6. Internet et les élections législatives

Les dernières élections législatives ont fait découvrir l'existence d'Internet aux partis politiques.

La plupart des partis politiques disposent d'un site de présentation sur Internet. Quelques-uns ont eu le souci de dépasser la simple carte de visite pour fournir des indications sur leurs positions politiques de fond. En revanche, aucun ne propose de forum de discussion ni de réflexions sur quelques grands thèmes de société comme les NTIC. Sollicités par courrier avec envoi de l'étude de faisabilité agréée par l'Office parlementaire, aucune réponse utile n'a été faite. J'ai eu un seul entretien avec un représentant d'un parti politique, Mme Odile LEPERRE-VERRIER, au nom du Parti Radical Socialiste. Elle m'a fait part de ses réflexions : " l'école doit donner aux élèves une véritable initiation à l'instruction civique. Cette culture de base est fondamentale, elle permettra d'accompagner les mutations provoquées dans le domaine de la citoyenneté, par le développement de la société de l'information " […] " Les NTIC ne sont pas un axe de réflexion majeur des partis politiques ".

Un autre parti, l'Union pour la démocratie française, a transmis la plate-forme d'union UDF-RPR, avec une seule mention relative à la société de l'information : il faudrait " diffuser des technologies de pointe à tous les Français, en particulier en donnant à tous les élèves une formation à l'utilisation d'Internet et du multimédia ".

Pendant la campagne, Internet et les outils uni- ou multimédias ont été négligés. Le quotidien La Tribune a relevé cette carence d'usage : " Les partis politiques sont passés à côté d'Internet " , avec, comme intitulé du billet journalistique : " Match (très) nul ".

Des interviews recueillis sur le site Digipresse permettent d'avoir connaissance des utilisations de site par des responsables politiques :

INTERWIEWS RECUEILLIES SUR LE SITE DIGIPRESSE

La rédaction de Digipresse (actualités et reportages électroniques) présente une série d'interviews de petits et grands candidats interrogés exclusivement sur leurs vues concernant les nouvelles technologies.

D'autre part, elle organise un " vote " en ligne.

1. Front national (Guillaume VICQUET)

• Pourquoi un Web pour le FN ?

Nous utilisons Internet pour lutter contre le boycott médiatique dont est victime le Front National

Internet est-il intéressant pour le FN ?

Internet est l'occasion pour nous d'avoir une vitrine internationale.

2. Génération écologie (Bruno WALTHER)

• Pratiquez-vous les nouvelles technologies ?

Les nouvelles technologies sont une technologie propre qui démontrent que les avancées technologiques peuvent être du côté de l'environnement. Et c'est surtout un média libertaire ou la liberté règne en maître et c'est donc un média sur lequel les écologistes se sentent à l'aise.

J'utilise régulièrement Internet et j'utilise le Web, les systèmes de messageries et de chats-forums deux à trois heures par jour.

• Pourquoi GE défend Mygale ?

Génération Ecologie a soutenu Mygale car Mygale était un espace de liberté sur le Web francophone. Le Web francophone est un peu parasité par la publicité, par la médiocrité des sites qui l'entourent. Donc on ne pouvait que soutenir Mygale d'autant que Mygale répondait aux attentes d'un service public que l'Éducation nationale se doit d'offrir à ses étudiants .

3. Parti socialiste (Dominique STRAUSS-KHAN)

• Croyez-vous à l'Internet pour tous ?

On n'arrivera pas à quelque chose de sérieux tant qu'il n'y aura pas aux postes de responsabilités des gens directement immergés dans les nouvelles technologies. Jacques CHIRAC a beau parler de l'Internet pour tous à l'école, l'épisode de la souris a fait rire la planète entière, alors au delà de la plaisanterie, ce qui est important, c'est qu'on se rend compte que ce n'est pas son monde. Je parle de lui parce que vous l'évoquez, mais ce serait vrai pour d'autres hommes politiques de gauche de la même manière. De ce côté là, la droite et la gauche sont au même niveau. Mais le vrai problème, c'est que l'on ne peut pas aujourd'hui comprendre la monde dans lequel on est, surtout le monde dans lequel on sera dans 5 ans dans 10 ans, si on n'a pas une pratique courante, pas obligatoirement de la technologie au sens le plus fin (on ne demande pas à l'homme politique d'être au courant des derniers algorithmes de compression). En revanche, il faut qu'il ait une compétence suffisante, une pratique suffisante pour que cela illustre pour lui en quoi la vie change et en quoi ce qui est en train de se passer va changer la vie de demain. Alors, ce n'est pas un problème de slogan sur la démocratisation, tout ça c'est très gentil, il faut la démocratisation mais c'est du baratin. Il faut qu'un maximum de gens soient immergés dans une culture du silicium, une culture du digital.

• Évangélisez-vous vos collègues ?

Il faut faire de la propagande auprès des collègues, il faut petit à petit arriver à leur montrer ce que cela veut dire. On sait aussi que c'est très difficile à partir d'un certain âge de changer son mode de pensée. C'est un mode de pensée qui est différent. Ce n'est pas simplement l'utilisation d'un stylo bille qui marcherait plus vite. Cela veut dire que la nouvelle génération politique, qui comme moi a été formée à l'école sur des vieux IBM 360, que celle-ci soit capable de comprendre que le message ne doit pas être un message politique traditionnel. C'est aussi ce message sur non pas l'entrée de la France mais la place de la France dans un monde qui demain sera entièrement un monde digital.

4. UDF (André SANTINI)

• Internet et vous ?

Je suis le phénomène Internet depuis de très nombreuses années et j'ai décidé d'investir ma mairie dans ce secteur car je crois que l'élu local est très bien placé pour apprivoiser les nouvelles technologies et faire en sorte que les gens deviennent à leur tour convaincus. Le retard, de la France est considérable, on est à 15 PC en moyenne, alors qu'en Allemagne on est à 30 et aux États-Unis on est à 46. A Issy-les-Moulineaux, on est déjà à 40. Depuis les efforts déployés, les gens ont adhéré. L'autre jour, quelqu'un m'a dit " mais Monsieur le Maire, ça coûte cher un PC ", je lui ai dit " Oui Madame, vous avez raison ". Et à côté de moi, il y avait un jeune internaute qui lui a dit " Madame, combien avez-vous payé le dernier scooter pour votre fils, c'est le prix d'un ordinateur et au bout de combien de temps, il se l'ai fait voler? ". Aujourd'hui, les gens devront choisir entre un scooter et un PC. Les élus locaux, eux, doivent mettre à la disposition des gens des accès Internet dans la médiathèque, dans l'espace jeunes pour la rédaction des CV, pour la recherche de stages et d'emplois. Dans les écoles, nous avons déjà ici quatre écoles équipées. Et nous allons continuer, puisque toutes les écoles d'Issy-les-Moulineaux seront équipés d'ici 98. J'ai commencé par les écoles les plus défavorisées car la nouvelle fracture sociale sera entre les élites cyber-branchées et les SDF du multimédia. En direction des familles immigrées par exemple, la médiathèque est un outil formidable car elle est ouverte le samedi et le dimanche. Ça commence comme ça l'intégration. Donc je crois que les élus locaux sont vraiment très bien placés. C'est valable pour les écoles mais aussi les collèges et les lycées.

• Quel modèle proposez-vous ?

L'organisme américain, le FCC (ndlr: Commission Fédérale pour la Consommation) vient de proposer l'instauration d'une taxe sur les abonnements téléphoniques pour financer l'équipement en Internet de toutes les classes et de toutes les bibliothèques américaines. Vous croyez que nous intellectuellement, on est prêt à cela?

5. Parti communiste français (Michel LAURENT)

• Participez-vous à des newsgroups ?

Oui, j'y participe notamment à celui du parti communiste mais aussi à d'autres forums de discussion sur Internet. De toute façon, je suis quelqu'un qui m'intéresse à toutes les nouvelles technologies et j'ai un ordinateur chez moi en plus du travail que j'effectue ici.

• La démocratisation de l'Internet ?

Il y a des choses qui dépendent de nous et il y a des choses qui ne dépendent pas de nous. Ce qui ne dépend pas de nous c'est de permettre à tout un chacun d'avoir la formation, d'avoir le matériel, de s'acheter un ordinateur personnel etc. Pour ce qui est de notre responsabilité de " serveur ". Nous avons fait le choix d'un serveur de qualité mais qui soit accessible avec des moyens informatiques pas limités mais moyens, pour que le plus grand nombre puisse y accéder. Nous avons privilégié l'écrit, les textes courts, la simplification dans les images mais nous donnons toute l'information. Nous donnons tout le contenu de " Regards ", tout le contenu de " l'Humanité ". Et nous allons mettre derrière un moteur de recherche qui va permettre de lire les textes du parti communiste et des journaux communistes en les trouvant par mots-clé.

6. Les Verts (Yves COCHET)

• Votre pratique de l'Internet ?

Je suis informaticien depuis 15 ans et puis aussi à titre militant. Les Verts ont vraiment fait un effort en ouvrant une quinzaine de boîtes aux lettres électroniques voila un an et demi, puis un site Web, il y a un an. Et on utilise ses outils aussi bien vers l'extérieur qu'en interne pour échanger des informations, des documents, aussi bien d'ailleurs sons, images, textes. D'ailleurs pour les professions de foi à l'occasion de ces législatives, on a échangé des images, des photos, des textes, pour fabriquer notre journal " le Vert Contact ".

• Préconisez-vous l'Internet ?

Nous le préconisons comme un outil de travail beaucoup plus rapide et efficace que le fax, le courrier postal et même le téléphone. Comme on est très informatisé depuis longtemps, ici par exemple, on a un réseau local au siège national et la plupart de nos machines sont maintenant on-line et on utilise à la fois notre site et tous les courriers électroniques que l'on a. On a plusieurs adresses évidemment, en relation avec nos régions, de telle façon que cela rendra plus efficace et productif notre travail militant et politique.

Il faut avoir la foi du charbonnier de l'Association des Utilisateurs d'Internet pour proposer un questionnaire sur Internet dans le cadre de la campagne pour les élections législatives. Pourtant, les questions méritent qu'on s'y attarde, car elles constituent un enjeu fondamental pour l'avenir [128] . Le questionnaire s'ouvre sur une interrogation sur les enjeux politiques et sociétaux d'Internet : " Pensez-vous qu'Internet puisse avoir un impact important, à terme, sur les rapports entre les personnes, sur les rapports entre les administrés et l'administration, et enfin, sur l'exercice même de la démocratie ? "

Personne n'a eu idée ou audace d'avoir recours au logiciel EFS " d'accès à l'information et de recherche documentaire " plus connu sur le logiciel " de la chasse au mensonge " ; il a été utilisé largement par Tony BLAIR et John MAJOR :

" Grâce à cet outil, l'exploration de dizaines de milliers de pages de texte en fonction d'un besoin précis ne prend que quelques secondes. Ainsi, la réaction à la déclaration d'un candidat devient une affaire de minutes. Son adversaire peut découvrir la citation datant de plusieurs années ou le chiffre exact qui prend l'homme politique en défaut. Et cela avec une redoutable précision. De quoi chasser du débat électoral toute tentation de tricher avec l'implacable vérité " [129] .