M. Henri de RAINCOURT

CHAPITRE TROIS

LES VOIES D'UNE NÉCESSAIRE INFLEXION DE LA CHARGE DES RÉMUNÉRATIONS D'ACTIVITÉ

I. POURQUOI LA DIMINUTION DU NOMBRE DES FONCTIONNAIRES CONSTITUE UNE PRIORITÉ BUDGÉTAIRE

A. SEULE UNE BAISSE DES EFFECTIFS PEUT INFLÉCHIR L'AUGMENTATION DE LA DÉPENSE DE FONCTION PUBLIQUE

1. La montée en charge du coût des pensions est inexorable

La réforme des retraites n'a pas eu d'autre ambition que de freiner la progression du coût des pensions (infra) . Ainsi, pour tenter de contenir la part des crédits de la fonction publique dans le budget de l'Etat, il faut nécessairement diminuer la charge des rémunérations.

2. L'évolution des rémunérations individuelles obéit à des règles de progression dont il paraît difficile de s'abstraire

a) Les facteurs d'évolution des rémunérations

La rémunération moyenne des personnes en place (RMPP) de la fonction publique augmente sous l'impact de trois facteurs :

• les mesures générales , qui recouvrent essentiellement les revalorisations successives de la valeur du point de la fonction publique (les grilles de rémunération de la fonction publique sont exprimées en nombre de points) ; ces revalorisations sont souvent mises en perspective avec l'évolution du coût de la vie, car il n'existe plus de mécanismes d'indexation (leur effet avait été jugé inflationniste) ;

Les négociations salariales dans la fonction publique : un vaste champ d'application

Au-delà des 2,53 millions d'agents civils et militaires l'Etat et de ses établissements publics, il faut en effet comptabiliser dans l'emploi public :

- les 390.000 agents de la Poste et de France Telecom ;

- le 1,460 million d'agents de la fonction publique territoriale ;

- les 843.000 agents de la fonction publique hospitalière (hors médecins) ;

- ainsi que 152.000 enseignants des établissements privés sous contrat.

Au total, on recense donc 5,4 millions d'agents publics 26 ( * ) , soit plus d'un actif sur cinq . La totalité de cette population est concernée par la négociation salariale dans la fonction publique, dont les effets excèdent donc largement le périmètre du budget de l'Etat.

Source : DGAFP, Insee, exploitation des fichiers de paie, la Poste (chiffres donnés pour fin 2002)

• les mesures catégorielles , qui sont ciblées sur certains groupes d'agents ;

• le glissement-vieillesse-technicité (GVT) , dit encore « GVT positif », qui résulte de l'effet de carrière, c'est-à-dire de la progression sur les grilles de rémunération, évalué à 2 % par an .

Il résulte de la combinaison de ces facteurs que l'augmentation de la rémunération des fonctionnaires est toujours largement supérieure à celle de l'inflation.

Le tableau suivant, qui retrace l'évolution de la rémunération moyenne des personnes en place (RMPP) , permet d'en rendre compte :

Evolution de la RMPP de la fonction publique de l'Etat

(En %)

Mesures salariales en moyenne

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004 27 ( * )

Progression de la rémunération moyenne des personnes en place (RMPP)

5,9

4,1

5,4

4,2

3,1

4,0

3,8

3,9

3,6

4,0

4,0

3,0

Hausse de l'indice des prix à la consommation en moyenne annuelle (hors tabac)

1,8

1,4

1,7

1,9

1,1

0,6

0,5

1,6

1,6

1,8

1,9

1,7

Gain de pouvoir d'achat de la RMPP

4,1

2,7

3,7

2,3

2,0

3,4

3,3

2,3

2,0

2,2

2,1

1,3

Source: jaunes « Fonction publique » annexés au projet de loi de finances pour 2003 et 2005

Ce tableau a permis de dresser le graphique suivant, qui fait apparaître que le gains de pouvoir d'achat de la RMPP est presque toujours supérieur à 2 % par an, malgré une certaine modération salariale observée depuis 2000 :

Il reste que ces gains représentent une moyenne, et que les 10 % d'agents publics n'ayant plus la possibilité d'évoluer grâce à l'ancienneté, connaissent une indéniable dégradation de leur pouvoir d'achat lorsqu'ils ne bénéficient pas non plus de mesures catégorielles ou de la possibilité de percevoir des primes liées au mérite.

Le tableau suivant rend compte d'un certain « décrochage » depuis 2001, qui concerne seulement les situations les plus défavorables :

b) Le problème de la maîtrise de l'évolution des rémunérations

En théorie, seul un « écrasement » des grilles serait susceptible de rendre les carrières moins progressives et de freiner l'évolution de la RMPP.

Cependant, il n'est pas dans la logique de la réforme de l'Etat de « tasser » les carrières, mais plutôt de s'acheminer vers des mécanismes d'incitation financière à la réalisation de gains de productivité ( infra ). De plus, le problème de la désaffection relative pour les concours administratifs incite plutôt à renforcer l'attractivité financière de la fonction publique.

Par ailleurs, sur le plan de l'équité, aucun instrument fiable ne permet aujourd'hui de mesurer l'évolution de la RMPP dans le secteur privé, si bien qu'il est impossible d'établir de façon certaine que les revalorisations ayant cours dans le public ou dans le privé seraient plus favorables.

Toutefois, une étude figurant dans le rapport bisannuel sur les rémunérations et les pensions de retraite de la fonction publique annexé au projet de loi de finances pour 2003 et actualisée dans le même rapport annexé au projet de loi de finances pour 2005 montre que depuis les années quatre-vingt-dix, le salaire moyen par tête (SMPT) a cru nettement plus vite dans le secteur public que dans le secteur privé.

Ainsi, en euros constants, de 1991 à 2002 , les salaires moyens nets de la fonction publique ont augmenté de 11 % , soit une progression annuelle moyenne 0,9 %, tandis que les salaires moyens nets du secteur privé ont augmenté de 5,8 % , soit une progression annuelle moyenne de 0,5 %.

Le tableau suivant, dressé à partir des chiffres communiqués par le jaune précité, permet de rendre compte de ces évolutions différenciées.

Ces séries appellent certains commentaires.

Certes, si elles ne rendent pas directement compte de des évolutions salariales qu'ont connues les personnes en place (RMPP) 28 ( * ) , elles laissent supposer qu'un écart qui atteint 5,2 % sur la période considérée peut, dans une large part, leur être transposé.

Il convient cependant de tenir compte de l' évolution de la structure hiérarchique de la fonction publique de l'Etat , dont la proportion de cadres s'est fortement accrue ces dernières années, les agents de catégorie A représentant, en 2002, 52,9 % des agents titulaires civils de l'Etat, les cadres et les chefs d'entreprise ne représentant que 16,3 % des effectifs du secteur privé. Ainsi, en 2002, la rémunération moyenne nette existant dans la fonction publique , qui s'établit à 2.026 euros, était supérieure de 14 % à celle des salariés du secteur privé , qui ressort à 1.429 euros.

Votre rapporteur spécial se garde ainsi de toute conclusion définitive qui serait formulée en terme d'équité .

Il est à noter que le tableau ci-dessus permet de distinguer nettement deux périodes : jusqu'en 1996, l'évolution du SMPT est plus favorable dans la fonction publique, le secteur privé prenant l'« avantage » à partir de 1997 . Cela montre que le différentiel de progression n'est plus corrélé à la croissance depuis 2001 ; en effet, il était habituellement favorable au secteur privé en période de haute conjoncture, et favorable à la fonction publique en période de basse conjoncture (ce qui a permis de conclure au rôle contra cyclique de l'inertie des rémunérations publiques).

c) La rigueur actuelle

Votre rapporteur spécial réitère son souhait de voir limiter à court terme, dans toute la mesure du possible, la progression de la valeur du point afin d'infléchir l'évolution des charges de rémunération ; les évolutions qui viennent d'être rappelées, même accompagnées des réserves qui précèdent, rendent certainement tolérable la modération salariale qu'impose actuellement un contexte de forte tension budgétaire.

Aussi , il trouve acceptable que la valeur du point n'ait pas été revalorisée depuis janvier 2004, et que le budget pour 2005 n'anticipe pas sur les hausses susceptibles d'être consenties, nonobstant l'inconvénient d'une vraisemblable sous-évaluation des crédits. Pour 2005, cette rigueur devait se trouver tempérée par l'instauration de règles nouvelles en matière de négociation salariale dans la fonction publique, qui auraient imposé, en particulier, des rendez-vous annuels 29 ( * ) .

Par ailleurs, votre rapporteur spécial observe que, dans le même temps, les mesures catégorielles, vecteur privilégié du développement d'une rémunération au mérite, demeurent contenues : leur enveloppe s'élève ainsi à 408 millions d'euros en 2004 et à 440 millions d'euros en 2005, contre 805 millions d'euros pour 2003. Il remarque également que l'instauration d'une part croissante de rémunération au mérite ne peut que se traduire par un transfert de moyens des mesures générales vers les mesures catégorielles .

3. Malgré des efforts indéniables, certains facteurs renforcent encore l'inertie de la dépense

a) Les mesures de résorption de l'emploi précaire

La mise en oeuvre de la loi du 3 janvier 2001 relative à la résorption de l'emploi précaire s'étale sur cinq exercices successifs. Cette loi donne suite au protocole d'accord du 10 juillet 2000 (voir encadré ). En théorie, les emplois étant déjà occupés, l'impact budgétaire se limite 30 ( * ) au coût additionnel lié au changement de régime de retraite.

Pour 2003, le coût des titularisations a été évalué à 1,9 million d'euros. Les recrutements ouverts en 2003 sont les plus importants depuis la parution de la loi, en raison du retard pris pour édicter les règlements d'application : 6.515 emplois ont été ouverts durant les huit premiers mois de l'année, contre 5.098 en 2002 et 2.990 en 2001.

Le plan de résorption de la précarité dans la fonction publique

Au mois de juillet 2000 , le ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat et plusieurs organisations syndicales de fonctionnaires ont conclu un accord, d'une durée de cinq ans , tendant à résorber la précarité dans la fonction publique.

En effet, en dépit d'un accord similaire conclu en 1996 - accord dit « Perben » -, qui arrivait à sa quatrième et dernière année d'application 31 ( * ) , la fonction publique comptait un grand nombre d'emplois précaires, parfois forts anciens.

Le même constat semblait devoir être dressé à l'issue de chaque plan de résorption de la précarité : « les administrations recrutent fréquemment de nouveaux agents non titulaires pour remplacer ceux ayant bénéficié d'une mesure de titularisation » notait ainsi le rapport annuel du ministère portant sur la période mars 1999-mars 2000.

De fait, il subsistait alors de nombreux emplois hors statut général dans les trois fonctions publiques :

- 80.000 personnes en contrat à durée déterminée dans la fonction publique d'Etat ;

- 320.000 dans la fonction publique territoriale ;

- 26.000 dans la fonction publique hospitalière.

Afin d'éviter que la précarité ne se reconstitue, l'accord signé en juillet 2000 concerne l'ensemble des catégories de fonctionnaires, et non pas exclusivement les fonctionnaires de catégorie C, comme le stipulait l'« accord Perben ». Tous les contractuels des trois fonctions publiques qui, au cours des huit dernières années, justifient de trois ans d'activité en équivalent temps plein, ont normalement vocation à être titularisés.

Pour l'avenir, le gouvernement semble décidé à éviter la reconstitution de l'emploi précaire en utilisant mieux les voies de recrutement de fonctionnaires : possibilité de professionnaliser les épreuves, d'organiser des concours sur titres, de développer des concours de type « troisième voie », de déconcentrer des concours, de développer le recours aux listes complémentaires, et d'effectuer certains recrutement sans concours (cf. infra chapitre cinq).

b) Le congé de fin d'activité (CFA)

Instauré en 1997, le CFA permettait aux agents de percevoir un revenu 32 ( * ) de remplacement égal à 75 % de leur traitement indiciaire. Il était ouvert à 58 ans 33 ( * ) , voire à 56 ans 34 ( * ) .

Ce congé s'avérait onéreux car les départs donnaient toujours lieu à remplacements, et le dispositif, qui ne faisait pas donc l'objet d'une gestion ciblée, semblait appelé à monter régulièrement en puissance.

En outre, le CFA s'inscrivait difficilement dans l'orientation européenne 35 ( * ) prise en faveur de l'augmentation des taux d'activité des travailleurs de plus de 55 ans.

La loi de finances pour 2003 a organisé la suppression progressive de ce dispositif.

L'extinction du régime du CFA

Jusqu'en 2002, le CFA était ouvert :

• à partir de 56 ans, aux agents justifiant de 37 années et demie de cotisation et de 25 années de services publics ;

• à partir de 58 ans, aux agents justifiant de 40 ans de cotisation et de 15 années de services publics ;

• sans condition d'âge, aux agents justifiant de 43 ans de cotisation tous régimes confondus, et de 15 années de services publics.

L'article 132 de la loi n° 2002-575 du 30 décembre 2002 portant loi de finances pour 2003 a instauré un mode d'extinction progressif -suivant des modalités proches de celles qui avaient été retenues pour l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE)- dont les caractéristiques sont les suivantes :

- âge minimal d'entrée dans le dispositif remplacé par une référence à la date de naissance ;

- abandon de la référence à une date butoir pour la validité du dispositif.

Ainsi peuvent désormais bénéficier du CFA :

• les agents nés avant le 31 décembre 1944 pouvant faire état de 37 ans et demi de cotisation et de 25 années de services publics effectifs ;

• les agents nés avant le 31 décembre 1946 pouvant faire état de 40 années de cotisation et de 15 années de services publics effectifs ;

• les agents justifiant au 31 décembre 2002 de 43 ans de cotisation tous régimes confondus, et de 15 années de services publics ;

• les agents justifiant au 31 décembre 2002 de 40 années de services publics pris en compte pour la constitution du droit à pension.

Les fonctionnaires se trouvant en position de congé de fin d'activité seront, pour nombre d'entre eux, amenés à demander la liquidation de leur pension après le 1 er janvier 2004, à l'issue du congé. En application de l'article 74 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, les conditions de liquidation des droits à retraite en vigueur lors de l'entrée en congé de fin d'activité de ces fonctionnaires seront prorogées.

Toutefois, en 2003, malgré une diminution sensible du nombre de bénéficiaires du dispositif CFA, la dépense constatée sur les chapitres budgétaires supportant les revenus de remplacement versés au titre du CFA atteint 462 millions d'euros, soit 1 % de plus qu'en 2002.

La montée en puissance du CFA arrêtée en 2003

Année

Dépense totale (en millions d'euros)

Nombre d'entrées dans le dispositif

1997

110,7

11.400

1998

233,9

7.015

1999

274

10.354

2000

334,2

11.444

2001

403,5

12.300

2002

456,8

11.945

2003

462

6.362

Source: ministère de la fonction publique

Au 30 juin 2004, la dépense au titre du CFA s'élevait à 201 millions d'euros, soit 17 % de moins qu'en 2003 à la même date, semblant ainsi enregistrer l'effet de l'extinction progressive du dispositif. Cependant, les chiffres du premier semestre sont d'une interprétation difficile, car les entrées massives d'enseignants en CFA qui ont habituellement cours au troisième trimestre ne sont pas encore retracées. Il est néanmoins attendu une réduction de la dépense de l'ordre de 18 % en 2004, suivi d'une nouvelle réduction de 27 % en 2005.

c) Les 35 heures

Le cadre général de l'instauration des 35 heures a été fixé par le décret du 25 août 2000, qui a disposé d'une mise en place effective au 1 er janvier 2002. La réduction du temps de travail s'est effectuée à effectif quasi-contant, le nombre d'emplois budgétaires créés à ce titre ayant été limité à 4.600 entre 2002 et 2004, représentant un coût de 132 millions d'euros en 2004. Parallèlement, le coût des mesures indemnitaires relatives à la rémunération des astreintes et des heures supplémentaires a pu être estimé à 660 millions d'euros pour 2002.

Evidemment, les améliorations apportées dans les différents services de l'Etat, au titre de la réduction du temps de travail, n'ont pu qu'entamer les réserves de productivité existantes .

Cependant, la réalisation de gains de productivité liée aux progrès actuels de l'administration électronique, a probablement permis d'« absorber » les pertes liées aux « 35 heures ».

En tout état de cause, votre rapporteur pour avis observe que dans un contexte budgétaire difficile, une augmentation du temps de travail dans la fonction publique ne serait ni absurde, ni sans exemple , dans le secteur privé comme à l'étranger. Ainsi, en Allemagne, de nombreux länder ont allongé la durée du travail de leurs fonctionnaires en 2004.

Par ailleurs, il se trouve que les améliorations de l'organisation du travail se sont pas toujours avérées suffisantes, ou ont été impossibles (situations de travail posté), entraînant l'accumulation d'heures de récupérations et de jours de repos à prendre, et suscitant la création du « compte épargne-temps » (CET) .

La mise en place d'un « compte épargne-temps » par le décret du 29 avril 2002 a pour effet de mettre l'Etat dans une position débitrice par rapport à ses agents, position qu'il faudra bien solder en temps, ou en argent 36 ( * ) .

Cela revient à dire qu'une partie des gains de productivité en voie d'être réalisés est déjà gagée , et qu'à terme, le niveau des recrutements ne pourra qu'enregistrer l'impact de cette mesure. Dans la perspective de l'instauration d'une gestion prévisionnelle des effectifs, mais aussi pour l'information légitime du Parlement, une réflexion portant sur l'instauration d'un indicateur consolidé qui exprimerait cette dette de l'Etat envers ses fonctionnaires semblerait opportune.

d) Les emplois jeunes

La baisse du nombre des emplois jeunes joue plutôt dans le sens d'une diminution des effectifs réels . Dans les ministères concernés (éducation nationale, intérieur et justice), ces effectifs, qui avaient culminé à 78.800 en 1990, se sont élevés à 44.500 en 2003, et devraient s'établir à 30.100 en 2004 puis à 23.700 en 2005.

Le gouvernement a eu pour objectif d'accompagner l'extinction progressive de ce dispositif, qui résulte de l'arrivée à leur terme des aides forfaitaires de 5 ans se rapportant aux embauches réalisées à partir de 1998.

L'accompagnement a notamment consisté en la création du nouveau statut d'assistant d'éducation par la loi n° 2003-400 du 30 avril 2003 pour l'éducation nationale, et par l'élaboration d'un nouveau statut d'adjoint de sécurité pour l'intérieur. Toutefois, le nombre de postes ouverts se trouve inférieur au nombre des emplois jeunes en extinction.

B. LE CONTEXTE DÉMOGRAPHIQUE EST FAVORABLE ...

1. Un recrutement visant au simple maintien des effectifs détournerait une part croissante des jeunes diplômés du secteur marchand

Une stabilité des effectifs de l'Etat conduirait à y orienter une part de plus en plus importante des jeunes diplômés de l'enseignement supérieur (en particulier dans les filières où l'Etat recrute de façon significative).

Ainsi, la part de l'Etat passerait de 14 % des jeunes diplômés 37 ( * ) en 2002, à 19 % en 2010.

La part des jeunes diplômés orientés vers l'Etat se stabiliserait au niveau de 2002 si le flux de recrutement était limité à 80 % des départs jusqu'en 2005, puis environ à 70 % de 2006 à 2010.

2. La démographie des fonctionnaires offre une chance historique de diminuer sensiblement les effectifs

Les départs croissants des fonctionnaires qu'explique la structure démographique des effectifs de la fonction publique constituent une opportunité qu'il faut saisir. La proportion de fonctionnaires âgés de plus de cinquante ans dépasse 30 % dans certains ministères, comme l'enseignement supérieur et l'économie, les finances et l'industrie.

Le nombre des sorties définitives des agents de l'Etat augmentera jusqu'en 2008 et se maintiendra ensuite à un niveau historiquement élevé.

L'occasion est ainsi offerte de diminuer sensiblement les effectifs de l'administration sans coût social, et ce dans la plupart des ministères , comme l'établit le tableau suivant :

Prévisions de départs définitifs de titulaires entre 2003 et 2018
par période de deux ans

Ministère

Effectif

réel concerné au 31.12.00

2003 / 2004

2005 / 2006

2007 / 2008

2009 / 2010

2011 / 2012

2013 / 2014

2015 / 2016

2017 / 2018

2003 / 2018

Education nationale (enseignement scolaire)

951.000

68.400

71.500

75.100

71.300

65.000

59.400

55.200

53.100

519.000

Economie finances et industrie

186.900

9.300

11.600

14.600

15.100

15.300

14.800

14.500

13.700

108.900

Intérieur

160.200

11.800

11.600

11.400

10.900

10.300

9.900

9.600

9.000

84.500

Universités

119.500

6.900

7.800

8.900

8.800

8.500

7.900

7.000

6.400

62.200

Equipement, transports

96.500

5.900

6.800

7.800

8.200

8.200

8.000

7.600

6.800

59.300

Justice

62.200

3.200

3.400

3.800

4.100

4.400

4.400

4.400

4.400

32.100

Autres ministères civils

84.800

4.300

4.900

5.800

6.200

6.400

6.500

6.500

6.300

46.900

Ensemble

1.661.100

109.800

117.600

127.400

124.600

118.100

110.900

104.800

99.700

912.900

Source : DGAFP

Cet l'échéancier de départs par ministère civil est d'une « fraîcheur » toute relative, et, d'une façon générale, votre rapporteur spécial déplore que les prévisions de départ n'intègrent toujours pas les effets de la réforme des retraites, dans l'attente des travaux prospectifs du conseil d'orientation des retraites ( infra ) .

La réflexion menée sur la baisse des charges de fonction publique est lacunaire car elle consiste à raisonner sur les effectifs comme si la réforme des retraites n'existait pas, et à raisonner sur l'équilibre du régime des retraites comme si la baisse des effectifs, dont il faut espérer qu'elle aura lieu, était sans incidence sur le montant des cotisations.

A titre exploratoire , la direction du budget a cependant transmis à votre rapporteur une première évaluation de l'impact de la réforme sur les départs , qui englobe les effectifs de La poste et de France Telecom, à partir de laquelle a été construit le graphe suivant :

Il apparaît que les développements qui vont suivre auront prochainement vocation à être actualisés.

C. ... POUR MENER UNE POLITIQUE CALIBRÉE DE NON REMPLACEMENT DES DÉPARTS

1. Les différentes hypothèses de non remplacement

D'une façon générale, la réduction des coûts est proportionnelle au taux de non remplacement , et elle ne devient sensible que dans la durée .

Le nombre de départs annuels évolue comme suit jusqu'en 2015 :

Départs annuels des agents civils et militaires de l'Etat jusqu'en 2015

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

70.984

76.783

80.513

81.263

81.226

80.153

78.676

77.459

75.745

74.475

73.281

Source : Conseil d'orientation des retraites
N.B. : Les flux ont été estimés avant la réforme des retraites et avant prise en compte de l'effet « départ anticipé pour carrière longue ».

Le tableau suivant donne l'évolution des économies théoriques qui résulteraient du non remplacement des départs à la retraite.

Non remplacement des départs

(en millions d'euros)

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Départs remplacés

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

Economie sur l'année

1 794

1 940

2 035

2 054

2 053

2 026

1 988

1 958

1 914

1 882

1 852

Economie cumulée

1 794

3 770

5 880

8 052

10 266

12 497

14 735

16 987

19 241

21 508

23 790

Source : réponse aux questionnaire budgétaires

Les tableaux suivants, construits à partir du précédent, indiquent les économies à attendre du remplacement de 90 %, 75 %, 50 % et du tiers des départs, par rapport à une stabilisation des effectifs :

Remplacement de 90 % des départs

(en millions d'euros)

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Départs remplacés

63 886

69 105

72 462

73 137

73 103

72 138

70 808

69 713

68 171

67 028

65 953

Economie sur l'année

179

194

204

205

205

203

199

196

191

188

185

Economie cumulée

179

377

588

805

1 027

1 250

1 474

1 699

1 924

2 151

2 379

Remplacement de 75 % des départs

(en millions d'euros)

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Départs remplacés

53 238

57 587

60 385

60 947

60 920

60 115

59 007

58 094

56 809

55 856

54 961

Economie sur l'année

449

485

509

514

513

507

497

490

479

471

463

Economie cumulée

449

943

1 470

2 013

2 567

3 124

3 684

4 247

4 810

5 377

5 948

Remplacement de 50 % des départs

(en millions d'euros)

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Départs remplacés

35 492

38 392

40 257

40 632

40 613

40 077

39 338

38 730

37 873

37 238

36 641

Economie sur l'année

897

970

1 018

1 027

1 027

1 013

994

979

957

941

926

Economie cumulée

897

1 885

2 940

4 026

5 133

6 249

7 368

8 494

9 621

10 754

11 895

Remplacement du tiers des départs

(en millions d'euros)

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Départs remplacés

23 661

25 594

26 838

27 088

27 075

26 718

26 225

25 820

25 248

24 825

24 427

Economie sur l'année

1 196

1 293

1 357

1 369

1 369

1 351

1 325

1 305

1 276

1 255

1 235

Economie cumulée

1 196

2 513

3 920

5 368

6 844

8 331

9 823

11 325

12 827

14 339

15 860

2. Les orientations à adopter, en cohérence avec l'évolution du coût des retraites

Les hypothèses précédentes montrent que les économies seraient substantielles si la politique de non remplacement était énergique : en 2010 , elles excèderaient 6 milliards d'euros en cas de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux , et 12 milliards d'euros si aucun départ n'était remplacé.

A titre de comparaison, le gain attendu de la réforme des retraites n'approche 10 milliards d'euros pour le régime de l'Etat qu' en 2020. Pour 2010, ce gain est limité à 1,9 milliard d'euros ( infra ).

Dans un récent rapport intitulé « Le sursaut, vers une nouvelle croissance pour la France » 38 ( * ) , M. Michel Camdessus a calculé que pour contrebalancer, à l'horizon 2020, l'augmentation du besoin de financement des pensions (évalué à 11,2 milliards d'euros compte tenu de la réforme des retraites) par une diminution de la masse salariale, il conviendrait de viser un flux d'embauche limité à 40.000 personnes par an ( sur 77.300 départs en moyenne), ce qui suppose un effort de productivité 39 ( * ) de 2,25 % par an de 2005 à 2015.

Cette politique correspondrait au remplacement d'à peine plus d'un départ sur deux à la retraite. Le rapport précité propose ainsi de fixer une norme générale de non remplacement d'un départ sur trois, afin de disposer d'une souplesse permettant de créer des emplois là où se manifesteront des besoins nouveaux.

Si votre rapporteur spécial adhère à cette démarche, il admettrait que ces « non remplacements » gageant l'augmentation du besoin de financement des pensions ne soient pas « concentrés » sur la période 2005-2015, mais, plus logiquement, étalés sur la période 2005-2020, en visant un objectif, plus réaliste, d'environ 50.000 remplacements par an .

Le problème est que ce niveau de non remplacement , qui correspond à une diminution des effectifs approchant 30.000 personnes par an est loin d'être atteint , avec une baisse pour 2005 ne représentant que le quart de cet effort, et des « stratégies ministérielles de réforme » ( infra ) tendant à ne permettre le redéploiement ou la suppression que de 10.000 emplois à l'horizon 2007.

En tout état de cause, ces premières propositions sont suspendues aux prochains travaux du COR, car elles reposent sur des évaluations de départs en retraite obsolètes. Comme la réforme des retraites retardera les départs, les scénarios de non remplacements s'en trouveront durcis pour des objectifs maintenus en terme de maîtrise de la dépense.

* 26 Par ailleurs, il est à noter qu'environ 5 millions de personnes voient leur pension directement indexée sur la rémunération des fonctionnaires : 2,44 millions de personnes bénéficient d'une pension civile ou militaire de retraite et 620.000 bénéficiaires d'une pension versée par la CNRACL, 1,41 million de  bénéficiaires du régime de retraite complémentaire IRCANTEC ainsi que 484.000 personnes ayant droit à une pension militaire d'invalidité.

* 27 Prévision.

* 28 Dans la fonction publique, l'écart entre l'augmentation de la SMPT et celle de la RMPP s'explique par l'« effet de noria » : les fonctionnaire entrants sont, en moyenne, recrutés à des conditions salariales inférieures à celles des fonctionnaires sortants. Cet effet, également désigné « effet entrée-sortie » ou « GVT négatif », est estimé depuis 2000 à - 2 % sur la masse des crédits de rémunération ; il s'équilibre ainsi avec l'effet de carrière (le GVT stricto sensu ou « GVT positif »), qui est évalué à + 2 %.

* 29 Il doit être rappelé que les dernières négociations salariales s'étaient soldées par un échec, qui remonte à janvier 2001.

* 30 Les statuts particuliers des corps d'accueil comportent tous, à l'exception des corps enseignant et de recherche, une règle dite « du butoir », selon laquelle un agent titularisé ne peut bénéficier d'un traitement supérieur à celui qui était perçu dans son ancienne situation.

* 31 Sur la période 1997-1999, 29.895 agents ont été titularisés dans la fonction publique d'Etat, 8.522 titularisés dans la fonction publique territoriale grâce aux 403 concours réservés, et 3.157 reçus aux concours réservés de la fonction publique hospitalière.

* 32 En 2002, la durée moyenne du congé de fin d'activité était de 2 ans et 3 mois ; c'est seulement à l'issue du CFA que le fonctionnaire est rémunéré en tant que pensionné.

* 33 Avec 37,5 années de cotisation et 25 ans de service public.

* 34 Avec 40 années de cotisation et 15 ans de service public.

* 35 Le Conseil européen a tenu une réunion extraordinaire les 23 et 24 mars 2000 à Lisbonne afin de définir pour l'Union un nouvel objectif stratégique dans le but de renforcer l'emploi, la réforme économique et la cohésion sociale.

* 36 Cette dernière possibilité n'existe, pour l'instant, que dans la fonction publique hospitalière, pour laquelle une enveloppe de 1,042 milliard d'euros a été attribuée à un Fonds pour l'emploi hospitalier (FEH), sur lequel les établissements concernés bénéficient d'un droit de tirage.

* 37 Recrutement à l'issue des concours externes à partir du niveau bac + 2.

* 38 Rapport remis le 9 octobre 2004 à M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

* 39 D'après le rapport précité, l'effort de productivité associé à un non remplacement total ressortirait à 4,14 % par an.