b) Les autres sources anthropiques

Cette première voie de contamination est connue depuis fort longtemps, et les études portant à proximité des sites d'exploitation sont très nombreuses. Ce constat était-il suffisant ? Il était permis d'en douter dans la mesure où l'on a relevé la contamination de populations qui ne vivaient ni près des sites de production, ni près des anciens sites de production, ni sur la même rivière que les sites de production.

La piste aurifère n'était, semble-t-il pas la seule. L'expertise collective de l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD, ex-ORSTOM) a permis d'apporter une réponse à cette énigme.

Selon M. Jean-Pierre CARMOUZE, Directeur de Recherche à l'IRD, responsable de l'étude, « on associe mercure et orpaillage. Cette approche est très réductrice. Il existe d'autres sources, qui tiennent à la fois aux caractéristiques du sol et aux conditions de l'exploitation humaine. Les sols amazoniens sont très âgés, très chargés en fer (sol très rouge, typique de l'oxyde de fer) et en mercure. Les sols sont cinq fois plus concentrés en mercure que dans les sols tempérés. Tant que le mercure est piégé, il ne bouge pas. Dès qu'il y a un déboisement, pour exploiter la forêt, valoriser une terre, creuser une route, extraire le mercure..., les parties fines du mercure deviennent accessibles. Les pluies denses opèrent un lessivage qui conduit le mercure dans les rivières ou dans les eaux stagnantes, dans lesquelles il rencontre des conditions optimum pour se transformer en méthylmercure (...). La déforestation contribue aux pollutions mercurielles au même titre -et peut-être même dans les mêmes proportions- que le mercure des orpailleurs ».

Il existe donc différentes sources de libération de mercure sans qu'il soit possible de les hiérarchiser dans la mesure où selon son ampleur et son contexte environnemental, une même activité peut entraîner une production plus ou moins grande de méthylmercure. Mais, d'une façon générale, « en tout lieu où l'activité anthropique a pour effet d'accroître l'érosion des sols par le déboisement ou la destruction des berges, il y a parallèlement une augmentation des teneurs en mercure des eaux ».

Deux activités méritent une attention particulière.

- Le déboisement. « La source de méthylmercure est d'autant plus abondante que le déboisement est conséquent ». D'une part, le déboisement s'accompagne du brûlage de la biomasse forestière et par conséquent, du relargage dans l'atmosphère d'une fraction du mercure initialement contenu dans la végétation. Le brûlage de la biomasse forestière amazonienne pour le développement de l'agriculture et l'élevage serait responsable de 5 à 15 % du total des émissions anthropiques de mercure dans l'atmosphère. D'autre part, le déboisement favorise le lessivage des sols qui entraîne une fraction du mercure dans les cours d'eau.

- La construction de réservoirs. De nombreuses retenues d'eau ont été créées ces dernières années, destinées à la production d'énergie électrique, l'irrigation et l'approvisionnement en eau potable. D'une part, les sols nouvellement inondés libèrent d'importantes quantités de mercure. D'autre part, « les lacs de barrage apparaissent comme des usines à production de méthylmercure ». Un réservoir crée les conditions quasi-optimum qui favorisera la méthylation : un milieu aquatique, faiblement oxygéné, de faible hydraulicité, riche en matières organiques en décompo-sition, et riche en mercure métallique.

Ces caractéristiques ne permettent pas un message simple : le déboisement est un facteur important de relargage de mercure, mais l'absence de déboisement avant la création d'une retenue d'eau, est un facteur de méthylation du mercure. Ainsi, pour combattre une seule pollution, il faudrait donc déboiser dans certains cas et reboiser dans d'autres...

On notera que ces différentes observations, pour la plupart nouvelles et fécondes, n'ont été possibles que grâce au travail collectif d'une équipe pluridisciplinaire associant géologues, chimistes, biologistes de plusieurs pays. Cette méthode qui, une fois de plus, a fait ses preuves, devrait être systématisée à d'autres travaux.

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