Question de M. LE RUDULIER Stéphane (Bouches-du-Rhône - Les Républicains) publiée le 07/03/2024

M. Stéphane Le Rudulier attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire sur les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) et plus particulièrement sur le rôle et le poids des communes dans les projets portés par ces sociétés.

Les SAFER sont des sociétés anonymes à but non lucratif placées sous la double tutelle des ministères chargés de l'agriculture et des finances. Elles sont ainsi contrôlées par des commissaires du Gouvernement et leur action s'inscrit dans le cadre des missions prévues à l'article L. 141-1 du code rural et de la pêche maritime (CRPM).

À titre liminaire, il convient de noter que les droits de préemption institués au profit des SAFER ne sauraient faire entrave à ceux reconnus notamment aux collectivités territoriales, comme le dispose l'article L. 143-6 du CRPM et comme le garantit l'article L. 143-8 du même code. Aussi, un maire peut donc user du droit de préemption reconnu à sa collectivité s'il souhaite s'opposer à un projet porté par une SAFER ou reprendre une telle initiative pour le compte de sa commune.

Toutefois, il n'existe aucun droit de veto reconnu à la commune concernée par le projet d'une SAFER. Si l'article L. 141-6 du code précité prévoit bien que le conseil d'administration d'une SAFER doit assurer une représentation des collectivités territoriales relavant de la zone d'action de la société, le représentant de la commune directement impactée ne jouit en revanche pas d'un droit de veto pour empêcher en interne l'approbation d'un projet par la SAFER. De plus, la municipalité de la commune, que ce soit par l'intermédiaire du maire ou du conseil municipal, ne bénéficie pas non plus d'un tel droit pour faire obstacle à un projet approuvé par une SAFER. Autrement dit, ni en amont ni en aval d'une décision de la société, la commune n'a l'occasion de faire opposition au projet.

Les seuls moyens dont disposent donc aujourd'hui les communes pour empêcher un projet d'une SAFER, ce sont seulement leurs droits de préemption prioritaires. Or, pour qu'une telle procédure serve de technique détournée de veto, il faut que la commune jouisse de ressources financières suffisantes et de réserves de trésorerie, ce qui n'est pas du tout le cas pour l'essentiel des communes, surtout au regard de l'état actuel de l'autonomie financière des collectivités territoriales.

De surcroît, cet état de fait est d'autant plus aggravé quand on constate les dérives des SAFER, dûment critiquées notamment par la Cour des comptes dès 2014. Dans son rapport annuel, la juridiction mettait en évidence notamment le fait que les SAFER s'éloignaient de l'esprit de leurs missions initiales, avec des opérations de substitutions de plus en plus prépondérantes et une faible activité dans les métiers de base. L'opacité des procédures et le corporatisme ont également fait l'objet d'objections. De nombreux projets ont été dénoncés et les scandales médiatiques ne manquent pas. Les SAFER favorisent souvent des super-exploitations souhaitant toujours plus s'agrandir. Plusieurs lois ont été adoptées ces dernières années afin de réformer les SAFER, mais aucune ne s'est vraiment attelée à recadrer l'exercice de leurs missions, parfois éloigné de l'intérêt général. Face à ce constat, force est de constater qu'à défaut d'entreprendre une vraie réforme profonde des SAFER, il est nécessaire de donner la possibilité à une municipalité de s'opposer, en qualité de garde-fou, au projet d'une SAFER.

Considérant tout ce qu'il précède, il souhaiterait donc connaître les intentions du Gouvernement quant à la possibilité de permettre aux communes de peser davantage dans les projets des SAFER et d'y faire obstacle le cas échéant, conformément à leur qualité historique de garants en matière de gestion foncière.

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En attente de réponse du Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

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