C. LES EFFETS DE L'AMALGAME DENTAIRE

1. Les réactions locales

a) Les réactions allergiques

Il est certain que la pose d'amalgames peut entraîner des réactions allergiques plus ou moins graves et prononcées chez les patients. Une allergie est une réaction d'un organisme d'un individu sensibilisé par une substance. Le mécanisme de l'allergie est bien connu : la substance sensibilisante dite antigène fait apparaître des cellules spécifiques dans l'organisme, dits anticorps, générant une réaction en chaîne. L'antigène réagit à ces anticorps provoquant des réactions de l'organisme. L'antigène peut être extérieur (allergie au pollen, aux poils de chat...) ou introduit dans l'organisme, comme c'est le cas pour les alliages en général et l'amalgame en particulier.

Alliages et amalgames, conçus et réalisés pour être utilisés au contact du vivant sont appelés des biomatériaux. La biocompatibilité, c'est-à-dire la compatibilité des biomatériaux et de l'organisme n'est pas garantie à 100 %. Certains risques peuvent apparaître. Les risques des alliages en général dans le tissu mou du corps humain sont les réactions inflammatoires, tissulaires telles que le « tatouage », forme de pigmentation disgracieuse de la gencive ou immunologiques (allergies au sens strict).

Les réactions allergiques liées aux amalgames sont connues, mais, sauf exception (7 ( * )) , peu étudiées. On pourra regretter notamment que les présentations de l'amalgame dentaire figurant dans des ouvrages censés être de référence y consacrent si peu de développements. Il n'y a pas d'accord général sur la proportion de patients sujets aux allergies, mais certains estiment qu'elle peut aller jusqu'à 8 % des cas. Un pourcentage suffisant pour s'en inquiéter.

Les allergies aux amalgames appartiennent à la catégorie des allergies dites de contact, avec manifestations cutanées sous forme d'irritation plus ou moins grave de la muqueuse (eczéma, dermite, « lichen plan »), apparaissant rapidement (24/48 heures) après la pause de l'amalgame, mais pas immédiatement, par opposition aux hypersensibilités immédiates avec asthme et oedèmes.

L'allergie est aisément repérable en présence de deux critères : une réaction positive aux tests avec allergènes, et la guérison rapide après suppression de l'allergène, en l'espèce l'amalgame dentaire.

Les allergies liées aux alliages en général et aux amalgames en particulier sont très variables selon les individus, mais plusieurs facteurs sont susceptibles de les accroître :

- tout d'abord, les allergies semblent « s'auto-entretenir ». Le risque d'être allergique aux amalgames est trois fois plus important chez un patient allergique à d'autres produits que chez un patient sain, sans antécédent allergénique.

- ensuite, les allergies semblent se « construire » petit à petit. On peut ainsi ne pas être allergique à un métal au début, mais le devenir après un certain temps ou un certain volume d'exposition. C'est ainsi que la proportion de femmes allergiques au nickel est le double de celle des hommes (10 % contre 5 %) tout simplement parce que les femmes sont plus exposées (bijoux, clips, boucles d'oreilles...).

- enfin, l'allergie aux amalgames semble également varier selon le temps de séjour des amalgames en bouche. Des patients porteurs d'amalgames depuis plus de cinq ans réagissent davantage aux tests épicutanés (en contrôlant la sensibilité aux composants des amalgames), que les nouveaux porteurs. Ce phénomène laisserait supposer que la sensibilité aux amalgames s'accroît avec la corrosion.

L'allergie dépend aussi et surtout de la qualité des alliages et amalgames, plus que de leur composition. Il n'y a pas une allergie unique aux amalgames. Les inflammations notamment, liées aux amalgames fraîchement posés, disparaissent après quelques jours.

S'il est tout à fait certain que la pose d'amalgame peut entraîner des allergies, il est non moins certain que « le mercure, quoique très souvent incriminé, n'est pas le seul agent sensibilisant de l'amalgame dentaire ». Son rôle n'est nullement exclusif. La sensibilité, voire l'hypersensibilité à l'argent, et de plus en plus au cuivre, dont la proportion a sensiblement augmenté dans les amalgames récents, est à prendre en compte. Ce phénomène n'est pas propre aux amalgames. Il existe également des cas d'allergies observées à partir de prothèses et implants chirurgicaux. On dénombre une centaine de cas graves.

Il peut être intéressant de constater que l'analyse du tissu gingival affecté par les tatouages par exemple fait clairement apparaître la présence de particules d'argent et de soufre, mais pratiquement pas de mercure. « Il semble donc que le mercure a totalement disparu des inclusions ». Pour le professeur Hildebrandt, « l'argent et le mercure ont des mécanismes de distribution et de métabolisation bien différents. Le mercure a disparu de la gencive parce qu'il est passé dans l'organisme, en raison de sa dissolution et de sa diffusion facile à température corporelle, par voies sanguine et lymphatique (relatif à l'eau). Le mercure s'est lié sous forme de dérivés métallo-organiques à des molécules biologiques diverses qu'on trouve notamment dans les reins et le foie, qui créent des molécules spécifiques (les métallothionéines) qui facilitent l'élimination du mercure par voie urinaire ».

* (7) Les phénomènes allergiques liés aux amalgames dentaires ont notamment été étudiés par l'Institut de médecine du travail de Lille. L'audition du professeur MF. Hildebrandt a été sur ce point particulièrement riche. La plupart des informations de cette partie sont issues de ses travaux.

Voir également : C. Véron, MF. Hildebrandt, JP. Fernandez, les pigmentations gingivales pour l'amalgame dentaire, J. Bromet. Dent. 1985 , 1, 47-52

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