M. Henri de RAINCOURT

III. ... MALGRÉ LA PROGRESSSON CONTINUE DES CHARGES DE PENSION

A. UNE RÉFORME DES RETRAITES ENCORE INSENSIBLE POUR LE BUDGET DE L'ETAT

1. La progression du poids des pensions depuis 1990

De 1990 à 2003, le montant des pensions civiles est passé de 18 milliards d'euros à plus de 32,4 milliards d'euros. Cette évolution s'explique par une forte progression des effectifs ainsi que par une augmentation régulière de la pension moyenne.

Le graphe suivant, construit à partir d'une réponse au questionnaire budgétaire, rend compte de cette évolution, en distinguant pensions civiles et militaires.

De 1990 à 2003, en volume, les pensions servies ont ainsi progressé de 80 % lorsque le budget général augmentait de 44 %. Sur la même période, le poids des pensions dans le budget de l'Etat est passé de 9,3 % à 11,6 %, ainsi qu'il ressort du tableau suivant :

Progression du poids des pensions dans le budget général

(en milliards d'euros)

 

Budget général

Pensions

Poids des pensions dans le budget général

1990

193,4

18

9,3 %

2001

266

29,6

11,1 %

2002

277,5

31

11,2 %

2003

278,3

32,4

11,6 %

Source : jaune « Fonction publique » annexé au projet de loi de finances pour 2005

Au sein même des dépenses induite par le fonction publique, le poids des pensions progresse, ainsi que l'exprime le graphe suivant, construit à partir de données figurant dans le jaune « Fonction publique » annexé au projet de loi de finances pour 2005 :

2. Une réforme encore insensible

La progressivité avec laquelle entreront en vigueur les différentes mesures de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites visant à contenir l'augmentation du besoin de financement des régimes de la fonction publique a pour effet de rendre, pour 2004 et 2005 , quasiment insensibles les gains qui en résulteront ( infra ).

En loi de finances initiale pour 2004, le coût des pensions a enregistré une nouvelle progression de 1,4 milliard d'euros, du même ordre que la celle de la dépense constatée en 2002 puis en 2003. Pour 2005, il est prévu une nouvelle augmentation de près de 2 milliards d'euros , qui intègre toutefois une provision de 70 millions d'euros, destinée à mettre en oeuvre la mesure destinée à abaisser l'âge de la retraite pour tenir compte des « carrières longues » prévue à l'article 73 rattaché au budget des charges communes, ainsi que les effets de l'indexation sur les prix.

A moyen terme, d'après les informations apportées à votre rapporteur spécial, le montant des pensions civiles et militaires de retraite progresse à un rythme annuel de 5 % à 5,5 % par an , se décomposant ainsi :

- 1,5 % à 2 % de revalorisation ;

- 3,5 % d'effet volume lié au nombre croissant des pensionnés ;

- 0,1 % à 0,3 % supplémentaire pour les effets divers, tels que les carrières longues.

B. UNE MISE EN PERSPECTIVE ÉLOQUENTE À L'HORIZON 2020

1. L'impossible statu quo

Le tableau suivant permet d'apprécier l'évolution attendue des charges de fonction publique, en 2010 et en 2020, en fonction de la politique de recrutement qui sera adoptée. Il tient compte de l'impact de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites.

Evolution des charges annuelle de la fonction publique

(en milliards d'euros)

Scenarii d'évolution des effectifs

Effectifs (en millions)

Masse salariale

Pensions

2004

2010

2020

2004

2010

2020

2004

2010

2020

Selon le rythme moyen des agents civils de 1997 à 2002

2,1

2,2

2,3

65,2

67,0

70,2

33,9

42,0

52,6

Maintien au niveau actuel

2,1

2,1

2,1

65,2

65,2

65,2

33,9

42,0

52,6

Remplacement d'un départ à la retraite sur deux

2,1

1,9

1,5

65,2

58,9

49,8

33,9

42,0

52,6

Non remplacement des départs en retraite

2,1

1,7

0,9

65,2

53,2

37,9

33,9

42,0

52,6

Source : réponse au questionnaire budgétaire

En l'absence de réforme des retraites, la progression des pensions serait à majorer de 2 milliards d'euros pour 2010, et de près de 10 milliards d'euros à l'horizon 2020.

2. L'imbrication des problématiques

En premier lieu, une réflexion s'impose, qui procède d'une vision à long terme dont il revient tout naturellement au Sénat d'être le promoteur : les emplois de demain sont les pensions d'après-demain . Or, les besoins de financement du régime de l'Etat seront encore vraisemblablement colossaux en 2040, malgré la réforme des retraites qui a été engagée (infra).

Ensuite, si l'action doit être concomitante, la réflexion doit être globale.

Ainsi, l' augmentation progressive de l'âge moyen du départ en retraite ne sera pas sans effet sur les possibilités de diminution de l'emploi public , qui dépendent étroitement du nombre de ces départs. Des ajustements seront alors possibles : la proportion de non-remplacement des nouveaux pensionnés devrait être d'autant plus forte que les départs se trouveraient retardés.

Réciproquement, une diminution de nombre des fonctionnaires, qui cotisent pour la retraite, ne serait pas sans incidences sur l'évolution de la contribution d'équilibre versée par l'Etat-employeur.

Par ailleurs, le vieillissement subséquent des fonctionnaires en place (départs plus tardifs, moindres recrutements) est susceptible de constituer une difficulté supplémentaire dans le contexte de la réforme de l'Etat , qui nécessitera une accélération de l'évolution des missions et des emplois.

Toutefois, un changement des mentalités est attendu de l'ensemble des mesures prises par le gouvernement en faveur de l'activité des plus de 50 ans. Elle devrait être accompagnée, dans la fonction publique, par une évolution de la gestion du personnel propre à susciter de nouvelles attentes en terme d'emplois et de carrière de la part des fonctionnaires les plus âgés.

Enfin, les horizons ne sont pas exactement les mêmes : les mesures qui pourront être prises en terme d'effectifs et celles concernant les pensions n'auront pas le même impact 25 ( * ) au même moment. Les décisions touchant aux recrutements peuvent apporter un bénéfice moins différé que celui à attendre des mesures concernant les pensions, qui se caractérisent par une application très progressive (infra) .

* 25 Tout dépend du volontarisme comparé des mesures prises en matière d'emploi et de retraite.