M. Maurice BLIN

I. UNE ÉVOLUTION FAVORABLE DU BUDGET CIVIL DE LA RECHERCHE ET DU DÉVELOPPEMENT

A. ÉVOLUTION GLOBALE

1. Un agrégat imparfait

Le budget civil de recherche et de développement (BCRD) regroupe les contributions au financement de la recherche civile des différents ministères concernés.

C'est le ministère délégué à la recherche et aux nouvelles technologies qui en négocie le montant et la répartition (en concertation avec les plus gros contributeurs).

Pour cette raison et parce que le BCRD donne un aperçu de l'effort public global de recherche, votre rapporteur spécial a coutume d'en suivre l'évolution, bien que sa tâche stricto sensu se limite à l'examen des seuls crédits du fascicule III (Recherche et nouvelles technologies) du budget du ministère de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.

Le BRCD n'est qu'un agrégat budgétaire. Il ne comptabilise donc que les dépenses civiles de l'Etat, à l'exclusion des incitations au financement de la recherche par les particuliers ou les entreprises privées sous forme d' avantages fiscaux (dons à des fondations, crédit d'impôt...).

En outre, la récapitulation à laquelle il procède ainsi est incomplète 1 ( * ) et est affectée fréquemment (cette année encore) par des changements de périmètres budgétaires qui compliquent le suivi de son évolution.

2. Une priorité pour 2005

A structure courante, le BCRD atteint 9,3 milliards d'euros et augmente de 4 % (+ 356 millions d'euros) par rapport à 2004.

A structure constante (en neutralisant les effets d'une augmentation nette de périmètre qui introduit, en 2005, dans l'agrégat, des dépenses qui n'y étaient pas comptabilisées en 2004), l'augmentation est de 3,8 % 2 ( * ) .

Cette progression, supérieure à celles attendues du PIB (+ 2,5 %) et de l'ensemble des dépenses civiles de l'Etat (+ 1,6 %) fait de la recherche une vraie priorité budgétaire pour le prochain exercice.

C'est l'évolution la plus favorable constatée depuis dix ans (pour le total des dépenses ordinaires et des crédits de paiement).

B. PRÉSENTATION DÉTAILLÉE

1. L'évolution des contributions des différents ministères

Les dotations consacrées au BRCD par les différents ministères figurent dans le tableau ci-après :

Hors section recherche (c'est-à-dire en dehors du budget du ministère délégué, examiné plus loin), on observe :

- la forte progression, en valeur absolue (+ 56 millions d'euros) comme en pourcentage (+ 10,9 %) des moyens de l'enseignement supérieur avec : 1.000 créations d'emplois (dont 700 de professeurs et maîtres de conférences) ; 23 millions d'euros de dépenses de fonctionnement supplémentaires ; 17 millions d'euros (financement d'équipes et de projet) au profit d'établissements prestigieux situés à Paris et en Alsace-Lorraine ;

- la majoration des crédits de paiement gérés par l'ANVAR (+ 19 millions d'euros, soit + 12,5 %), illustrée par l'augmentation de 14,5 millions d'euros du fonds de compétitivité des entreprises (FCE) ;

- la diminution globale des dépenses relatives aux programmes aéronautiques civils s'explique par l'achèvement de la phase de développement de plusieurs modèles d'Airbus (sauf l'A380 dont les crédits augmentent) ainsi que par l'état d'avancement d'autres projets (Falcon, équipements et moteurs).

Les autres variations sont de moindre portée en valeur absolue, même si elles peuvent être fortes en pourcentage, comme celles de la dotation du Commissariat au Plan, dont la réduction (- 38 %) traduit simplement sa sortie du périmètre du BCRD, dans la perspective des modifications prévues par la LOLF (loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances). Il s'agit, sinon, le plus souvent, d'ajustement des crédits de paiement aux autorisations de programme.

2. La ventilation thématique des dépenses

Les estimations pour 2005 n'étant pas encore disponibles, la répartition thématique du BCRD en 2004 et son évolution par rapport à 2003 (en DO + AP) sont indiquées ci-après :

Selon les pourcentages de progression des dépenses, en 2003 et 2004, l'ordre des priorités apparaît le suivant :

On constate, d'une année sur l'autre, une évolution quelque peu cahotante des moyens respectivement accordés à ces différentes finalités au sein du BCRD.

Ainsi :

- les crédits consacrés aux STIC , ont baissé, en 2004, de 5,6 % après une forte augmentation en 2003 (+ 15,5 %) ;

- il en va de même pour les mathématiques, la physique et la chimie : - 13,85 % en 2004, comme suite à un accroissement de près de 10 % (+ 9,9 %) l'année précédente ;

- la recherche en faveur du développement des pays les moins avancés subit le même sort (+ 12,4 % en 2003, mais - 9,6 % en 2004).

A l'inverse, de négatives, certaines évolutions sont devenues positives, comme cela a été le cas pour :

- les sciences du vivant (- 2,9 % en 2003, + 4,1 % en 2004) que leur caractère prioritaire devrait pourtant protéger de ces vicissitudes ;

- l' environnement (-1,3 %, puis + 9,7 %).

Ces ajustements « en accordéon » ne donnent pas l'impression d'une grande cohérence et ne paraissant pas procéder de la mise en oeuvre d'une véritable stratégie de moyen et long termes.

Toutefois :

- on a assisté en 2004, comme en 2003, à une continuation d'un effort particulier dans le domaine de l'énergie, et, dans une moindre mesure, en faveur de l'espace, tandis que se poursuivait l'érosion des crédits consacrés à l'aéronautique, ainsi qu'aux matériaux et procédés ;

- d'autre part, ces fluctuations de court terme ne remettent pas fondamentalement en cause les grandes tendances de long terme comme le maintien d'un effort important de recherche consacré à l'espace et à la défense (16 %), la primauté accordée aux sciences du vivant (25 %) et la part prise par les STIC (10 %).

II. UNE ANNÉE FASTE POUR LE BUDGET DU MINISTÈRE DE LA RECHERCHE

La progression du budget du ministère de la recherche de 4,7 %est l'une des plus fortes parmi celles de tous les départements ministériels. Le total des dépenses, en 2005, dépassera 6,5 milliards d'euros.

A. DES PONDÉRATIONS INCHANGÉES

1. Le premier poste de dépenses du BCRD

Le budget du ministère de la recherche continue de représenter environ 70 % du BCRD.

Il en constitue donc la dotation la plus importante, devant celles du ministère de l'industrie (1,04 milliard d'euros) et de l'enseignement supérieur (554,6 millions d'euros).

2. Une structure de financement à la fois morcelée et concentrée

a) La prépondérance des aides aux organismes

Le budget de la recherche est constitué de deux agrégats de poids très inégal :

- le premier, qui correspond aux subventions versées aux organismes, représente 90 % du total des dépenses ;

- les actions d'incitation et les interventions menées par le ministère au moyen des crédits des fonds pour la science, d'une part, et pour la recherche technologique, d'autre part, bénéficient donc d'une part très minoritaire de l'ensemble des crédits.

b) De nombreuses parties prenantes

Au total, plus d'une vingtaine d'organismes (voir plus loin), aux statuts divers (établissements publics à caractère scientifique et technologiques ou à caractère industriel et commercial, fondations, groupements d'intérêt public) se voient consacrer, en propre, une ligne budgétaire par le « bleu » de la recherche.

Enfin, beaucoup d'autre structures, non préalablement identifiées dans ce fascicule, reçoivent, en cours d'exercice, des subsides de la part des deux fonds d'intervention susvisés, pour la science et pour la technologie.

c) Le poids de certaines dotations

Comme les années précédentes, il apparaît que cinq très grands établissements mobilisent près de 80 % des ressources du budget de la recherche.

Le poids des principaux organismes

Organismes (1)

M€ 2005

% du budget de la recherche

CNRS

2.285,5

34,9 %

CNES

1.201,4

18,4 %

INRA

589,06

9 %

CEA

475,60

7,3 %

INSERM

475,20

7,2 %

TOTAL

5.026,76

76,9 %

(1) Les sigles sont développés dans le tableau suivant

A eux seuls, le CNRS et le CNES consomment plus de la moitié des crédits du ministère.

B. LA SORTIE D'UNE PÉRIODE DIFFICILE

1. Une maîtrise insuffisante des dépenses

Les dépenses totales des EPST ont connu une forte progression sur la période 2000-2002, notamment au titre du soutien à l'activité des laboratoires.

Le rythme des mandatements ne suivait pas celui des engagements.

Il en est résulté uns sous-consommation par les unités de recherche des autorisations de programme qui leur étaient notifiées.

En 2001, le montant des reports était très important (675 millions d'euros) et celui des fonds de roulement excessif (816 millions d'euros).

2. Une réaction ferme de la tutelle

Face à cette situation et dans un contexte budgétaire délicat, l'Etat a décidé de contraindre les EPST à mobiliser leurs réserves, gelant, en 2002, le versement des subventions des troisième et quatrième trimestres et procédant à des annulations de crédits la même année, puis en 2003.

L'objectif poursuivi était d'ajuster à leurs dépenses réelles, plutôt qu'à leurs demandes, les moyens budgétaires accordés aux laboratoires, en contrôlant les dépenses au niveau de leur paiement et non pas de leur autorisation d'engagement.

3. Des effets retardés

Mais l'effet de ces mesures n'a pas été ressenti, dans un premier temps, par les unités de base de recherche, les EPST couvrant les autorisations de programme engagées ainsi que la progression de leurs autres dépenses par des prélèvements sur leurs fonds de roulement.

La loi de finances initiale pour 2004 a augmenté, par rapport à 2003, les crédits de paiement (CP) accordés aux établissements les plus en difficulté (CNRS, INRA, INSERM), mais insuffisamment pour combler le décalage important qui existait par rapport aux autorisations de programme (AP).

Aussi ces derniers, confrontés au risque d'une crise majeure de trésorerie, ont préféré geler par précaution, de leur propre initiative, la partie de leurs AP qui n'était pas couverte par des CP disponibles.

Ainsi, dans le cas du CNRS et de l'INRA, les unités de recherche ont reçu de leurs établissements en 2004, des notifications d'engagement sur la subvention d'Etat dont le niveau était inférieur à celui ouvert en 2002 (qui se trouvait à peine dépassé en ce qui concerne l'INSERM et l'INRIA).

4. La colère des chercheurs

Or, comme l'ont noté les auteurs d'une mission d'expertise, commune aux inspections générales des finances et du ministère de l'éducation nationale et de la recherche, les chercheurs sont très sensibles à la variation de cette dotation qui assure le fonctionnement quotidien des laboratoires.

Cette évolution, ainsi que la transformation prévue par la loi de finances pour 2004 de 550 postes de titulaires en emplois de contractuels, ont déclenché le mouvement de protestation des chercheurs qui a marqué l'année qui s'achève.

5. Les gestes d'apaisement du gouvernement

Dès la fin de 2003, le gouvernement s'était engagé à verser en 2004 les reports de crédits gelés depuis la fin 2002 (soit 230 millions d'euros).

Ces arriérés de subventions ont, en effet, été intégralement versés dès le premier trimestre 2004. 159 millions d'euros de crédits de paiement restent en revanche gelés sur la dotation 2003.

Conformément aux engagements du Premier ministre, le budget du ministère de la recherche n'a pas subi, en 2004, de mesures de régulation.

Ses dépenses étaient, au demeurant, en augmentation, par rapport à leur niveau réel de 2003.

Enfin, le gouvernement s'est engagé à rétablir, par la loi de finances rectificative de la fin 2004, les 550 emplois titulaires transformés en postes de contractuels (cette mesure étant consolidée, en année pleine, par le présent projet de loi de finances pour 2005).

C. UNE AUGMENTATION DE MOYENS TRÈS APPRÉCIABLE

1. Une progression qui semble profiter surtout aux EPST

La lecture du tableau ci-après conduit aux constatations suivantes : pour la première fois depuis plusieurs années, les crédits consacrés aux interventions directes du ministère sont en diminution (- 0,1 %).

Ces dépenses étaient, au contraire, depuis longtemps, en constante augmentation (bien qu'elles ne dépassent, toujours pas, environ 10 % du total du budget du ministère), en raison du développement d'actions ministérielles, indépendantes des organismes, en faveur, notamment :

• du financement de projets dans des disciplines prioritaires ;

• d'aides aux jeunes chercheurs et à la création d'entreprises ;

• de la formation à et par la recherche.

Cependant, ce secteur budgétaire est en pleine restructuration, en prévision de la mise en application de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) ce qui rend difficile les comparaisons entre 2004 et 2005.

En ce qui concerne les organismes de recherche (90 % de ce budget), les EPST (établissements publics à caractère scientifique et technologique) semblent, globalement, plus favorablement traités que les EPIC (établissements à caractère industriel et commercial), le total de leurs crédits augmentant de 7,5 % au lieu de + 1,1%.

Toutefois, cette différence s'explique surtout par l'impact, sur l'ensemble des dépenses des EPIC, de la diminution de la dotation du CNES 3 ( * ) , faible en pourcentage (- 1,8 %), mais non négligeable en valeur absolue (- 22 millions d'euros).

A l'inverse, la progression des moyens des autres institutions de recherche semble, globalement, satisfaisante (+ 7,7 %) sous l'effet de la majoration des crédits de l'Institut Pasteur de Paris (+ 3 millions d'euros) et de l'ANRS (+ 2 millions d'euros) ainsi que de l'ajout des dépenses des centres de recherches en mathématiques (1,80 million d'euros), alors que la plupart des autres institutions connaissent une stagnation de leurs moyens.

2. Des changements de nomenclature

a) Les modifications de périmètre

La sortie du BCRD des crédits du Comité national d'éthique entraîne la suppression de la ligne correspondante au sein du budget de la recherche (article 30 du chapitre 66-50).

b) Les interventions du ministère

En préfiguration de la mise en oeuvre de la LOLF, plusieurs dotations sont regroupées en un nouveau chapitre expérimental 59-01, dénommé « Orientation et pilotage de la recherche ».

Ne subsiste de l'ancien chapitre 66-05, qui comprenait les crédits du Fonds national de la science, que les dotations des génopoles (article 60) et du consortium national de recherche en génomique (article 50).

La nouvelle Agence nationale pour la recherche (ANR), qui sera pourvue de 350 millions d'euros, grâce au produit des privatisations, devrait prendre le relais des FNS et FRT. Cependant, les engagements pris, jusqu'à fin 2004, par les deux fonds, seront couverts par des crédits inscrits au budget de la recherche de 2005.

c) Les autres nouveautés

Deux nouvelles lignes budgétaires apparaissent par ailleurs, en 2005, qui financent les subventions versées :

- à des centres de recherche en mathématiques 4 ( * ) ;

- au centre d'étude du polymorphisme humain (fondation Jean Dausset).

3. Les principales évolutions

a) Les mesures générales

On note un réajustement, dans l'ensemble, du niveau des crédits de paiement (CP) des organismes, dont le montant était souvent -comme on l'a vu- devenu très décalé par rapport à celui des autorisations de programme (AP) correspondantes.

Cette évolution bénéficie surtout aux établissements les plus en difficulté, à savoir le CNRS, l'INRA, l'INSERM et l'INRIA, pour les EPST, et l'ADEME, pour les EPIC ;

La progression des moyens de fonctionnement et d'investissement des laboratoires constitue l'une des principales priorités de ce budget avec le renforcement de l'emploi scientifique.

De ce dernier point de vue, le projet de budget de la recherche pour 2005 est marqué par :

- la consolidation des 550 emplois, transformés, en 2004, en postes de contractuels, avant d'être rétablis comme postes de titulaires, ainsi répartis :

- un taux de renouvellement des effectifs de 4 %, qui permettra le maintien, en 2005, du nombre de chercheurs statutaires dans les EPST ;

- la création de 200 postes d'accueil de haut niveau afin d'attirer des chercheurs étrangers vers les institutions de recherche françaises ;

- enfin, 259 transformations d'emplois destinées à améliorer le déroulement des carrières et à adapter la structure des effectifs à l'évolution des besoins des organismes.

Par ailleurs, des mesures spécifiques sont prévues en faveur des jeunes chercheurs :

- 4.000 nouvelles allocations de recherche seront attribuées à la rentrée universitaire de 2005 ;

- le nombre 5 ( * ) de conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) augmente de 40 ;

- l'accueil de post-doctorants dans les organismes de recherche fait l'objet - comme il se doit - d'une particulière attention (600 contrats ont été créés à cet effet en 2003 et 2004 ; le programme « Initiative post-docs » permet, de son côté, des recrutements statutaires ; 5.000 euros doivent être distribués aux 100 meilleurs candidats au retour en France ; enfin, 2 millions d'euros seront consacrés, en 2005, à la résorption des libéralités 6 ( * ) ).

b) Les mesures ponctuelles

Plus ponctuellement, on observe :

- l'achèvement de la construction de certains grands équipements comme le synchrotron SOLEIL (+ 25 millions d'euros) ;

- la poursuite du renouvellement de la flotte océanographique de l'IFREMER ;

- la mise en service, en ce qui concerne l'IPEV, de la station polaire franco-italienne « Concordia » ;

- l'accompagnement des interventions confiées à l'ADEME 7 ( * ) par le « plan Climat » qui, en même temps que le réajustement de ses crédits de paiement à ses autorisations de programme, explique la forte augmentation de sa dotation au sein du budget de la recherche.

c) Les priorités thématiques

Sur le plan thématique, 2005 verra :

- dans le domaine des sciences de la vie , la mise en place de l'Institut national du cancer et la poursuite de la structuration des canceropoles, ainsi que le lancement ou la continuation de programmes sur les maladies neurologiques et mentales, les maladies rares, certaines maladies infectieuses, la génomique végétale, animale et microbienne, en liaison avec le Plan national « santé-environnement » et le soutien gouvernemental au secteur des biotechnologies ;

- en ce qui concerne l' énergie et le développement durable , seront privilégiés les travaux sur l'hydrogène et la pile à combustible, la séquestration du carbone et la mise en oeuvre du « Plan véhicule propre et économe ».

D. LES GRANDES RÉFORMES EN CHANTIER

1. La LOLF

a) Une mission interministérielle

La recherche se voit regroupée, avec l'enseignement supérieur, au sein d'une mission interministérielle qui comprend 13 programmes, dont 4 sont dirigés par le ministère de la rue Descartes.

Il s'agit des programmes :

- « orientation et pilotage de la recherche » (dont les moyens ont été rassemblés, à titre expérimental, dans le nouveau chapitre 59-01 précité) ;

- « recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » ;

- « recherches dans le domaine de la gestion des milieux et des ressources » ;

- « recherche spatiale ».

Par sa partie « enseignement supérieur », la mission interministérielle ne concerne pas exclusivement des activités de recherche, comme en témoigne l'existence d'un programme « vie étudiante » ou d'une action consacrée à la formation initiale (qui n'est pas véritablement une formation à la recherche) dispensée au cours du premier cycle des études universitaires.

b) De nombreuses actions

La déclinaison des programmes en action révèle une répartition thématique du programme « recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », presque identique à celles de la recherche universitaire, au sein du programme commun à celle-ci et aux formations supérieures, avec l'individualisation des domaines suivants :

- sciences de la vie, biotechnologies et santé ;

- mathématiques, sciences et techniques de l'information et de la communication (STIC) ;

- physique nucléaire et hautes énergies ;

- sciences de la terre, de l'univers et de l'environnement ;

- sciences de l'homme et de la société.

Les principales différences tiennent à l'évocation, pour « satisfaire » le CEA, des biotechnologies et de la santé, aux côtés des sciences de la vie et à celle des micro et nanotechnologies, avec les mathématiques et les STIC, dans le programme du ministère de la recherche qui comprend, par ailleurs, une action spécifique en faveur des « très grandes infrastructures de recherche ».

Il n'y a pas, en dehors de l'espace, d'actions entièrement consacrées à la recherche technologique parmi les programmes du ministère de la recherche, sans doute pour ne pas dissocier, de façon stérile, recherche fondamentale et appliquée (en effet, la première est toujours susceptible d'être valorisée et la recherche technologique doit s'appuyer sur une recherche en amont de premier plan).

En revanche, une action « nouvelles technologies de l'énergie » figure, à la demande du CEA, au sein du programme « recherche dans le domaine de l'énergie », mais ce dernier sera géré par le ministère de l'industrie, responsable, par ailleurs, de la recherche industrielle (qui comprend des actions concernant les technologies de base et leur diffusion ainsi que les recherches stratégiques).

Le problème de la convergence entre la réforme du budget de l'Etat par la LOLF, et la mise en place d'un nouveau cadre budgétaire et comptable des EPST, est essentiel , notamment pour la mise au point d'indicateurs de performance.

2. Les autres nouvelles initiatives

a) La création de l'ANR

Sans attendre la future loi de programmation pour la recherche, l'Agence nationale pour la recherche (ANR), qui prendre la forme juridique d'un GIP (groupement d'intérêt public) devrait être opérationnelle dès le 1 er janvier 2005.

Ce sera une structure légère, gérée par une administration de mission, associant à ses décisions les différents acteurs, publics et privés, de la recherche, fonctionnant comme une agence de moyens.

Son rôle sera de soutenir, en fonction des priorités scientifiques et technologiques définies par le gouvernement, les activités de recherche fondamentales et appliquées, l'innovation, et les partenariats public-privé.

Elle devrait prendre, à cet effet, comme indiqué plus haut, le relais du FNS et du FRT, en aidant des projets évalués puis sélectionnés de façon plus rigoureuse et transparente qu'auparavant.

Elle disposerait de 350 millions d'euros prélevés sur le produit des privatisations 8 ( * ) , auxquels pourraient venir s'ajouter des crédits non consommés, de même origine, destinés initialement aux fondations pour la recherche 9 ( * )

b) Les incitations fiscales

A compter de 2004, ont été prises de nombreuses mesures tendant à améliorer les dispositifs existants d'incitation fiscale aux activités de recherche et développement (crédit d'impôt recherche) ou à en instaurer de nouveaux, avec des exonérations en faveur :

- des jeunes entreprises innovantes (JEI) ;

- des projets des entreprises implantées dans des pôles de compétitivité.

Par ailleurs, le champ d'intervention des Fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) se trouve élargi par l'article 21 de la présente loi de finances.

Au subventionnement de structures de recherche, s'ajoutent donc des aides directes, budgétaires ou fiscales, à des projets auxquels participent des entreprises.

L'accroissement de l'effort de recherche de ces dernières, inférieur à celui de leurs concurrentes dans les pays étrangers, et le développement des partenariats public-privé constituent l'une des principales priorités de l'actuel gouvernement.

III. LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR

A. UNE MISE EN oeUVRE IMPARFAITE DE LA LOLF

La structuration en programmes de la mission interministérielle « recherche et enseignement supérieur » constituait un enjeu de pouvoirs pour les ministères concernés et un sujet d'interrogation pour les organismes sous leur tutelle.

Sommairement, le « pré-carré » de chacun a été préservé, le ministère de l'industrie, notamment, « gardant la main » pour ce qui concerne l'énergie et la recherche industrielle.

1. Des sujets d'interrogation

On peut s'interroger, cependant, sur plusieurs points.

- Tout d'abord, comme ne le laisse pas supposer son intitulé, le programme « orientation et pilotage de la recherche » contient des actions (formation à et par la recherche, diffusion de la culture scientifique et technique) qui en font tout autant un programme de sensibilisation à la recherche que de gouvernance de celle-ci.

L'importance de la question de l'emploi des post-doctorants aurait pu justifier qu'une action lui soit consacrée. En tout cas, on peut considérer que les intéressés, déjà diplômés, ne relèvent plus d'une formation « à et par la recherche », contrairement à ce qui a été affiché.

Par ailleurs, les crédits de rémunération des personnels de l'administration (inscrits à la section Enseignement scolaire du budget du grand ministère dirigé par M. François Fillon) ont été exclus « du fait de contraintes techniques 10 ( * ) » du nouveau chapitre 59-01 précité qui est censé regrouper, à titre d'expérimentation de la LOLF, tous les moyens du programme « orientation et pilotage » présentement évoqué.

Cette exception paraît hautement regrettable.

- L'INRA et le CEMAGREF ont déploré, pour leur part, de dépendre du programme « enseignement supérieur et recherches agricoles », placé, en principe, sous l'autorité du ministre chargé de l'agriculture, en même temps que de celui du ministère de la recherche concernant la gestion des milieux et des ressources (et leur biodiversité). « Cette difficulté, bien identifiée par les tutelles, devrait faire l'objet - est-il annoncé à votre rapporteur spécial - d'un traitement ultérieur ».

- Le partage de certaines compétences ne semble pas toujours avoir été, a priori, clairement effectué.

Le programme « formations supérieures et recherche universitaire » comporte ainsi une action « diffusion des savoirs », tandis que le programme « recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » consacre, de son côté, l'une de ses actions à l'« information scientifique et technique », comme le fait le programme « recherche culturelle et culture scientifique », pour les « opérateurs de la culture scientifique et technique ».

Concrètement, de qui dépendront, par exemple, la Cité des sciences ou le Palais de la découverte ? De l'enseignement supérieur, de la recherche ou de la culture ?

- Une certaine perplexité peut également être suscitée par certaines distinctions qui ont été faites à propos du nucléaire (la prévention des risques et la sécurité ne dépendent pas du même programme) ou du spatial (auquel sont dédiés à la fois un programme à part entière et une fraction d'une action concernant la recherche duale dans le domaine aérospatial).

2. Des retards regrettables

- Le lien entre la LOLF et la réforme du cadre budgétaire et comptable des EPST est essentiel , notamment pour l'élaboration des PAP (projets annuels de performance des programmes).

Les importantes modifications en cours 11 ( * ) des systèmes d'information et de gestion de ces établissements sont, à tous points de vue, éminemment nécessaires.

Or, selon les réponses du ministère de la recherche aux questions de votre rapporteur, « il apparaît que, dans tous les cas de figure, la totalité de ces adaptations ne pourra pas être achevée dans le délai nécessaire » (ce qui signifie que les dispositions prévues par un décret de février 2002 12 ( * ) ne seront appliquées qu'en ce qui concerne les budgets de 2006, et non pas, comme prévu, ceux de 2005).

- Sur d'autres points, des retards regrettables de préparation de la mise en oeuvre de la LOLF peuvent aussi être constatés.

Ainsi, est-il annoncé qu'« il va falloir concevoir, développer et faire fonctionner tout un dispositif d'information pour produire les données nécessaires à l'information du Parlement et des conseils d'administration ». Où en est-on ? Apparemment, seulement au stade des réflexions préalables.

On annonce, à ce sujet, la « mise en chantier » prochaine d'un schéma directeur d'évolution du système d'information actuel du ministère qui suppose la mise au point d'un référentiel d'information et de gestion des activités de recherche, partagé avec les établissements.

Les décisions relatives aux modalités de gestion du programme 6 (orientation et pilotage de la recherche) « ne sont - paraît-il - pas arrêtées à ce jour », bien que ses crédits aient été regroupés, comme on l'a vu, sur un seul chapitre.

Le périmètre des BOP (budgets opérationnels de programme) correspondants n'est pas non plus encore tracé, leur nombre ne devrait pas dépasser deux ou trois, et leur dotation devrait être significative.

B. LE LIEN ENTRE MOYENS BUDGÉTAIRES ET RÉFORME

M. Claude Allègre, du temps où il avait la charge de ce secteur, avait déclaré vouloir faire d'une réforme des structures de la recherche un préalable à une augmentation significative de ses moyens.

Notre ancien collègue, René Trégouët, alors rapporteur spécial des crédits concernés, lui avait rétorqué qu'une telle augmentation pouvait constituer le moyen d'enclencher une dynamique de changement.

C'est en quelque sorte la voie choisie aujourd'hui par le gouvernement.

La majoration, constatée, pour 2005, des crédits de la recherche, précède, en effet, la discussion par le Parlement de la loi d'orientation et de programmation annoncée par le Président de la République.

Cette progression peut cependant apparaître aussi comme un rattrapage, en même temps que le moyen de sortir d'une crise provoquée (cf. supra ) par les effets, décalés et exagérément rigoureux, des mesures prises en 2002 pour contraindre les organismes à mobiliser leurs réserves.

En tout état de cause, seule une réforme profonde, mais dont la réussite suppose une certaine progressivité, de la recherche à la française, peut garantir l'efficacité d'une augmentation de ses moyens.

Il ne s'agit pas, cependant, d'accroître purement et simplement les dépenses publiques de recherche, dont le niveau, en France, est déjà en proportion du PIB, l'un des plus élevés du monde, mais d'améliorer leur effet d'entraînement sur l'effort des entreprises qui demeure, lui, très insuffisant.

Le gouvernement l'a compris et utilise, en même temps que l'outil budgétaire, d'autres formes d'incitation, fiscales en particulier, aux partenariats public-privé et au développement de la recherche des entreprises (cf. le crédit d'impôt recherche et les mesures relatives aux fondations, aux jeunes entreprises innovantes, aux pôles de compétitivité...).

C. LES MAUX DE LA RECHERCHE FRANÇAISE ET LEURS REMÈDES

1. Très schématiquement, la recherche « à la française » se caractérise par :

- une moindre implication des entreprises ;

- corrélativement, un financement public plus important (sauf en ce qui concerne les dépenses de recherche civile de l'Allemagne) ;

- la spécificité du CNRS ;

- l'« écrémage » des élites par les grandes écoles ;

- un rôle moins éminent des universités ;

- la « fonctionnarisation » des chercheurs.

2. Les principaux inconvénients de notre système résident dans :

- le foisonnement de ses structures ;

- leur cloisonnement (entre public et privé, entre organismes publics, entre organismes publics et universités) ;

- les pesanteurs bureaucratiques de leur fonctionnement ;

- des insuffisances d'évaluation, qu'il s'agisse des recrutements (surtout pour les universités), des carrières, des équipes, des organismes ou de l'ensemble de la recherche ;

- le manque de mobilité des personnels ;

- l'insuffisance des débouchés offerts, notamment par l'industrie à nos jeunes chercheurs ;

- les rigidités (manque de souplesse et de réactivité) qui découlent du statut de chercheur à vie, ainsi que des cloisonnements et du manque de mobilité précités ;

- une insuffisante valorisation des travaux de nos chercheurs (en terme de dépôts de brevets et de créations d'entreprises).

3. Les pistes de réforme

La prudence impose de procéder de façon progressive et par expérimentation, comme cela a été tenté avec un essai de substitution d'un nouveau contrôle a posteriori au contrôle antérieur a priori des activités de certains EPST.

Quelques universités prestigieuses pourraient aussi de voir doter d'un statut expérimental particulier (leur donnant plus d'autonomie, notamment en matière de recrutement, etc...).

En revanche, d'autres réformes nécessitent encore une réflexion préalable (qui ne devrait cependant pas se prolonger à l'excès) comme :

- la mise en place d'un statut unique enseignement chercheur ;

- une nouvelle politique de l'emploi scientifique (rééquilibrage des effectifs entre titulaires et contractuels, évaluation plus équitable des individus et des équipes, gestion prévisionnelle et redéploiements au profit des disciplines prioritaires, mobilité accrue, accroissement des débouchés offerts aux jeunes docteurs dans le secteur privé...) ;

- des restructurations (par exemple dans le domaine de la recherche biomédicale), entraînant des fusions et des élagages (« si l'on a créé une nouvelle structure - s'interroge l'INSERM dans un document qui présente sa stratégie pour les prochaines années - qu'a-t-on fait disparaître ? ») ;

- une évolution vers :

* une plus grande liberté laissée à la recherche en contrepartie d'un niveau d'exigence de résultats plus élevée ;

* une augmentation des financements sur projets et sur contrats au détriment du subventionnement du fonctionnement des organismes appelés à alléger leurs structures et à se transformer, en tout ou partie, en agences de moyens.

* 1 Sont, par exemple, omis : la contribution française aux programmes cadres de recherche européenne (et ses retours) ; les financements par le produit de taxes affectés.

* 2 Les changements de périmètre en 2005 ont un impact peu significatif hormis l'« entrée » au BCRD de 14,5 millions d'euros, qui correspond, en fait, à un redéploiement au sein du budget de l'industrie , de crédits, hors BCRD, du chapitre 64-92 (action de développement industriel régional en faveur des PMI) au profit du FCE (fonds de compétitivité des entreprises), géré par l'ANVAR. On peut légitimement considérer qu'il s'agit plutôt d'une mesure nouvelle que d'un changement de périmètre. Dans ce cas, on reste à 4 % d'augmentation, à structure constante .

* 3 Hors crédits défense. En incluant ces derniers, la dotation du CNES devrait augmenter, comme promis par le gouvernement, de 1 %.

* 4 Le CEPREMAP (Centre d'études prospectives d'économie mathématique appliquées à la planification), le CIRM (Centre international de recherche en mathématique) et le CIMPA (Centre international de mathématiques pures et appliquées).

* 5 1.200.

* 6 De façon à assurer une couverture sociale complète à de jeunes thésards boursiers qui n'en bénéficient pas.

* 7 L'ADEME est aussi subventionnée par les ministères de l'écologie et de l'industrie.

* 8 Compte d'affectation spéciale de cession de titres, parts et droits de sociétés appartenant à l'Etat.

* 9 Créées par la loi n° 2003-709 du 1 er août 2003, relative au mécénat, aux associations et aux fondations, les fondations de recherche, destinées à encourager le cofinancement public-privé d'activités de recherche par des incitations fiscales (déduction de 60 % des versements dans la limite de 0,5 % du chiffre d'affaires pour les entreprises et de 20 % du revenu imposable pour les particuliers), ne paraissent pas avoir rencontré le succès escompté.

* 10 Selon les termes de la réponse à la question idoine de votre rapporteur spécial.

* 11 Elaboration d'un budget matriciel avec une entrée par destination et l'autre par nature de dépenses, consolidation des moyens apportés par plusieurs tutelles.

* 12 Décret en Conseil d'Etat n° 2002-251 du 22 février 2002 portant modification des dispositions relatives à l'organisation et au fonctionnement des EPST.