Question de Mme BÉLIM Audrey (La Réunion - SER) publiée le 29/02/2024

Mme Audrey Bélim attire l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé de la santé et de la prévention sur les politiques menées par la France en matière de lutte contre la solitude.
Au Royaume-Uni, un secrétariat d'État à la solitude (ministry of loneliness) a été créé en 2018. Au Japon, ce fut en 2021. Aux États-Unis, l'administrateur de la santé publique du gouvernement fédéral (surgeon general) a écrit un rapport sur l'épidémie de solitude frappant le pays. Il a notamment noté que la solitude pesait autant sur l'espérance de vie que de fumer quinze cigarettes par jour : « quand les gens sont socialement déconnectés, le risque d'anxiété et de dépression augmente. Tout comme celui de maladie cardio-vasculaire (29 %), de démence (50 %) et d'infarctus (32 %) »
La France ne semble pas avoir pris la mesure de ce fléau contemporain qu'est la solitude. Selon le baromètre 2021 des Petits Frères des Pauvres, 2 millions de personnes âgées sont isolées des cercles de sociabilité (familles, amis, voisins, associations), contre 900 000 en 2017.
530 000 sont en situation de mort sociale.
L'État a décidé la création d'un comité stratégique de lutte contre l'isolement des personnes âgées, mais la solitude ne concerne pas uniquement les personnes âgées. Les jeunes sont particulièrement exposés à ce risque. Une enquête mondiale Ipsos essentials, conduite en août 2023, indiquait que les personnes nées entre 1997 et 2012 étaient plus nombreuses à se dire seules que les personnes appartenant aux autres générations.
Un article du Monde détaille la politique publique mise en place par le Royaume-Uni en la matière : stratégie de lutte contre la solitude, prescriptions d'activités sociales de la part des médecins généralistes encouragées, indicateur de solitude publié chaque année par l'office national des statistiques. Le même article détaille des initiatives menées par des particuliers, comme le déjeuner géant « la table d'Aude », organisé par le laboratoire d'innovation sociale, La République des Hyper Voisins. Cet événement a rassemblé 1 100 personnes qui ne se connaissent pas afin de nouer du lien social.
D'autres initiatives méritent d'être connues. La ville de Saint-Denis de La Réunion a par exemple lancé le plan « Seniors en action » pour lutter contre l'isolement des personnes âgées : différentes activités sont proposées aux 45 000 seniors dionysiens de plus de 55 ans afin de recréer du lien social et de maintenir l'autonomie des personnes âgées, particulièrement de 65 à 85 ans, le coeur de cible du dispositif. Ces activités connaissent un grand succès et permettent à de nombreuses personnes âgées de renouer des liens d'amitié perdus. Cette initiative pourrait être dupliquée par d'autres collectivités si l'État organisait une stratégie et un échange de bonnes pratiques. C'est pourquoi elle souhaiterait savoir quelle politique de lutte contre la solitude il entend mener.

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Transmise au Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé des personnes âgées et des personnes handicapées


Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé des personnes âgées et des personnes handicapées publiée le 09/05/2024

L'isolement social des personnes âgées est en effet un facteur important de non-recours aux droits et de perte d'autonomie, agissant sur la santé physique, mentale et le bien-être social des personnes. Il concerne 2 millions de personnes de 60 ans et plus (baromètre des Petits Frères des Pauvres) dont 532 000 en situation de "mort sociale" (direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, 2022), en particulier celles en situation de précarité. C'est pourquoi la lutte contre l'isolement social est une composante essentielle des politiques en faveur du bien vieillir, portées par le ministère des solidarités et des familles. Dans ce cadre, l'Etat et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ont créé un comité national stratégique rassemblant toutes les parties prenantes (associations, collectivités, caisses de retraite et de complémentaire, etc.) pour l'élaboration collective d'une feuille de route de lutte contre l'isolement en 2021. Cette dernière a permis le déploiement de 10 mesures comme le soutien au service civique solidarité seniors, à la cohabitation et aux jumelages intergénérationnels (création d'un kit) ou encore la production d'outils d'aide au repérage (guide repère national). L'Etat soutient financièrement par ailleurs différents dispositifs (exemples : le déploiement de la plateforme d'information et d'orientation Ogénie entre 2020 et 2023, le dispositif Croix Rouge chez vous en 2020-2021, les coopérations territoriales et équipes citoyennes Monalisa en 2023-2025). Elle veille en outre à l'intégration pérenne de ces enjeux au sein des missions des nouveaux services autonomie à domicile (SAD) et des centres de ressources territoriaux (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ou SAD). La lutte contre l'isolement est un des engagements de la convention d'objectifs et de gestions 2022-2026 de la CNSA, au travers notamment du renforcement de la gouvernance locale par la création et l'animation actuelle d'un réseau de référents départementaux ou encore du financement d'actions par les conférences des financeurs de la prévention de la perte d'autonomie - la lutte contre l'isolement étant identifiée comme l'une de leurs priorités. La lutte contre l'isolement était une des thématiques du conseil national de la refondation "Bien Vieillir" et constituera à ce titre un des axes de la future feuille de route dédiée, à travers l'élaboration d'une nouvelle stratégie de lutte en lien avec l'ensemble des parties prenantes. Elle visera à renforcer les liens intergénérationnels, le repérage et l'orientation par et vers les professionnels, le soutien à la mobilisation citoyenne et la coordination de l'ensemble des acteurs. S'agissant des jeunes, le ministère de l'enseignement supérieur et de la Recherche a lancé en décembre 2023 la Coordination nationale d'accompagnement des étudiantes et étudiants (CNAE). C'est une plateforme gratuite et confidentielle d'écoute, d'accompagnement, d'information et de signalement. L'isolement comme principale cause de mal-être est à l'origine de 9 % des appels. Au terme des échanges entre les professionnels de la CNAE et les étudiants, ces derniers ont été orientés vers des dispositifs plus spécialisés et adaptés à leur situation et l'expression de leurs besoins. Ainsi, dans 90 % des cas, les étudiants ont pu être dirigés, en fonction des profils, vers Santé Psy Étudiant, un centre médico-psychologique de proximité, un Bureau d'aide psychologique universitaire (BAPU), un service de santé étudiante ou une association spécialisée.

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