Question de M. JACQUIN Olivier (Meurthe-et-Moselle - SER) publiée le 14/03/2024

Question posée en séance publique le 13/03/2024

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain. (Applaudissements sur les travées du groupe SER.)

M. Olivier Jacquin. Ma question s'adresse à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Après plus de deux ans de bataille, un compromis a enfin été validé au Conseil de l'Union européenne sur la directive du socialiste Nicolas Schmit.

M. Rachid Temal. Très bien !

M. Olivier Jacquin. Cela permettra aux travailleurs des plateformes de bénéficier de droits sociaux.

C'est une victoire historique pour eux, une défaite cinglante pour Uber et un camouflet retentissant pour Emmanuel Macron, qui a totalement isolé la France. Oui, lundi dernier, l'Allemagne, pour des raisons internes à sa coalition, et la France étaient les deux derniers pays à ne pas voter pour ce début d'harmonisation sociale, alors même que vous avez grandement contribué à dénaturer ce texte ! Un vote définitif du Conseil interviendra bientôt.

J'ai donc deux questions, madame la ministre. Premièrement, la France va-t-elle continuer de s'opposer et de s'isoler ou va-t-elle repartir de l'avant ? Deuxièmement, puisque la directive sera adoptée avec ou sans la France, allez-vous la transposer rapidement et sans la dénaturer davantage ? (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

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Réponse du Ministère du travail, de la santé et des solidarités publiée le 14/03/2024

Réponse apportée en séance publique le 13/03/2024

M. le président. La parole est à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Monsieur le sénateur Jacquin, j'ai déjà eu l'occasion de le dire hier, depuis le premier jour de la discussion sur cette directive relative aux plateformes, notre pays a joué le jeu de la négociation. Nous avons d'ailleurs travaillé à différentes versions du texte.

La France a été guidée par un principe : prendre en compte la réalité de la relation de travail entre la plateforme et le travailleur, car les vrais travailleurs indépendants doivent pouvoir rester indépendants - certains d'entre eux veulent garder leur statut - et les faux indépendants doivent en effet pouvoir demander leur requalification. Tel est l'enjeu : permettre aux vrais travailleurs indépendants de rester des travailleurs indépendants et permettre aux autres d'être requalifiés.

Cette distinction est d'autant plus importante que notre pays a construit avec succès un modèle social qui a permis aux travailleurs indépendants du secteur de la mobilité et de la livraison, pour certains d'entre eux, de créer leur entreprise et d'avancer.

D'ailleurs, neuf accords collectifs ont été signés depuis 2022. Les travailleurs en bénéficient, qu'il s'agisse de leurs revenus ou de leurs relations avec les plateformes.

C'est pour cela que nous avons cherché à définir des critères plus clairs, plus solides juridiquement, afin de pouvoir déclencher une présomption de salariat prévue par la directive. Et la France n'était d'ailleurs pas seule ! Vous n'avez pas évoqué l'Estonie, la Grèce ou l'Allemagne, qui ont travaillé sur le sujet.

M. Bernard Jomier. Ils ont changé d'avis !

Mme Catherine Vautrin, ministre. Nous avons constaté que, dans le texte examiné au cours des dernières semaines, le régime instauré était devenu flou et ne mettait en place - c'est un point très important - aucune harmonisation à l'échelle européenne. Là réside aujourd'hui le risque d'insécurité juridique.

Contrairement à ce que certains affirment pour des raisons politiciennes, la France n'a pas voté contre le texte. J'échangeais hier encore avec Nicolas Schmit et je lui ai indiqué que nous étions prêts, si nous arrivions à obtenir des clarifications, à modifier notre position et à soutenir ce texte. (Applaudissements sur des travées du groupe RDPI.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Jacquin, pour la réplique.

M. Olivier Jacquin. Madame la ministre, je vous prie de m'excuser, mais la voix de la France n'est pas sérieuse.

Je travaille sur le dossier depuis 2019 et la situation s'est gravement dégradée : 90 % de livreurs à vélo à Paris sont sans-papiers ; il n'y a que 4 % de participation aux élections professionnelles ! Les neuf accords entraînent des baisses de rémunérations : moins de 5 euros de l'heure !

Mais comment pouvez-vous parler du succès de notre modèle social, protecteur selon vous, et continuer de donner une crédibilité à votre pseudo-autorité de régulation ? Vous feriez mieux de la dissoudre !

Les livreurs à vélo ne sont pas des entrepreneurs ; ce sont des indépendants fictifs ! Vous continuez de protéger les plateformes plutôt que les travailleurs, en livrant ces derniers en pâture au capitalisme le plus sordide !

Vous vous glorifiez sur les estrades d'être les seuls détenteurs du flambeau européen, mais, depuis deux ans, vous portez atteinte à l'Europe sociale ! La présomption de salariat n'est pas un gros mot ; elle n'est que justice ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE-K et GEST.)

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