, un bilan unique au monde, conforme à ses responsabilités comme à ses intérêts, ayant démantelé de façon irréversible sa composante nucléaire terrestre, ses installations d'essais nucléaires, ses installations de production de matières fissiles pour les armes, et réduit la taille de son arsenal, aujourd'hui inférieure à 300 armes nucléaires. Outre notre bilan national sans équivalent, nous nous sommes donnés pour la suite un agenda clair et ambitieux, progressif et réaliste avec notamment : l'entrée en vigueur rapide du Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, la négociation d'un Traité interdisant la production de matières fissiles pour les armes ou encore la poursuite des travaux sur la vérification du désarmement nucléaire et sur la réduction des risques stratégiques. S'agissant du Traité sur l'interdiction des armes nucléaires (TIAN), la France a refusé, comme ses alliés, de prendre part aux négociations de ce traité. L'approche de ses promoteurs n'est pas compatible avec notre approche réaliste et progressive du désarmement nucléaire, qui suppose de tenir compte de l'environnement stratégique. Or, celui-ci est marqué depuis plusieurs années par la multiplication des menaces à la sécurité et la stabilité internationales. Il suffit de regarder notre environnement : les crises de prolifération nucléaire se renforcent, en Corée du Nord ou en Iran, la Russie remet en cause toute l'architecture internationale de la maîtrise des armements, les arsenaux nucléaires de certains États dotés augmentent. L'actualité de la guerre en Ukraine le démontre avec acuité et gravité plus encore chaque jour. Par ailleurs, il est important de souligner que le TIAN est incompatible avec le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), qui constitue depuis 50 ans le pilier de la non-prolifération et du désarmement nucléaires et qui permet, de manière équilibrée, à la fois de lutter contre la prolifération nucléaire – on en voit l'acuité avec la crise iranienne – et de favoriser l'accès aux usages pacifiques de l'atome. Enfin, ce traité ne permettra l'élimination d'aucune arme nucléaire : ni les États dotés et possesseurs d'armes nucléaires, ni les États proliférants n'y souscriront. Le Président de la République a rappelé pour cette raison, le 7 février 2020, que nous ne pouvions « donner à la France comme objectif moral le désarmement des démocraties face à des puissances, voire des dictatures qui, elles, conserveraient ou développeraient leurs armes nucléaires. ». Avec le retour de la guerre sur le continent européen, la dissuasion nucléaire demeure la garantie de notre indépendance et de notre souveraineté. Pour ces raisons, la France n'entend pas participer aux réunions des États parties du TIAN. De nombreux États européens qui avaient participé aux négociations du traité et à la première réunion des États parties ont, depuis, pris leurs distances avec ce traité et n'ont pas renouvelé leur participation. Nous espérons que tous les alliés suivront prochainement cette approche. Dans ce contexte, notre priorité est la défense et le renforcement du TNP, pierre angulaire du régime international de non-prolifération. La France s'efforcera de travailler avec ses partenaires au succès de la conférence d'examen de 2026 et à la promotion d'une approche réaliste et progressive, du désarmement, la seule qui permettra d'avancer vers l'objectif ultime d'un monde sans armes nucléaires.

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