Un jury de thèse souverain

Les exemples sont nombreux de rapports tendus entre la commission nationale d'évaluation et les responsables des recherches sur la loi de 1991.

Dans le cas du choix des sites des laboratoires souterrains, l'Andra, constatant les réserves émises sur le site de la Vienne réserves qu'elle estime non fondées et c'est sa responsabilité et son droit le plus strict essaie sans succès de dialoguer avec la commission pendant un semestre entier.

D'une manière générale, la communication spontanée de nombre d'acteurs de la filière se focalise sur la commission, alors que l'Office doit solliciter les documents, qui lui sont au demeurant fournis bien volontiers, il faut l'admettre. La formulation des rapports écrits de la commission revêt un ton abrupt sinon comminatoire. Enfin, ainsi que cela a été confié à vos Rapporteurs par de multiples chercheurs, les comparutions devant la commission se déroulent comme devant un jury de thèse, avec un esprit de jugement et non pas la volonté de dialogue ou de conseil qu'il conviendrait de trouver et qui aurait sans doute une efficacité plus grande.

En vérité, pour s'arroger ce rôle de censeur, la commission s'appuie non pas sur l'esprit de la loi de 1991 mais sur la lettre de sa dénomination et sur une interprétation abusive du concept d'évaluation.

L'impossibilité d'un gouvernement mandarinal de la recherche sur les déchets radioactifs

La loi du 30 décembre 1991 a soigneusement évité l'erreur qui aurait été de faire intervenir la représentation nationale dans les décisions quotidiennes de la recherche sur les déchets radioactifs de haute activité. Trois grands axes ont été fixés, à charge pour les organismes du secteur de prendre leurs responsabilités. Compte tenu de l'importance des enjeux, le Parlement doit seulement, chaque année, être informé de la progression des recherches par le Gouvernement.

Le découpage la plupart du temps recommandé pour l'organisation de la recherche comprend trois catégories : l'impulsion, la décision et le contrôle. La confusion entre les mêmes mains de deux ou trois domaines connexes est toujours contre productive. Mais la mission fixée par la loi à la commission n'appartient à aucun des trois. Le texte de la loi et son esprit attestent qu'il s'agit seulement pour elle, en dépit de sa dénomination, non pas de décider ni même de contrôler mais de participer à l'action d'information du Parlement qui incombe au Gouvernement.

Comment ne pas voir dans la pratique une contradiction quand on lit que le rapport de la commission s'intitule " rapport d'évaluation " , alors qu'il s'agit pour le Gouvernement de transmettre au Parlement un " rapport faisant état de l'avancement des recherches " établi par cet aréopage ?

Par l'audition des responsables de la recherche sur la gestion des déchets, par la confrontation des idées et la suggestion de pistes de recherche, la commission nationale d'évaluation a certainement eu un apport positif ces dernières années. Mais son intervention sur la conduite des programmes de recherche semble dépasser sa stricte mission. Il est vrai qu'il n'y a jamais loin du pouvoir d'informer au pouvoir de décider, en passant par le pouvoir d'influencer.

Il convient donc que la commission s'en tienne au seul rôle d'enquête et d'information que la loi lui confère.