Question de M. CAMBIER Guislain (Nord - UC) publiée le 08/02/2024

M. Guislain Cambier interroge M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la stratégie gouvernementale de lutte contre les pollutions de l'eau potable.
L'eau du robinet est l'un des aliments les plus surveillés et contrôlés en France.
Ainsi, l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) impose aux distributeurs d'eau une liste des molécules à tester, définie localement. Cette liste dépend notamment de la densité de population sur le territoire du réseau de distribution d'eau et des produits phytosanitaires les plus utilisés.
En région Hauts de France, l'agence régionale de santé a décidé d'intégrer des nouveaux polluants dans le panel des molécules à surveiller dans l'eau destinée à la consommation humaine. Cela porte à près de 600 les composés chimiques à contrôler. Certains d'entre eux sont très connus comme le nitrate et des pesticides souvent dénoncés. Mais de nouveaux polluants, appelés « métabolites », font désormais l'objet d'une attention particulière des autorités sanitaires.
Ce sont des molécules issues de la dégradation des pesticides épandus dont il existe des incertitudes quant à leur dangerosité sur notre santé. À partir de combien de microgrammes d'un métabolite par litre, l'eau du robinet devient-elle dangereuse pour la santé, pour quelles molécules ? Nous l'ignorons encore.
Par défaut, tout métabolite étudié est classé comme potentiellement dangereux. La démarche se fonde sur le principe de précaution pour la santé, faute de connaissances suffisantes.
Cette classification des métabolites est également longue à établir. Elle vient donc renforcer les suspicions que l'usager peut avoir à l'égard de la consommation de l'eau du robinet.
Cette situation amène les gestionnaires d'eau potable à devoir investir dans des usines de traitement d'eau, onéreuses, afin de poursuivre l'exploitation des ressources dont ils sont en charge.
Compte tenu de cette situation, il l'interroge sur les moyens que l'État entend déployer afin d'accompagner les gestionnaires d'eau potable.

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Transmise au Ministère du travail, de la santé et des solidarités


Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargé des personnes âgées et des personnes handicapées publiée le 08/03/2024

Réponse apportée en séance publique le 07/03/2024

M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, auteur de la question n° 1080, transmise à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

M. Guislain Cambier. Madame la ministre, je souhaite alerter le Gouvernement sur les difficultés rencontrées par les gestionnaires d'eau potable dans le cadre de la lutte contre les pollutions.

Ma région, en particulier mon département du Nord, compte peu de fleuves et de rivières ; l'eau est puisée essentiellement dans les nappes phréatiques.

L'eau du robinet est l'un des éléments les plus surveillés et contrôlés. L'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) impose ainsi aux distributeurs d'eau une liste des molécules à tester, définie localement.

Dans les Hauts-de-France, l'agence régionale de santé a décidé d'intégrer de nouveaux polluants - près de 600 composés chimiques - dans le panel des molécules à contrôler dans l'eau. Certains d'entre eux, comme le nitrate et autres pesticides, sont très connus, mais de nouveaux polluants, appelés métabolites, font désormais l'objet d'une attention particulière des autorités sanitaires.

Nous ignorons souvent la dangerosité de ces molécules issues de la dégradation des pesticides épandus voilà plusieurs dizaines d'années sur notre santé. Les seuils - exprimés en microgrammes de métabolites par litre - restent flous.

Par défaut, en vertu du principe de précaution et faute de connaissances suffisantes, tout métabolite est classé comme potentiellement dangereux.

Cette classification des métabolites est trop longue à établir. On se retrouve avec des eaux non potables, mais conformes, ou l'inverse ; autant de circonlocutions qui ne peuvent que faire naître la suspicion chez l'usager.

Lors de l'un de mes déplacements dans le Nord, dans l'arrondissement de Douai, j'ai rencontré des gestionnaires d'eau potable. Ils sont contraints de réaliser de savants mélanges de captage d'eau pour essayer d'obtenir des résultats satisfaisants, qui peuvent malgré tout dépasser les taux autorisés tout en étant déclarés conformes à la consommation.

Cette situation conduira les gestionnaires d'eau potable à investir dans des usines de traitement onéreuses, afin de poursuivre l'exploitation des ressources dont ils ont la charge.

Madame la ministre, compte tenu de cette situation, je souhaite connaître la politique que le Gouvernement compte mettre en place afin d'accompagner les gestionnaires d'eau potable.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Fadila Khattabi, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, chargée des personnes âgées et des personnes handicapées. Monsieur le sénateur Cambier, l'eau du robinet ne peut être distribuée que si les seuils réglementaires sont respectés.

Pour les métabolites de pesticides, des consignes nationales ont été établies en 2010, puis mises à jour en 2020, 2022 et 2023.

La réglementation européenne fixe une limite non sanitaire, mais de qualité, à 0,1 microgramme par litre. En cas de dépassement et en tenant compte d'un principe de proportionnalité, les États peuvent fixer une valeur sanitaire en deçà de laquelle, par dérogation, la consommation d'eau demeure possible.

Un plan d'actions interministériel a été acté en octobre 2023. Tout en maintenant la distribution de l'eau, il vise notamment à informer de manière transparente la population, à accélérer l'expertise sanitaire des agences pour définir des valeurs de référence lorsque celles-ci n'existent pas, à prendre des mesures de gestion de l'eau pour réduire les contaminations ou encore à accompagner les collectivités - elles en ont besoin - dans des solutions de traitement.

De plus, la stratégie Écophyto 2030 en cours de finalisation abordera elle aussi cette question de l'accompagnement.

Notre objectif est clair : il est bien sûr d'étendre la surveillance à d'autres pesticides. À ce titre, le Gouvernement a demandé au Haut Conseil de la santé publique de proposer des mesures proportionnées de gestion des risques tenant compte des incertitudes scientifiques, à l'Anses d'accélérer la production de valeurs sanitaires pour de nouvelles substances ou encore à l'inspection générale des affaires sociales (Igas) de formuler des recommandations pour adapter la procédure de gestion des non-conformités de pesticides.

Notre objectif est clair : nous voulons protéger la santé des consommateurs au quotidien, conformément aux attentes légitimes de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. Guislain Cambier, pour la réplique.

M. Guislain Cambier. Madame la ministre, je prends bonne note de cette réponse. J'insiste sur la nécessité de clarté de cette taxonomie et de la réglementation en la matière pour que les industriels et les collectivités puissent adapter leurs investissements, qui sont lourds et longs à mettre en place.

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