Introduction générale

Depuis 1991, pour répondre aux attentes des citoyens et aux impératifs de la filière nucléaire, la question de la gestion des déchets nucléaires est traitée au grand jour. La loi du 30 décembre 1991 1( * ) définit d'une part un cadre législatif qui donne toute garantie sur l'intervention du Parlement pour les décisions clés. Elle fixe d'autre part un horizon de temps et une méthode pour les études à conduire et les réalisations à mettre en oeuvre dans le but d'apporter les meilleures solutions au traitement des déchets nucléaires.

S'agissant des études à conduire, la loi du 30 décembre 1991, dans son article 4, définit trois axes principaux :

"- la recherche de solutions permettant la séparation et la transmutation des éléments radioactifs à vie longue présents dans ces déchets,

- l'étude des possibilités de stockage réversible ou irréversible dans les formations géologiques profondes, notamment grâce à la réalisation de laboratoires souterrains,

- l'étude des procédés de conditionnement et d'entreposage de longue durée en surface de ces déchets."


Après avoir joué un rôle déterminant dans l'élaboration et l'adoption de la loi, l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques a, quant à lui, continué de suivre le problème, d'une part en étudiant les rapports annuels de la commission nationale d'évaluation et, d'autre part, en publiant un nouveau rapport en mars 1996 sur les déchets nucléaires à haute activité civils 2( * ) et en décembre 1997 sur les déchets nucléaires à haute activité militaires 3( * ) .

L'Office parlementaire a, d'autre part, été associé à la mission confiée en décembre 1996 à M. Claude Mandil, Directeur général de l'Énergie et à M. Philippe Vesseron, Directeur de la prévention des pollutions et des risques. L'Office avait alors demandé à vos Rapporteurs, en charge d'une étude transmise à l'Office par la Commission de la Production et des Échanges, d'assurer le suivi des travaux de cette mission. La dissolution de l'Assemblée Nationale ne leur avait cependant permis d'assister que partiellement à ces réunions.

Les travaux réalisés par la mission Mandil-Vesseron, auxquels avaient été associés tous les différents acteurs du nucléaire, ont servi de base aux réflexions de l'Office qui viennent compléter le document correspondant, que les deux membres du Gouvernement concernés, le Ministre de l'Aménagement du Territoire et de l'Environnement, et le Secrétaire d'État à l'Industrie, n'avaient pas souhaité rendre public avant que l'Office ait été réellement en mesure de se prononcer.

A mi-parcours du délai de 15 ans fixé par la loi pour une décision concernant un éventuel stockage souterrain des déchets, la saisine de l'Office prend une nouvelle et brûlante actualité.

Le moment est en effet venu de prendre une décision concernant la localisation et la construction des futurs laboratoires souterrains. La loi en prévoit en effet plusieurs 4( * ) . Trois sites ont fait l'objet d'avis favorables de la part de l'ANDRA, le site de Bure (Meuse) permettant des recherches sur le comportement des radionucléides dans l'argile, le site de Marcoule, près de Bagnols-sur-Cèze (Gard) pour le même type de milieu géologique et le site de La Chapelle-Bâton (Vienne) pour l'étude des radionucléides dans le granite.

La Direction de la Sûreté des Installations Nucléaires (DSIN) a pour sa part instruit les demandes d'autorisation pour la création d'un laboratoire souterrain sur chacun des sites, de sorte qu'il appartient aujourd'hui au Gouvernement de prendre sa décision.

Par ailleurs, la fermeture de Superphénix, annoncée par le Premier ministre le 19 juin 1997, a été confirmée lors du comité interministériel du 2 février 1998. Or, depuis le décret du 11 juillet 1994 5( * ) , le rôle assigné à Superphénix était celui d'être une installation de recherche pour l'incinération du plutonium et des déchets nucléaires à haute activité, cette installation devant occuper ainsi une place très importante dans le dispositif prévu par la loi de 1991.

Il est certes prévu que Phénix devienne à brève échéance un outil de remplacement. Mais il y a lieu de vérifier en détail si cette substitution est possible. Les puissances de ces deux réacteurs à neutrons rapides diffèrent en effet fortement : 250 MWe pour Phénix contre 1 200 MWe pour Superphénix. Leurs âges respectifs et donc potentiellement leurs conditions de sûreté sont également très différents : Phénix a été mis en service en 1973 et Superphénix en 1985.

La Commission d'enquête sur Superphénix et la filière des réacteurs à neutrons rapides, dont vos Rapporteurs sont Président et Rapporteur, examine actuellement les conditions de la remontée en puissance de Phénix. Dans le cadre de leur étude sur l'aval du cycle, vos Rapporteurs ont centré leurs recherches sur les résultats attendus des expériences prévues avec Phénix sur l'axe 1 de la loi de 1991.

Une troisième évolution, qui se traduit aujourd'hui avec force dans le débat politique, renforce la nécessité de nouveaux rapports de l'Office parlementaire.

Les trois axes de recherche prévus par la loi de 1991 couvrent bien l'éventail du possible. Les études à réaliser doivent porter, ainsi qu'on l'a rappelé plus haut, sur le stockage réversible ou irréversible des déchets à haute activité.

Dès 1991, il n'était pas en effet exclu que l'on ne puisse en quinze ans mettre au point les technologies permettant de casser des composés radioactifs de période 6( * ) se comptant en millions d'années comme ceux du neptunium 237 ou du césium 135 en composés radioactifs de période de quelques dizaines d'années.

En cette mi-1998, cette question clé ne semble pas avoir encore reçu de réponse. La reprise des déchets constitue donc toujours une option à explorer. Elle semble d'ailleurs prendre une importance critique dans le public et dans le débat politique. Corrélativement, les techniques de conditionnement et d'entreposage de longue durée en surface, en sub-surface ou en profondeur revêtent une importance capitale si l'on veut garantir la réversibilité des options. Dès lors, il convient d'examiner avec une attention toute particulière l'état d'avancement des recherches correspondantes.

Le présent rapport examine les résultats obtenus dans chacun de trois domaines de recherche, leur portée et leurs limites.

Mais la problématique du retraitement constituant la toile de fond de l'aval du cycle, vos Rapporteurs l'étudient d'abord en n'omettant évidemment pas de traiter du recyclage du plutonium par la seule voie désormais possible après la fermeture de Superphénix, c'est-à-dire la voie du Mox. Les limites que pourraient présenter les techniques de séparation et de transmutation sont ensuite examinées. La question décisive pour l'avenir est bien en effet de savoir quelles quantités de radioéléments à haute activité et à vie longue pourront être transmutées, avec quels équipements et à quelle vitesse.

La problématique du choix entre l'entreposage et le stockage en découle naturellement. Présentée à la fin des années 80 comme la seule solution rationnelle de gestion des déchets à vie longue, la méthode du stockage irréversible est désormais confrontée à celle de l'entreposage, par définition réversible. L'entreposage devrait permettre d'assurer la réversibilité et de conserver des marges d'action, par rapport à l'évolution des techniques et des marchés. Vos Rapporteurs proposent d'examiner à quelles conditions de délais, de coûts et de sûreté cet objectif pourrait être atteint.

En réalité, à mi-parcours du temps prévu par la loi de 1991 pour réunir les connaissances qui permettront en 2006, et seulement à cette date, de décider de l'organisation générale de la gestion des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue, il apparaît bien qu'il n'existe aucun antagonisme entre les 3 axes de recherche. Sans doute, à l'avenir, la gestion des déchets hautement radioactifs mettra-t-elle en oeuvre une combinaison de techniques relevant de ces trois domaines.

Incinération, entreposage ou stockage, en surface ou en profondeur : ces trois techniques de gestion des déchets radioactifs à haute activité doivent, en tout état de cause, continuer d'être explorées simultanément et à parité, afin qu'en 2006, le Parlement puisse décider en toute connaissance de cause des solutions que la communauté scientifique et le Gouvernement lui présenteront.