Question de M. MOHAMED SOILIHI Thani (Mayotte - RDPI) publiée le 15/02/2024

M. Thani Mohamed Soilihi demande à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer de réaliser un bilan de la mise en oeuvre des dispositions relatives aux conditions d'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France des enfants nés à Mayotte de parents étrangers.
Conformément à l'article 73 de la Constitution, qui prévoit la possibilité d'adapter les lois et règlements aux caractéristiques particulières des départements d'outre-mer, la loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a instauré un régime dérogatoire d'acquisition de la nationalité à Mayotte. Aussi, pour un enfant né à Mayotte, il est désormais exigé que l'un de ses parents ait, au jour de la naissance, été présent de manière régulière sur le territoire national depuis plus de trois mois.
À l'heure où des voix s'élèvent pour durcir ce dispositif, il est impératif d'en connaître au préalable l'efficacité cinq années plus tard.
En outre, dans son avis du 5 juin 2018 sur la proposition de loi tendant à adapter aux caractéristiques et contraintes particulières de Mayotte les règles d'acquisition de la nationalité française par une personne née en France de parents étrangers, dont ce dispositif est issu, le Conseil d'État avait relevé l'intérêt que soit menée une campagne d'information à Mayotte et à destination des pays d'origine des personnes y immigrant irrégulièrement, sur l'état du droit qui résulterait du vote de ce texte.
Il souhaiterait savoir pour quelles raisons cette condition, essentielle pour faire connaître aux candidats à l'immigration clandestine les nouvelles règles d'acquisition de la nationalité sur ce territoire ainsi qu'aux Français et étrangers en situation régulière depuis plus de trois mois, les conséquences juridiques et financières de reconnaissances frauduleuses de paternité, n'a jamais été menée.

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Réponse du Ministère auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer publiée le 08/03/2024

Réponse apportée en séance publique le 07/03/2024

M. le président. La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, auteur de la question n° 1108, adressée à M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer.

M. Thani Mohamed Soilihi. Madame la ministre, conformément à l'article 73 de la Constitution, qui prévoit la possibilité d'adapter les lois et règlements aux caractéristiques particulières des départements d'outre-mer, la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a instauré un régime dérogatoire d'acquisition de la nationalité à Mayotte.

Ainsi, pour un enfant né à Mayotte, il est désormais exigé que l'un de ses parents ait, au jour de la naissance, été présent de manière régulière sur le territoire national depuis plus de trois mois. À l'heure où des voix s'élèvent pour durcir ce dispositif, il est impératif d'en connaître au préalable l'efficacité cinq années plus tard.

Un bilan de la mise en oeuvre des dispositions relatives aux conditions d'acquisition de la nationalité française à raison de la naissance et de la résidence en France des enfants nés à Mayotte de parents étrangers est-il prévu ?

En outre, dans son avis du 5 juin 2018 sur la proposition de loi tendant à adapter aux caractéristiques et contraintes particulières de Mayotte les règles d'acquisition de la nationalité française par une personne née en France de parents étrangers, dont ce dispositif est issu, le Conseil d'État a souligné l'intérêt d'une campagne d'information à Mayotte et à destination des pays d'origine des personnes y immigrant irrégulièrement sur l'état du droit qui résulterait du vote de ce texte.

Je souhaite savoir pour quelles raisons cette disposition essentielle n'a jamais été mise en oeuvre. Elle permettrait pourtant de faire connaître aux candidats à l'immigration clandestine les nouvelles règles d'acquisition de la nationalité sur ce territoire. Elle permettrait aussi aux Français et aux étrangers en situation régulière depuis plus de trois mois de connaître les conséquences juridiques et financières encourues en cas de reconnaissance frauduleuse de paternité.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée auprès du ministre de l'intérieur et des outre-mer, chargée des outre-mer. Monsieur le sénateur Thani Mohamed Soilihi, comme vous l'avez souligné, la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a instauré un régime particulier pour Mayotte en matière d'acquisition de la nationalité. Cette adaptation a été prise dans le cadre de l'article 73 de la Constitution, qui permet de tenir compte des caractéristiques et contraintes particulières à ces collectivités.

Eu égard à la pression migratoire exceptionnelle que connaît Mayotte depuis plusieurs années, pression qui tient en particulier à l'attractivité de ce territoire d'un point de vue social, économique et sanitaire, il a été décidé par le Président de la République de lutter activement contre l'immigration irrégulière en provenance de l'Union des Comores, laquelle menace de déstabiliser le fragile équilibre de ce territoire de la République.

Il a été jugé que l'un des moyens de rendre moins attractive Mayotte pour les ressortissants comoriens était de limiter l'accès à la nationalité française par le simple fait d'être né en France de parents étrangers. La loi du 10 septembre 2018 a introduit dans le code civil l'article 2493 qui impose la nécessité du séjour régulier d'un des parents, au moment de la naissance, de manière ininterrompue depuis plus de trois mois.

Monsieur le sénateur, vous regrettez que cette disposition n'ait pas fait l'objet d'une évaluation et qu'aucune campagne d'information sur ce nouveau dispositif n'ait été à l'époque organisée à Mayotte et à destination des pays d'origine des candidats à l'immigration.

Comme Gérald Darmanin a eu l'occasion de l'indiquer dans un courrier du 14 février dernier, à la suite du déplacement que nous avons fait ensemble à Mayotte, les engagements du Gouvernement ont été suivis d'effet : depuis l'adoption de la loi Collomb, le nombre d'acquisitions de nationalité française par des mineurs a baissé de moitié.

La pression migratoire toujours plus forte nécessite de prendre des mesures plus ambitieuses, afin de ne pas laisser entrevoir la perspective d'un titre de séjour à des ressortissants étrangers du seul fait que leur enfant est né à Mayotte. Ainsi, les mesures que nous avons annoncées, au nom du Président de la République et du Gouvernement, permettront, après une révision de la Constitution, de ne plus appliquer le droit du sol à Mayotte. Le Gouvernement entend en parallèle renforcer drastiquement la lutte contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et communiquer sur ces mesures, monsieur le sénateur.

En revanche, les autres modes d'accès à la nationalité, en particulier celui par décision de l'autorité publique, restent inchangés, permettant aux étrangers souhaitant acquérir la nationalité française de démontrer leur attachement à la communauté nationale et aux valeurs de la République.

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