M. Bernard ANGELS

II. LA MESURE DE LA PERFORMANCE

A priori , le Minéfi doit avoir une longueur d'avance en ce qui concerne la mise en place de la LOLF. La pratique des indicateurs de performance lui est ainsi familière.

A. LES ACQUIS DE CERTAINES DIRECTIONS AU TITRE DES CONTRATS DE PERFORMANCES

1. Les contrats de performance de la DGCP et la DGI : des indicateurs « prêts à l'emploi »

La DGI et la DREE disposaient avant 2003 de contrats objectifs-moyens. Ils ont renouvelé cette démarche et l'ont prolongée en s'engageant dans des contrats de performance qui constituent une préfiguration particulièrement pertinente de la LOLF.

Ces contrats de performance ont été conclus entre le secrétaire général, le directeur du budget et les directeurs concernés en avril 2003 pour la DGI et la DGCP et en novembre 2003 pour la DREE et le réseau unifié du Minéfi à l'étranger. Ils fixent les principaux objectifs assignés à ces directions pour les années 2003 à 2005 et, en contrepartie, leur donnent la visibilité sur les moyens dont elles disposeront pour les atteindre.

A la DGI, le contrat de performance permet de mesurer les progrès réalisés selon deux axes :

- la promotion du civisme fiscal à travers le service rendu et les contrôles réalisés, le taux de respect dans les délais de la totalité des échéances déclaratives en matière de TVA ou d'imposition directe, ou encore le taux de paiement des impôts professionnels et le nombre de télédéclarations ;

- le partage des progrès réalisés avec les agents qu'il s'agisse de la sécurisation de l'identification des contribuables particuliers et professionnels, de la réaction aux défaillances déclaratives et de paiements (taux de retardataires, taux net de recouvrement), de la promotion d'une chaîne de qualité du contrôle fiscal (part des opérations à caractère répressif, taux de contrôle des dossiers).

La DGCP a elle mis en place à côté du pilotage traditionnel sectoriel assuré par ses bureaux « métiers » - recouvrement, comptabilité, dépenses de l'Etat, collectivités et établissements publics locaux - un dispositif de pilotage synthétique de son réseau. 15 indicateurs d'activités et de résultats ont vocation à concourir plus précisément à la mesure de la performance faisant l'objet d'une déclinaison au niveau local. Les indicateurs retenus visent donc à la mesure de l'efficacité socio-économique et de la qualité du service sur notamment les thèmes suivants :

- l'amélioration du taux de recouvrement ;

- l'amélioration de la qualité de service « pour vous faciliter l'impôt » ;

- le développement des prestations de conseil ;

- la garantie des délais de paiement des dépenses publiques par les comptables ;

- la meilleure réponse aux besoins spécifiques des collectivités locales ;

- la dématérialisation des échanges d'information.

Ces contrats de performance, en ce qui concerne du moins les deux directions, DGI et DGCP, dont votre rapporteur spécial rend compte dans la présente note de présentation, donnent lieu à des rapports annuels de performance qui permettent aux agents et aux usagers de vérifier si les objectifs ont été atteints.

Votre commission des finances a dès lors entendu M. Bruno Parent, directeur général des impôts, sur son rapport annuel de performances 2003, le 12 juillet 2004 . Cette audition a ainsi permis de dégager les éléments de satisfaction de la gestion 2003, mais aussi des axes de progrès.

M. Bruno Parent a ainsi montré les difficultés à accroître, dans les proportions exigées par le contrat de performances, le nombre de déclarations à la téléTVA. Il a expliqué que les entreprises justifiaient notamment leurs réticences par le coût des certificats électroniques de sécurisation des transmissions, de l'ordre d'une centaine d'euros.

Dès lors, il a indiqué devant votre commission des finances les moyens d'atteindre ses objectifs pour les années suivantes en matière de Télé TVA, en soulignant que des efforts spécifiques de communication avaient été engagés pour convaincre les entreprises d'y souscrire, avec deux arguments majeurs, l'un portant sur les économies possibles en termes de jours de valeur, et donc de trésorerie, pour les redevables procédant par virement, l'autre sur le caractère utile et prometteur du certificat électronique, au-delà de sa seule application à la téléTVA.

Le dispositif vertueux de la LOLF peut ainsi être considéré comme en place, du moins dans ses grandes lignes, dans les directions ayant souscrit des contrats de performance, et surtout à la direction générale des impôts qui bénéficie d'une véritable antériorité dans l'élaboration d'objectifs et d'indicateurs.

2. Une démarche proche, mais moins formalisée, dans d'autres directions

Si les autres directions des services financiers ne sont pas allées, et votre rapporteur spécial le regrette, jusqu'à s'engager dans un contrat de performance, elles ont pour certaines mis en place des indicateurs d'activité et de gestion qui doivent leur permettre de passer à la LOLF dans de bonnes conditions.

A la Douane, les indicateurs de performance retenus reflètent les grandes catégories de missions de la douane (fiscale, économique, protection). Pour chaque catégorie, les indicateurs visent à mesurer principalement les résultats, l'efficience, l'activité ou encore la présence sur les missions. Ces indicateurs sont mis à la disposition des responsables de zone géographique suivant des périodicités trimestrielle ou annuelle. En outre la douane s'emploie à définir des groupes homogènes de services présentant des caractéristiques semblables au sein desquels les comparaisons prendront tout leur sens.

Les 24 indicateurs de la douane ont pour objectifs :

- de renforcer l'efficacité des contrôles des marchandises déclarées ;

- de renforcer et dynamiser l'efficacité du dispositif de lutte contre les différents trafics ;

- de promouvoir les procédures susceptibles de réduire le temps d'immobilisation des marchandises ;

- d'adapter les priorités d'action de la surveillance à l'évolution de la fraude ;

- de développer les possibilités de recours aux téléprocédures et aux nouvelles technologies de l'information et de la communication ;

- de maîtriser le coût de gestion des recettes perçues par la douane ;

- d'accroître l'efficacité de la gestion des ressources humaines.

Pour la DGCCRF, les indicateurs font l'objet d'une publicité permanente sur l'intranet de la direction et d'une diffusion trimestrielle auprès de chaque responsable d'unité. Une application informatique est disponible pour permettre à chaque responsable d'assurer un suivi automatique en temps réel des résultats de son unité. Les 14 indicateurs définis permettent de mesurer l'efficacité socio-économique et la qualité du service, les objectifs fixés étant :

- d'assurer une couverture suffisante des différents secteurs d'activité;

- de surveiller le taux d'anomalies lors des contrôles et maintenir un bon impact de ces contrôles sur le comportement des acteurs ;

- d'optimiser le recensement des indices de pratiques anticoncurrentielles ;

- de mieux mesurer l'impact de la direction en matière de contentieux ;

- de garantir aux usagers une réponse rapide à leurs demandes.

Les indicateurs proposés de l'INSEE visent à la mesure de l'efficacité de la gestion, de la qualité du service et de l'efficacité socio-économique. Ils sont suivis à la même fréquence au plan local et au plan national et sont transmis par messagerie aux directeurs.

Ces indicateurs sont relatifs :

- à la collecte des prix ;

- à l'avancement et au suivi du recensement de la population ;

- au pilotage national de l'activité SIRENE ;

- à la collecte des données d'état civil ;

- aux actions de partenariats ;

- à la consultation par Internet des outils INSEE ;

- à l'enquête annuelle sur les effectifs des collectivités locales et des établissements publics locaux ;

- à la collecte des données d'enquêtes auprès des ménages.

B. LA MISE EN PLACE AU TITRE DE LA LOLF DES INDICATEURS DE PERFORMANCE

Les avant-projets annuels de performances proposés en annexe au présent projet de loi de finances pour les missions « gestion et contrôle des finances publiques », « stratégie économique et pilotage des finances publiques », « développement et régulation économiques » réemploient donc, en grande partie, et de manière justifiée, les indicateurs déjà disponibles dans un autre cadre.

Ils permettent aux directions des services financiers de confronter leurs indicateurs à l'esprit de la LOLF, de les comparer avec ceux des autres ministères et de les soumettre à l'examen critique du Parlement.

Pour beaucoup, ces indicateurs sont satisfaisants . Ils présentent l'avantage d'avoir déjà été « testés », utilisés par les gestionnaires, et pour certains améliorés sur le plan technique au fil des mois.

Compte tenu néanmoins des avantages comparatifs du Minéfi, la première version des projets annuels de performances reste quelque peu décevante. Le guide méthodologique pour l'application de la LOLF a visiblement été négligé.

1. Le choix d'un bon indicateur

Aux termes du guide méthodologique pour l'application de la LOLF, un bon indicateur doit être « pertinent pour apprécier les résultats obtenus, utile, solde, vérifiable » . Il doit être évidemment cohérent avec l'objectif, que celui vise l'efficacité socio-économique, la qualité de service ou l'efficience de la gestion.

Le guide conseille de ne pas retenir les indicateurs « en valeur absolue » 23 ( * ) comme, par exemple, le nombre de déclarations de revenus par internet. Cet indicateur figure pourtant dans le projet annuel de performance du programme « gestion fiscale et financière de l'Etat et du secteur public local » de la mission « gestion et contrôle des finances publiques »...

Pour garantir l'utilité des indicateurs, ceux-ci doivent pouvoir être disponibles à intervalles réguliers, immédiatement compréhensibles et exploitables par les administrations concernées .

Enfin, l'indicateur doit évidemment être indépendant des aléas extérieurs. De ce point de vue, le taux d'intervention sur les recettes, qui figure dans le projet annuel de performance du programme « gestion fiscale et financière de l'Etat et du secteur public local » de la mission « gestion et contrôle des finances publiques », dépend évidemment de la structure d'imposition, de la complexité de l'impôt, de l'évolution « spontanée » des recettes également, toutes choses qui ne dépendent pas directement des administrations fiscales. Si le taux d'intervention constitue une information utile au Parlement, il ne peut être utilisé comme indicateur pour rendre compte de la gestion des administrations fiscales, sauf précision méthodologique approfondie.

2. La nécessité d'harmoniser les indicateurs

Le projet annuel de performance du programme « gestion fiscale et financière de l'Etat et du secteur public local » de la mission « gestion et contrôle des finances publiques » laisse cohabiter au sein d'un même objectif des indicateurs liés à la direction générale des impôts et d'autres concernant la DGCP.

Il n'est dès lors pas possible, pour l'indicateur « réalisation de gains de productivité » de laisser cohabiter deux tableaux de bord bâtis selon des méthodologies différents et pour lesquels la comparaison est dès lors impossible. Etait-ce là l'objectif ?

A contrario, la définition d'un indice synthétique commun à la DGI et à la DGCP relatif au niveau de mise en oeuvre des engagements « pour vous faciliter l'impôt » constitue un axe de travail très pertinent.

3. Des éléments à préciser en ce qui concerne « les indicateurs de satisfaction »

Au sein du programme « stratégie économique et financière » de la mission « stratégie économique et pilotage des finances publiques » figure un indicateur « taux de satisfaction des membres des commission des finances, de l'économie générale et du plan des deux assemblées parlementaires ». De même, le programme « soutien des politiques économique, financière et industrielle » au sein de la mission « gestion et contrôle des finances publiques » fait figurer un indicateur relatif au taux de satisfaction des commanditaires des missions d'inspection ou un autre intitulé « mesure de la satisfaction des structures clientes notamment sur les délais de traitement des consultations juridiques ».

Dans le principe, ces indicateurs sont très pertinents. Il reste néanmoins à définir avec davantage de précision ce que doit recouvrir le taux de satisfaction pour pouvoir émettre un jugement avisé sur l'activité des services concernés.

4. Les insuffisances

Sur beaucoup d'indicateurs, votre rapporteur spécial émet des craintes liées aux délais qui seront nécessaires pour présenter les premières données chiffrées . Ainsi, les premières données seront pour beaucoup jointes au projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2007. Elles seront sans doute encore partielles à ce stade

Dans certains cas, les indicateurs ont visiblement été conçus avec rapidité, sans imagination. Il en est ainsi de l'indicateur « respect des étapes de la mise en oeuvre de la LOLF » qui n'est peut être pas un élément suffisamment ambitieux pour juger des performances de la direction de la réforme budgétaire. De même, certains indicateurs sont par trop quantitatifs, sans prise en compte de la qualité de la gestion . Il en est ainsi de l'indicateur « nombre de télé procédures ».

Votre rapporteur spécial préfère ainsi des indicateurs synthétiques comme « au téléphone, une réponse précise à chacun des appels », certes plus ambitieux dans sa construction, mais qui permet de mieux rendre compte des efforts de performances des agents. Les gestionnaires du Minéfi n'ont-ils pas, dans leurs documents internes, voulu rebaptiser Bercy en « ministère de la performance » ?

* 23 Hors champ des services financiers, mais au sein de la mission « stratégie économique et pilotage des finances publiques » figurent aussi des indicateurs comme « nombre de directives dont la date limite de transposition a été dépassée en cours d'année » ou nombre de directives restant à transposer et dont la date de transposition est dépassée » sur lesquels le SGCI n'a, par ailleurs, pas une complète maîtrise.