M. Philippe DALLIER

II. L'ÉVOLUTION DES DÉPENSES ORDINAIRES

L'évolution des crédits destinés aux dépenses ordinaires , c'est-à-dire des moyens des services (titre III) et des crédits destinés aux interventions publiques (titre IV), provient, dans sa quasi-totalité :

- de redéploiements entre ces deux titres ainsi qu'au sein du titre IV ;

- d'une augmentation nette de 39,70 millions d'euros des crédits destinés à l'éducation ;

- de la suppression des moyens, de 20 millions d'euros , consacrés aux communes en grand projet de ville (GPV) ayant des difficultés financières.

Au total, ces deux titres sont en augmentation de 15,72 millions d'euros.

Le graphique ci-après synthétise les différentes évolutions.

Les mesures nouvelles relatives aux dépenses ordinaires proposées pour 2005

(en millions d'euros)

Source : présent projet de loi de finances

A. LES REDÉPLOIEMENTS ENTRE LE TITRE IV ET LE TITRE III : UNE EXPÉRIMENTATION DANS LE CADRE DE LA LOLF

Les redéploiements du titre IV vers le titre III, de 38,25 millions d'euros, constituent une expérimentation dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF).

Les crédits concernés, qui font partie du futur programme « Equité sociale et territoriale et soutien », présenté ci-après dans les développements relatifs à la mise en oeuvre de la LOLF, correspondent à la mise en place de trois budgets opérationnels de programme (BOP) , relatifs aux régions Bretagne, Nord-Pas-de-Calais et Rhône-Alpes.

Les BOP, qui ne sont pas prévus par la LOLF, peuvent en effet servir à identifier la part des crédits d'un programme relatifs à un territoire donné, comme l'indique l'encadré ci-après.

Les budgets opérationnels de programme (BOP)

« Le budget opérationnel de programme (BOP) regroupe la part des crédits d'un programme mise à la disposition d'un responsable identifié pour un périmètre d'activité (une partie des actions du programme par exemple) ou pour un territoire (une région, un département...), de manière à rapprocher la gestion des crédits du terrain.

« Le BOP a les mêmes attributs que le programme : c'est un ensemble globalisé de moyens associé à des objectifs mesurés par des indicateurs de résultats. Les objectifs du budget opérationnel de programme sont définis par déclinaison des objectifs du programme ».

Source : commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat, le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, la Cour des Comptes, comité Interministériel d'audit des programmes, « Guide sur la démarche de performance », 2004

Les BOP seraient vraisemblablement gérés par les préfets de région concernés.

On peut rappeler à cet égard que les crédits du fonds d'intervention pour la ville (FIV), qui serait doté de 44,4 millions d'euros en 2005, et servent à accorder des subventions d'investissement, sont d'ores déjà totalement déconcentrés auprès des préfets.

Pour mettre en oeuvre cette expérimentation, il est proposé d'enrichir la nomenclature du budget « ville » d'un nouveau chapitre (39-01) comprenant cinq articles :

- l'article 10, correspondant à l'action « Prévention et développement social », serait doté de 31,97 millions d'euros ;

- l'article 20, correspondant à l'action « Revitalisation économique et emploi », serait doté de 2,6 millions d'euros ;

- l'article 30, correspondant à l'action « Stratégie, ressources, évaluation », serait doté de 4,17 millions d'euros.

Les deux autres articles, 01 et 02, dédiés respectivement au regroupement des dotations de personnel et au regroupement des autres dotations, ne seraient pas dotés en 2005.

Les sommes concernées, de 38,74 millions d'euros , correspondent à 5,8 % des crédits du futur programme « Equité sociale et territoriale et soutien », de 660 millions d'euros, et à 8,8 % des crédits du présent projet de budget de la ville et de la rénovation urbaine.

B. LES AUTRES ÉVOLUTIONS DU TITRE IV : DES MESURES RÉSULTANT DU PROJET DE LOI DE PROGRAMMATION POUR LA COHÉSION SOCIALE

Les autres évolutions proposées pour le titre IV résultent, plus ou moins directement , du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale , actuellement en cours de discussion 3 ( * ) .

1. L'augmentation des crédits destinés à l'éducation

L'article 56 du projet de loi de programmation précité propose de mettre en place des « dispositifs de réussite éducative », pour un coût de 62 millions d'euros en 2005 , comme l'indique le tableau ci-après.

Crédits consacrés par l'Etat à la mise en place de dispositifs de réussite éducative programmés par l'article 56 du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale

( en millions d'euros valeur 2004 )

 

2005

2006

2007

2008

2009

Crédits

62

174

411

411

411

Si l'on fait abstraction de la précision selon laquelle les montants figurant dans le projet de loi de programmation précité sont exprimés en « valeur 2004 », le présent projet de loi de finances respecte cette programmation dans le cas de l'année 2005. En effet, une nouvelle ligne budgétaire, intitulée « programme de réussite éducative », a été créée, dotée pour 2005 de 62 millions d'euros .

Cela correspond à une augmentation nette des crédits destinés à l'éducation de seulement 39,70 millions d'euros , du fait de la suppression des autres crédits destinés à l'éducation, de 22,30 millions d'euros.

a) La nature des dépenses concernées

La nature des dépenses concernées est ambiguë.

Le « programme de réussite éducative » correspond à des dépenses dont l'intitulé a été en évolution permanente dans les différents textes qui leur ont été consacrées au cours des derniers mois, comme l'indique le tableau ci-après.

Cette incohérence a été soulignée par notre collègue Paul Girod, dans son rapport pour avis sur le projet de loi de programmation précité 4 ( * ) .

Le « programme de réussite éducative » proposé par le présent projet de loi de finances : une terminologie fluctuante

 

Plan de cohésion sociale (30 juin 2004)

Projet de loi de programmation pour la cohésion sociale

Présent projet de loi de finances

 

Corps du texte

Tableau annexé

Exposé des motifs

Article 56

Intitulé

- programme 15, « accompagner les enfants en fragilité » ;

- programme 16, « accompagner les collégiens en difficulté et rénover l'éducation prioritaire ».

Programme « égalité des chances entre les enfants »

Programme « égalité des chances entre les enfants et entre les adolescents »

« dispositifs de réussite éducative »

« programme de réussite éducative »

Crédits prévus pour 2005 (en millions d'euros)

-

62 (1)

(1) En « euros valeur 2004 », sauf pour le présent projet de loi de finances

Selon les informations obtenues par notre collègue Paul Girod auprès du cabinet du ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale, ces quatre intitulés successifs correspondaient à des actions identiques .

Il est donc possible d'expliciter la nature des dépenses financées par la ligne « programme de réussite éducative » en se référant au corps du texte du plan de cohésion sociale présenté par le ministre le 30 juin 2004, ainsi qu'à l'article 55 du projet de loi de programmation précité.

Le « programme de réussite éducative »,

Les « équipes de réussite éducative »

Les « équipes de réussite éducative » sont prévues par l'article 55 du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale. Cet article prévoit que des groupements d'intérêt public peuvent être créés pour apporter, en particulier par la création d'équipes de réussite éducative, un soutien éducatif, culturel, social et sanitaire aux enfants relevant de l'enseignement du premier et du second degrés, dès lors que ce soutien n'est pas pris en charge par la caisse des écoles.

Le programme 15 du plan de cohésion sociale, intitulé « accompagner les enfants en fragilité », prévoit la création de telles « équipes de réussite éducative » . Il apporte à leur égard les informations suivantes :

« Ces équipes mobilisent, autour de l'enfant et des parents, tous les professionnels spécialistes de la petite enfance : enseignants, éducateurs, animateurs, travailleurs sociaux, psychologues, pédopsychiatres et rééducateurs (kinésithérapeutes, orthophonistes). Créées à l'initiative des chefs d'établissements, des communes et de leurs groupements, des départements, des CAF et de l'Etat, ces équipes permettent un accompagnement collectif ou individuel des enfants et de leur famille, notamment de ceux qui sont signalés comme étant en grande difficulté. Elles s'appuieront sur une structure juridique souple (groupement d'intérêt public, par exemple, ou caisse des écoles au statut rénové). Les activités proposées mêlent soutien scolaire, écoute de l'enfant et activités récréatives ; elles s'inscrivent dans le cadre d'un contrat, passé entre la famille et l'équipe de réussite éducative ». Les zones concernées sont les « 900 zones ou réseaux d'éducation prioritaire (soit 6.975 écoles primaires), dont la géographie recouvre pour l'essentiel celle des zones urbaines sensibles ».

Le renforcement de l'encadrement éducatif de jeunes accueillis dans des internats ou structures d'accueil équivalentes

Le « renforcement de l'encadrement éducatif de jeunes accueillis dans des internats ou structures d'accueil équivalentes », auquel fait référence l'exposé des motifs de l'article 56 du présent projet de loi, est prévu par le programme 16 du plan de cohésion sociale, intitulé « accompagner les collégiens en difficulté et rénover l'éducation prioritaire ».

Ce programme prévoit la mise en oeuvre de deux séries de moyens.

Tout d'abord, pour « mettre en oeuvre un accompagnement social, médical et éducatif des collégiens des quartiers les plus défavorisés », 150 plates-formes de réussite éducative doivent être créées, « en lien avec la communauté éducative ». Il est indiqué qu' « elles réunissent les services sociaux et sanitaires de l'éducation nationale, ceux de l'aide sociale à l'enfance et les centres de pédopsychiatrie et permettent d'offrir aux collégiens à la dérive un soutien complet et adapté ».

Ensuite, le programme précité prévoit la création d'internats de réussite éducative. Ces internats « accueilleront les collégiens repérés par les enseignants comme étant en grande difficulté, du fait de leur comportement ou de leur environnement ». Il est précisé qu' « une trentaine de ces établissements verront le jour : trois pour les régions Ile-de-France, Rhône-Alpes, PACA et Nord-Pas-de-Calais, un pour chaque autre région ».

b) Des crédits insuffisants ?

Les crédits proposés pour 2005 semblent nettement insuffisants.

Comme le souligne notre collègue Paul Girod dans son avis précité, le coût total des « équipes de réussite éducative » devrait être à lui seul de 750 millions d'euros par an en régime de croisière. En effet, selon le programme 15 précité du plan d'action sociale, « 750 équipes de réussite éducative seront créées », et « le coût annuel d'une équipe de réussite éducative est estimé à 1 million d'euros par structure, cofinancé par l'Etat et ses partenaires ».

2. La suppression des moyens destinés aux communes en GPV

Le présent projet de budget propose de supprimer l'article 40 du chapitre 46-60. Cet article, intitulé « soutien aux grands projets de ville », était doté de 20 millions d'euros en 2004. Il permettait d'attribuer une aide aux communes en grands projets de ville (GPV) connaissant des difficultés financières.

Le « bleu » présente cette mesure nouvelle comme résultant du « projet de réforme de la dotation de solidarité urbaine (DSU) ».

Votre rapporteur spécial s'inquiète de cette mesure, qui risque de pénaliser les communes ne bénéficiant pas, par ailleurs, de la réforme de la DSU.

* 3 Texte adopté en première lecture par le Sénat le 5 novembre 2004. Le texte doit prochainement être examiné en première lecture par l'Assemblée nationale.

* 4 Avis n° 37 (2004-2005).