M. Henri TORRE

IV. LA MISE EN PLACE DE L'OCTROI DE MER

A. UN IMPÔT PROTECTEUR

1. L'origine de l'octroi de mer

L'origine de l'octroi de mer remonte au XVII ème siècle. Il relève depuis la loi du 4 août 1984 des conseils régionaux.

La loi n° 92-676 du 17 juillet 1992, applicable au 1 er janvier 1993, a été profondément réformé par la loi n° 2004-639 du 2 juillet 2004. 2005 est donc l'année de la mise en place de la « nouvelle version 9 ( * ) » de l'octroi de mer.

2. Le régime antérieur à la loi du 2 juillet 2004.

L'octroi de mer n'est pas un droit de douane interne par nature au sein de la Communauté européenne, mais un « régime fiscal interne applicable à l'ensemble des produits commercialisés dans les DOM ». Il se compose d'un octroi de mer « externe » qui frappe l'introduction physique de marchandises, et un octroi de mer « interne » sur les livraisons effectuées par des personnes qui accomplissent une activité de production locale.

Les conseils régionaux ont la faculté d'exonérer de l'octroi de mer interne certaines productions, selon les besoins économiques. Ils peuvent également exonérer de l'octroi de mer « externe » certaines matières premières et biens d'équipement afin de ne pas handicaper la production locale.

Le dispositif de l'octroi de mer était étroitement encadré par les normes communautaires. La loi du 17 juillet 1992 reprenait, en grande partie, une décision du Conseil européen du 22 décembre 1989.

3. Une ressource indispensable pour les départements d'outre-mer

L'octroi de mer constitue une ressource essentielle pour les quatre départements d'outre-mer : il constitue la première contribution au budget des communes devant la taxe d'habitation, sauf à la Réunion, avec plus de 528 millions d'euros. L'octroi de mer représente entre autre 13 % et 39 % des recettes fiscales des régions d'outre-mer et entre 8 % et 28 % de leurs recettes de fonctionnement. Pour les communes, l'octroi de mer représente entre 38 % et 56 % des recettes fiscales et entre 24 % et 35 % des recettes de fonctionnement. C'est en Guyane que la dépendance à l'égard de l'octroi de mer est la plus forte.

L'octroi de mer apporte un soutien indispensable aux DOM, comme le relève un rapport conjoint 10 ( * ) de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale de l'administration, selon lequel : « Au total, l'analyse macro-économique [...] permet de conclure au caractère globalement indispensable du soutien apporté par l'actuel différentiel d'octroi de mer. Le dispositif existant apparaît bien proportionné et adapté aux enjeux de développement et de création d'emplois, car il concentre le soutien sur les industries le plus vulnérables du fait de leur exposition à la concurrence extérieure ».

B. LA LOI DU 2 JUILLET 2004

1. Les grands principes de la loi

La loi du 2 juillet 2004 constitue pour l'essentiel la transcription en droit national de la décision du Conseil du 10 février 2004, et préserve l'essentiel du système issu de la loi de 1992, tout en permettant un meilleur encadrement au niveau communautaire.

La principale innovation de la loi du 2 juillet 2004 est en fait matérialisée par les listes de produits qui sont annexées à la décision du Conseil du 10 février 2004 11 ( * ) .

Ainsi, et pour chaque région, des listes de produits sont désormais fixées. Le principe est le suivant : à chacune de ces listes, A, B et C correspond un différentiel de taux maximum entre la production locale et l'importation.

Par exemple, la liste C donne droit à un différentiel de 30 points au maximum. Au sein de cette fourchette, le conseil régional à la faculté d'instaurer une taxation de l'importation qui ne peut dépasser de 30 points la taxation de la production locale.

Le principe des listes remplit un double objectif :

- il permet d'éviter aux conseils régionaux d'avoir à transmettre des délibérations à la Commission européenne à chaque fois qu'une exonération est décidée ;

- il donne à la Commission européenne une meilleure « lisibilité » du système d'aide.

On peut relever que le mécanisme d'actualisation des listes est prévu par l'article 3 de la décision du Conseil du 10 février 2004, et devrait être moins contraignant et plus rapide que dans le droit actuel, puisque la consultation du Parlement européen n'est plus nécessaire .

2. La principale exonération actuelle est préservée

Dans le droit issu de la loi de 1992, les entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à un certain seuil sont exonérées d'octroi de mer. Ces entreprises, constituent l'essentiel du tissu économique de l'outre-mer.

3. Un régime valable pour dix ans, et qui nécessitera un effort important de justification

L'article premier de la décision du Conseil du 10 février 2004 prévoit que le régime ainsi mis en place est valable pour dix ans , avec une évaluation prévue en 2008 .

Cette évaluation, qui sera remise à la Commission européenne le 31 juillet 2008, aura pour base les rapports que les conseils régionaux devront établir à l'attention du gouvernement chaque année . Votre rapporteur spécial, qui ne mésestime pas la difficulté de l'exercice pour les conseils régionaux, se félicite cependant d'une disposition qui devrait à terme permettre une meilleure connaissance des économies d'outre-mer. Cette remarque fait écho à celle formulée par ailleurs sur la faiblesse de l'information statistique en outre-mer.

A l'heure actuelle, le ministère de l'outre-mer n'a pas été en mesure de fournir des éléments sur la mise en place par les conseils régionaux de l'octroi de mer. Il conviendra donc d'attendre l'année prochaine avant de tirer les premiers enseignements de son application.

* 9 Pour plus de précisions, voir le rapport n° 357 (2003-2004) de notre collègue Roland du Luart, rapporteur au nom de la commission des finances.

* 10 Rapport d'enquête n° 2002-M-028-01, décembre 2002.

* 11 L'annexe III du rapport précitée de notre collègue Roland du Luart présente la transcription des nomenclatures douanières utilisées dans les listes.