c) Améliorer les pratiques médicales et assurer un polissage des obturations

Le rôle du polissage est amplement décrit dans la littérature médicale. La finition de la surface des obturations est importante pour la durée de vie de l'obturation et pour la santé des tissus avoisinants. Le polissage supprime les arrêtes et les aspérités, diminue par conséquent la surface de contact entre l'amalgame et la salive et augmente la résistance des obturations. Les formateurs recommandent un polissage, au plus tôt un jour après la pose, de l'ordre de 1 à 15 mn.

Le problème est que, quoique unanimement recommandé... un très grand nombre d'obturations ne sont pas polies !

L'un des mérites incontestables de l'étude de Tübingen est d'avoir mis en relief l'importance décisive du polissage . Constatant que les teneurs mesurées dans la salive étaient deux fois supérieures aux teneurs habituellement mesurées dans des autres tests, l'étude a émis l'hypothèse qu'un tel écart s'expliquait par le fait que l'échantillon examiné (18.000 tests validés) était vraisemblablement beaucoup plus proche du réel que dans de nombreux tests antérieurs.

Ce n'est pas sans fondement que l'étude émet quelques doutes sur la validité des mesures antérieures réalisées par exemple auprès de quelques dizaines d'étudiants en faculté dentaire, à l'hygiène dentaire irréprochable, et dont la plupart des amalgames avaient sans doute été vérifiés -et polis- en clinique. Car, entre un test en laboratoire, voire in situ mais auprès d'un public sélectionné, et un test auprès du grand public, il y a toujours une différence. Cette différence porte un nom : le réel, et, en l'espèce, le réel est morose : chez les « vrais gens » le polissage de l'obturation est beaucoup moins fréquent qu'à l'université...

Selon l'étude, l'absence de polissage maintiendrait de larges surfaces de contact avec la salive (le polissage entraînerait une réduction des surfaces en contact d'un facteur 100 !), et provoquerait une augmentation des rejets mercuriels de 50 % à 150 % de mercure en plus (ainsi que 50 % à 100 % d'étain, d'argent et de cuivre en plus).

L'étude a constaté -en Allemagne- que plus des deux tiers des obturations en amalgame n'étaient pas polies. Le chiffre n'est pas connu en France, mais serait, au mieux, de cet ordre de grandeur (selon certains praticiens, le chiffre de 90 % d'amalgames non polis n'est pas irréaliste...). On observera par exemple que des catalogues professionnels choisissent de « mettre en scène » leurs matériels de soins (fraises, matrices interdentaires...) à partir de photos de dents porteuses d'amalgames non polis ! On s'étonnera également du fait que le groupe d'études de la Commission européenne, pourtant composé de professionnels, ait pu faire pratiquement l'impasse sur la nécessité de polissage, allant même jusqu'à affirmer que l'un des avantages de l'amalgame était qu'il pouvait être posé en une seule fois. Exit le polissage...

A l'exception des cas où le polissage n'est matériellement pas possible (notamment sur les « faces proximales », c'est à dire lorsque la deuxième face de l'obturation jouxte une autre dent), il s'agit à l'évidence, d' une négligence professionnelle courante , justifiée tant par des raisons pratiques (car tous les patients ne reviennent pas volontiers chez leur dentiste une fois que la carie est soignée) que pour des raisons financières (car la séance de polissage prise en charge par la sécurité sociale est soit partielle -comme en Allemagne, soit nulle -comme en France).

Compte tenu des inquiétudes manifestées autour de la pose des amalgames, une telle dérive des praticiens paraît peu admissible, et il est fortement recommandé que les autorités régulatrices rappellent régulièrement les règles professionnelles élémentaires.

Dès lors que les soins sont pris en charge par les systèmes d'assurance, la multiplication des contrôles du polissage peut également être envisagée.

Quel serait l'effet d'un polissage rendu obligatoire sur les pratiques dentaires ? Les avis sont partagés, car deux interprétations contradictoires sont possibles. D'une part, un meilleur polissage aurait pour effet de limiter les rejets mercuriels, et de retarder, si besoin était, la substitution supposée nécessaire des amalgames. D'autre part, on a pu lire aussi que le polissage alourdirait le prix des interventions, et qu'une obligation conduirait alors à condamner à terme la pose des amalgames. Quels que soient les risques ou les chances de l'évolution possible (confirmation ou renonciation aux amalgames), on ne peut se satisfaire du statu quo qui fait reporter sur la santé des patients ce que la simple conscience professionnelle permettrait d'éviter.

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