Question de Mme GRÉAUME Michelle (Nord - CRCE-K) publiée le 07/03/2024

Mme Michelle Gréaume attire l'attention de Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités sur l'explosion des tarifs des mutuelles santé.
Les prix des mutuelles ont subi une énième augmentation en ce début d'année 2024, +8,1 % selon la Mutualité française. Le magazine UFC Que Choisir estime que cette hausse s'élèvera plutôt à 10 % pour l'année 2024, avec « des évolutions bien plus importantes, notamment pour les retraités, et des hausses de 25 %, voire de 30 % ».
Ces augmentations s'expliquent principalement par un désengagement progressif mais de plus en plus important de la prise en charge des frais de santé par l'assurance maladie. En effet, les exonérations de cotisation fragilisent l'équilibre financier du système de santé, ce qui ouvre la porte à une marchandisation de la santé par les complémentaires, dont certaines ont parfaitement saisi l'effet d'aubaine.
Le niveau de taxation, 14,1 % pour les contrats solidaires, 21,1 % pour les contrats individuels, a également un impact non négligeable sur le coût pour l'assuré.
Cette situation fait grandir le risque de non-souscription à une complémentaire santé et, à terme, de renonciation aux soins. Et ce d'autant plus que ces hausses se cumulent au doublement annoncé des franchises médicales et à l'explosion des dépassements d'honoraires chez certains praticiens. À titre d'exemple, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Lille-Douai estime qu'un quart de ses 925 000 assurés ne dispose pas de complémentaire.
Convaincue que la solution reste la prise en charge intégrale des soins de santé par l'assurance maladie, parce que la santé n'a jamais été et ne sera jamais une marchandise, elle lui demande toutefois quelles sont les intentions du Gouvernement pour endiguer ces hausses tarifaires difficiles à assumer et lourdes de conséquences sur l'accès aux soins.

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Réponse du Ministère auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargé de l'enfance, de la jeunesse et des familles publiée le 10/04/2024

Réponse apportée en séance publique le 09/04/2024

M. le président. La parole est à Mme Michelle Gréaume, auteure de la question n° 1146, adressée à Mme la ministre du travail, de la santé et des solidarités.

Mme Michelle Gréaume. Alors que le désengagement de l'assurance maladie dans la prise en charge des dépenses de santé s'accentue chaque année, inexorablement, quelque 70 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales sont décidés, fragilisant un peu plus l'équilibre financier du système de santé et du budget de la sécurité sociale.

Cette situation accroît de fait la part de la prise en charge des complémentaires santé, et naturellement leurs tarifs, les rendant aujourd'hui indispensables pour pouvoir se soigner. En effet, déremboursements par la sécurité sociale et hausses des primes des complémentaires vont de pair. C'est un véritable effet d'aubaine, dont certaines n'hésitent pas à profiter en pratiquant des augmentations hors de toute réalité.

Ajoutons également l'impact non négligeable du niveau de taxation : 14,1 % pour les contrats solidaires, 21,1 % pour les contrats individuels. Cela contribue à alourdir encore un peu plus la note.

Conséquence, les tarifs des mutuelles ont grimpé en ce début d'année : entre +8,1 % et +10 % en moyenne ; +25 %, voire +30 % pour les catégories de personnes qui ne bénéficient pas de contrats collectifs, comme les retraités, les étudiants ou les indépendants.

Cumulées à l'inflation et à la baisse du pouvoir d'achat, ces hausses de tarifs sont insupportables, faisant grandir le risque de non-souscription à une complémentaire et, à terme, malheureusement, le risque de renonciation aux soins.

Au niveau national, ce sont aujourd'hui 4 millions de personnes qui vivent sans complémentaire santé, 925 000 dans le seul département du Nord.

Les récentes annonces du Gouvernement, comme le doublement des franchises médicales pour ne citer que cet exemple, tout comme l'explosion des dépassements d'honoraires chez certains praticiens, ne vont certainement pas arranger les choses.

Madame la ministre déléguée, je reste convaincue que l'égal accès à la santé pour toutes et tous réside dans la prise en charge intégrale des soins par l'assurance maladie. Mais, dans l'immédiat, il y a urgence à agir pour endiguer ces hausses tarifaires injustifiées et réduire les inégalités induites.

M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue.

Mme Michelle Gréaume. Quelles mesures concrètes, y compris en termes de sanctions, le Gouvernement compte-t-il prendre en la matière ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Sarah El Haïry, ministre déléguée auprès de la ministre du travail, de la santé et des solidarités, de la ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et du garde des sceaux, ministre de la justice, chargée de l'enfance, de la jeunesse et des familles. Madame la sénatrice, le Gouvernement partage pleinement vos inquiétudes quant à la forte augmentation des tarifs pratiqués par les complémentaires santé ces dernières années.

Le Sénat mène actuellement une mission d'information sur les complémentaires santé, dont le ministre délégué chargé de la santé et de la prévention, qui est particulièrement vigilant sur cette question, lira les conclusions avec une grande attention.

Le montant des cotisations prévues par les complémentaires santé pour couvrir les garanties qu'elles proposent à leurs clients relève toutefois de la liberté contractuelle et je ne peux pas prendre d'engagement direct sur ce sujet.

Néanmoins, afin de limiter l'augmentation des cotisations des complémentaires, plusieurs dispositifs ont été mis en place par le Gouvernement.

Je pense à la portabilité de la couverture santé pendant un an après la fin du contrat de travail ou encore la possibilité pour les branches de prévoir la prise en charge de tout ou partie de la couverture des anciens salariés.

Par ailleurs, depuis 2020 et en application de la loi du 14 juillet 2019, l'assuré peut mobiliser la résiliation infra-annuelle, sans frais ni pénalité, de son contrat complémentaire. L'assuré peut également renégocier son contrat, en adaptant ou supprimant des garanties inutilisées, mais je sais que cela reste difficile en pratique, en particulier pour des personnes isolées.

Je tiens également à souligner que, pour les Français les plus modestes, nous avons mis en place la complémentaire santé solidaire (C2S). Grâce à elle, leurs dépenses de santé sont remboursées entièrement dans la limite des tarifs de la sécurité sociale.

Enfin, il est faux de dire que l'assurance maladie obligatoire se désengage de la prise en charge des frais de santé. En réalité, la part des dépenses dans la consommation de soins et de biens médicaux prise en charge par l'assurance maladie n'a cessé d'augmenter au cours des quinze dernières années.

Deux facteurs expliquent cette évolution : d'une part, l'augmentation du nombre d'assurés en affection de longue durée, dont les frais de santé sont pris en charge intégralement ; d'autre part, le fait que l'assurance maladie obligatoire s'engage en faveur de prises en charge innovantes et souvent plus coûteuses, notamment en matière de médicaments.

Je rappelle à ce titre que la part de l'assurance maladie obligatoire dans les dépenses de santé s'élève à près de 80 % et que cette part a augmenté de plus de trois points depuis 2010, et de deux points depuis 2019.

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