Le plutonium militaire issu du démantèlement des armes, un sujet brûlant mais bloqué aux Etats-Unis

Le démantèlement des armes nucléaires opéré suite aux accords de limitation des armements stratégiques, ainsi que l'augmentation de leurs puissances unitaires et la miniaturisation ont divisé par deux le nombre de têtes nucléaires. Au milieu des années 1980, le nombre d'armes s'élevait à 70 000 environ. Aujourd'hui, des estimations concordantes font état de 36 000 têtes dont 14 000 sont en attente d'être démantelées 24( * ) .

La neutralisation du plutonium est un sujet de préoccupation croissant aux Etats-Unis. Ceux-ci doivent en effet non seulement traiter leur propre stock mais ont également signé en 1994 un accord avec la Russie aux termes duquel ils doivent lui acheter des quantités importantes de plutonium - dans un premier temps 500 tonnes -. En janvier 1997 l'administration américaine annonçait sa politique pour traiter son propre plutonium : d'une part le recyclage en Mox et d'autre part son immobilisation dans des matrices de céramique. Depuis 15 mois, le " Department of Energy " (DOE), responsable de la gestion de toutes les matières nucléaires, n'a toutefois pas pris de position.

Le WIPP ou le tabou brisé du plutonium en stockage géologique

Sauf blocage de dernière minute, le premier centre de stockage souterrain de déchets contenant du plutonium doit être opérationnel aux Etats-Unis à la mi-98. Il s'agit du Waste Isolation Pilot Plant (WIPP). Même s'il ne s'agit pour l'instant que de déchets faiblement contaminés, c'est un précédent important qui pourrait ouvrir la voie au stockage souterrain de matrices à longue durée de vie contenant du plutonium en quantités importantes.

En l'occurrence, 150 000 m3 de déchets nucléaires de la guerre froide actuellement stockés sur 23 sites aux Etats-Unis devraient être stockés dans le WIPP, sur le site de Carlsbad au Nouveau-Mexique. L' "Environmental Protection Agency " (EPA) a donné son feu vert au " Department of Energy " (DOE).

C'est une évolution considérable dans un pays qui , après avoir lancé la problématique des déchets en avance, s'était bloqué non pour des raisons techniques mais pour des raisons d'opinion publique, dans un immobilisme du pouvoir politique qui pouvait se prolonger.

Ce résultat est obtenu après un affrontement aigu entre le Congrès et l'EPA. Cette agence avait fixé des normes de radioprotection à long terme particulièrement sévères. Il s'agissait de garantir qu'un forage, même pratiqué après la disparition de toute archive concernant le site, n'entraînerait pas de contamination de l'environnement. Le Congrès n'a pas hésité en 1995 d'une part à fixer lui-même une norme de radioprotection et, d'autre part, à menacer l'EPA de lui retirer toute responsabilité dans le domaine du nucléaire.

Les transports devraient commencer en juin 1998. Les déchets sont des outils, des vêtements et des objets contaminés par du plutonium lors de la fabrication ou du démantèlement des armes nucléaires. Le stockage est effectué dans une couche de sel souterraine déposée par un ancien océan il y a 225 millions d'années, ce qui donne une échelle de la durée. Cette couche située à - 650 m est considérée comme géologiquement stable.

Dans la même ligne, il semblerait que la décision pourrait être prise aux Etats-Unis de stocker en profondeur 50 tonnes de plutonium militaire après l'avoir immobilisé dans des matrices de céramique 25( * ) .