Question de M. MICHALLET Damien (Isère - Les Républicains) publiée le 08/02/2024

M. Damien Michallet attire l'attention de M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur la nécessité de réviser l'arrêté du 19 septembre 2023 modifiant l'arrêté du 21 novembre 2019 fixant le critère de proximité géographique de l'autoconsommation collective étendue.

Dans le cadre d'un projet d'autoconsommation collective étendue, le point de soutirage et le point d'injection des participants ne peuvent être séparés que par une distance maximale de 2 kilomètres.

Mais, encore récemment, le ministre chargé de l'énergie pouvait déroger à cette distance sur demande motivée de la personne morale organisatrice du projet. Un dialogue s'ouvrait alors. En démontrant l'isolement du lieu du projet, ou encore le caractère dispersé de l'habitat, l'arrêté du 21 novembre 2019 rendait possible le projet d'autoconsommation collective étendue, dans la limite, cette fois-ci, d'une distance maximale de vingt (20) kilomètres entre les participants.

Depuis l'arrêté du 19 septembre 2023, ce n'est plus le cas ! Si la règle n'est que légèrement modifiée, elle devient fondamentalement différente. Désormais, pour bénéficier de cette même dérogation, le lieu du projet doit être classé exclusivement sur une ou plusieurs communes rurales au sens de la grille communale de densité établie par l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

Si cette nouvelle formule est affichée comme une avancée par le gouvernement, en réalité, sur le terrain, les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes.

Dans le département l'Isère le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) s'est lancé dans l'aventure de l'autoconsommation collective. Résultat : avant la modification règlementaire, le SDIS pouvait obtenir 10 dérogations. Après la modification, seules 4 zones se conforment aux nouveaux critères...

Or, le SDIS de l'Isère, c'est près de 85 000 interventions annuelles, 112 casernes, 5 356 agents... une consommation énergétique annuelle de 6 000 mégawattheures, et une facture qui explose ! Grâce à ces dérogations, le SDIS diminuait de 20% sa consommation sur le réseau.

Aujourd'hui, ce projet est sur le point d'échouer, et pour une seule raison : ce nouvel arrêté ne prend pas suffisamment en compte les réalités locales !

Dans un contexte où le développement des énergies renouvelables décarbonées est un objectif légal et où l'autoconsommation laisse enfin aux pouvoirs locaux la possibilité de contribuer à l'effort collectif, il lui demande de s'engager à modifier cet arrêté.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement publiée le 20/03/2024

Réponse apportée en séance publique le 19/03/2024

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Michallet, auteur de la question n° 1082, adressée à M. le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

M. Damien Michallet. Monsieur le ministre, pour créer légalement un projet d'autoconsommation collective étendue, le point de soutirage et le point d'injection des participants ne peuvent être séparés que par une distance maximale de 2 kilomètres.

Récemment encore, il était possible de déroger à cette limite : l'arrêté du 21 novembre 2019 permettait au ministre chargé de l'énergie d'accorder une dérogation sur demande motivée de la personne organisatrice du projet d'autoconsommation démontrant l'isolement du lieu du projet et le caractère dispersé de l'habitat et d'autoriser une distance pouvant aller jusqu'à 20 kilomètres entre les participants.

La méthode était souple, avec un dialogue constructif entre l'État et les territoires.

Malheureusement, depuis l'arrêté du 19 septembre 2023, ce n'est plus possible. Désormais, pour que l'on puisse espérer une dérogation, il faut que le lieu du projet soit classé exclusivement sur une ou plusieurs communes rurales au sens de la grille communale de densité établie par l'Insee. La formule a été annoncée comme une avancée, mais, en réalité, c'est une régression. Sur le terrain, on s'interroge sur cette nouvelle contrainte.

Ainsi, j'ai été sollicité par la présidente du service départemental d'incendie et de secours de l'Isère (Sdis 38), qui s'est lancée dans l'aventure de l'autoconsommation collective. Avant la modification, le Sdis pouvait obtenir dix dérogations. Après la modification, seules quatre zones se conforment aux nouveaux critères. Concrètement, c'est le projet de tout un territoire, et potentiellement celui des sapeurs-pompiers, qui est compromis.

Monsieur le ministre, je vais aller à l'essentiel et faire simple : il faut changer l'arrêté.

Le Sdis de l'Isère, c'est 85 000 interventions, 112 casernes, 5 300 agents, 6 000 mégawattheures par an.

Grâce à ce projet, ce Sdis espérait diminuer de 20 % sa consommation sur le réseau, réduire sa facture de manière draconienne, tout en s'inscrivant dans une démarche collective.

C'est autant d'argent qui aurait pu être investi dans du matériel d'intervention pour lutter contre les incendies ou pour sauver des vies et développer l'intervention d'urgence. En responsabilité, nous ne pouvons pas faire d'économies sur le dos de nos sapeurs-pompiers !

Sans la modification de l'arrêté, le projet échouera, car c'est sa viabilité, rien de moins, qui sera remise en cause.

Monsieur le ministre, il faut laisser nos territoires entreprendre et développer les énergies renouvelables décarbonées.

Nous avons des objectifs nationaux à atteindre. Dès lors, soyons pragmatiques ! Pouvez-vous vous engager à modifier cet arrêté ?

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé du logement.

M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement. Monsieur le sénateur Damien Michallet, les règles relatives aux opérations d'autoconsommation collective étendue prévoient que la distance maximale entre les points d'injection et/ou de livraison les plus éloignés au sein d'une même opération ne dépasse pas 2 kilomètres.

Des dérogations à ce critère de proximité géographique peuvent être accordées sur demande motivée auprès du ministre chargé de l'énergie. Depuis 2020, la distance maximale peut ainsi être étendue jusqu'à 20 kilomètres pour les projets situés en zone rurale ; depuis 2023, elle peut atteindre jusqu'à 10 kilomètres pour les projets situés en zone périurbaine.

Cette dernière évolution n'a pas rendu les critères précédents plus contraignants : au contraire, elle a apporté une base légale plus solide pour justifier les décisions, en complétant les possibilités de dérogation et en en prévoyant une nouvelle, de 10 kilomètres au maximum, à destination des zones périurbaines. L'évaluation des zones concernées par cette dernière évolution tient compte de la grille de densité communale de l'Insee, laquelle considère les communes de catégorie 3 et 4 comme périurbaines.

Le Gouvernement facilite ainsi le développement de l'autoconsommation, en lien avec sa volonté de développer les énergies renouvelables et de sécuriser et stabiliser la facture électrique des Français.

Dans le cas du service départemental d'incendie et de secours de l'Isère, les dérogations que vous évoquez n'auraient pas pu être obtenues précédemment, car elles ne correspondaient pas aux critères prévus. Au risque de vous décevoir, monsieur le sénateur, il n'est donc pas exact d'affirmer que l'arrêté du 19 septembre 2023 a fait échouer ce projet.

Je vous rappelle, enfin, que, l'autoconsommation étant un modèle dérogatoire et simplifié de fourniture, ces règles ont été fixées afin de protéger au mieux les consommateurs d'électricité.

Tels sont les éléments que je peux vous apporter aujourd'hui, même si je sais qu'ils ne répondent pas pleinement à votre question.

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