Question de Mme de CIDRAC Marta (Yvelines - Les Républicains) publiée le 14/03/2024

Mme Marta de Cidrac interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, concernant les abus relatifs à la prestation compensatoire en cas de divorce. Le fort déséquilibre de revenus existant parfois entre deux conjoints donne lieu à des manoeuvres visant à minorer le montant de cette prestation. Ainsi, il n'est pas rare de voir l'un des deux conjoints se faire volontairement licencier, vendre sa société ou même la mettre en faillite. Les conséquences financières s'avèrent catastrophiques pour le conjoint n'ayant pas changé de situation : il se retrouve soit à percevoir une prestation compensatoire d'un montant bien moindre que dû, soit à devoir même verser ladite prestation dans des proportions démesurées au regard de la situation salariale antérieure au divorce. Les femmes sont malheureusement victimes en majorité de ces excès, qui les laisse souvent en grande précarité financière. Cette précarité est même accrue lorsque la minoration abusive des revenus du conjoint affecte le calcul de la pension alimentaire, provoquant une véritable « double-peine » pour ces femmes divorcées. Elle souhaiterait connaître concrètement ses intentions pour que ce détournement de la loi soit corrigé.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 16/05/2024

En vertu de l'article 270 alinéa 1er du code civil, la pension alimentaire due entre époux au titre du devoir de secours prend fin au moment du divorce, ce qui justifie le mécanisme de la prestation compensatoire. Celle-ci tend, en effet, à compenser la disparité dans les conditions de vie respectives des époux créée par la rupture du mariage et la disparition du devoir de secours comme de la contribution aux charges du mariage entre époux. La prestation compensatoire permet de contrebalancer le fait pour un époux d'avoir sacrifié ou tout au moins ralenti sa carrière, d'avoir renoncé à ses propres ambitions professionnelles pour rester au foyer auprès de ses enfants alors que son conjoint se consacrait à son travail et continuait à évoluer sur le plan social. La condamnation pécuniaire de l'époux débiteur de la prestation compensatoire poursuit ainsi un but légitime de protection du conjoint dont la situation économique est la moins favorable au moment du divorce (Cass. 1re civ., 30 nov. 2022, n° 21-12.128). A cette fin, l'octroi d'une prestation compensatoire repose sur plusieurs critères objectifs, définis par le législateur et appréciés souverainement par le juge afin de tenir compte des circonstances de l'espèce, et ne peut être décidé qu'au terme d'un débat contradictoire, en fonction des éléments fournis par les parties. Cette appréciation souveraine par le juge des circonstances particulières de l'espèce est de nature à garantir la préservation des intérêts respectifs de chaque époux, débiteur comme créancier. En outre, l'article 270 du code civil prévoit que le juge doit apprécier la disparité dans les conditions de vie des époux au regard des ressources, charges et patrimoine de chacun d'eux au moment du divorce, ainsi que de leur évolution dans un avenir prévisible. L'appréciation in concreto de la situation opérée par le juge permet ainsi de s'assurer que les intérêts des époux sont préservés. Par ailleurs, si l'époux débiteur organise frauduleusement son insolvabilité en vue de se soustraire à la décision du juge le condamnant au versement d'une prestation compensatoire, il peut faire l'objet de poursuites pénales et s'expose à une condamnation pouvant aller jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende sur le fondement des dispositions de l'article 314-7 du code pénal. Le droit positif ménage donc un juste équilibre entre les intérêts de chaque époux lors de la fixation de la prestation compensatoire et n'appelle pas de réforme législative en la matière.

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