Question de M. CORBISEZ Jean-Pierre (Pas-de-Calais - CRCE-K) publiée le 29/02/2024

M. Jean-Pierre Corbisez attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire concernant les risques pour l'apiculture et la biodiversité de la lutte contre la maladie hémorragique épizootique bovine.
La filière bovine française doit faire face, depuis septembre 2023, à la maladie hémorragique épizootique (MHE) bovine, une maladie virale vectorisée par des moucherons du genre Culicoïdes. Cette dernière, apparue dans un premier temps dans le Sud-Ouest, est remontée rapidement en Loire-Atlantique pour s'étendre ensuite à l'est par la Corrèze et le Tarn. Cette progression rapide ne laisse que peu de doute quant à son expansion sur le reste du territoire national.
Particulièrement impactée, la filière bovine souhaite contenir cette maladie. Si l'on peut évidemment comprendre les attentes et l'impatience de la filière, la stratégie mise en place pour lutter contre cette maladie doit s'élaborer en prenant en considération les autres filières et les préoccupations de préservation de la biodiversité. A ce jour, aucun vaccin n'est développé pour les souches virales identifiées, raison pour laquelle l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) recommande une mise en quarantaine et des mesures de zonage ainsi qu'un traitement aux insecticides, même si l'agence reconnaît dans le même temps que ces deux dernières méthodes ont « une efficacité limitée ».
L'apiculture a déjà subi de très forts dégâts dans la gestion de ce type d'infestation. Certaines structures agricoles recommandent aux éleveurs concernés de traiter à vaste échelle avec des molécules insecticides qui ont causé, et causeront à nouveau sans aucun doute, de nombreux cas de mortalité aigüe d'abeilles et autres pollinisateurs. Des pyréthrinoïdes comme la deltaméthrine utilisés par le passé, pour notamment endiguer la fièvre catarrhale ovine, vont être utilisés à nouveau pour réduire les populations de moucherons et ralentir l'expansion de la MHE bovine. Or, la deltaméthrine, commercialisée pour la filière bovine sous le nom « Butox 50 », a un niveau de toxicité extrêmement élevé pour les abeilles et les milieux aquatiques, tel qu'il devrait normalement conduire à l'arrêt de l'utilisation d'une telle substance dans les luttes vectorielles vétérinaire et humaine.
Il souhaite donc connaître les mesures qu'il entend prendre pour accompagner les agriculteurs tout en proscrivant des substances dont l'efficacité apparaît plus que limitée pour lutter contre la maladie alors que leur dangerosité pour la biodiversité et les abeilles est attestée.

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Réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire publiée le 28/03/2024

La deltamétrine, substance active du « Butox 50 », est un insecticide de la famille des pyréthrinoïdes, notamment utilisé pour le traitement de la maladie hémorragique épizootique (MHE). Considérant son caractère non sélectif, elle présente une toxicité élevée sur les insectes. Cependant, cette notion de danger est à distinguer de la notion de risque, qui inclut un critère d'exposition. Au regard de ce critère, il n'a pas été prouvé, à ce jour et à partir des données de terrain, que les abeilles puissent être exposées aux traitements médicamenteux et biocides associés à la lutte contre les vecteurs de la MHE. À ce titre, le ministère chargé de l'agriculture avait confié à l'institut technique et scientifique de l'abeille et de la pollinisation, entre 2015 et 2017, la réalisation d'une étude sur les effets non intentionnels de l'utilisation des biocides antiparasitaires à usage agricole dite BAPESA (exploration épidémiologique des effets non intentionnels des produits biocides et antiparasitaires utilisés en élevage sur la santé des colonies d'abeilles). Cette étude, financée à hauteur d'un million d'euros, n'a pas permis de faire le lien entre ces pratiques agricoles et des troubles de santé observés sur les colonies d'abeilles domestiques. Par ailleurs, il est actuellement déployé, au sein des huit régions métropolitaines, un observatoire des mortalités et des affaiblissements de l'abeille mellifère. Cet observatoire, entièrement financé par des fonds publics nationaux et européens, permet aux apiculteurs de déclarer les troubles de santé observés sur leurs colonies pour que des investigations adaptées soient conduites. Les résultats d'analyse n'ont pas permis d'identifier une exposition des colonies prélevées à la deltaméthrine à partir des déclarations recensées, à la fin de l'année 2023 et au début de l'année 2024 en Occitanie. Le sujet des effets non intentionnels potentiels des biocides et médicaments vétérinaires utilisés en élevage demeure toutefois une préoccupation légitime, en condition réelle d'utilisation de ces produits et à partir des observations de terrain. Aussi, ces produits doivent être utilisés dans des conditions conformes à la réglementation, aux conditions d'utilisation précisées dans les autorisations de mise sur le marché, aux préconisations et recommandations des professionnels de santé et aux résumés des caractéristiques du produit.

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