B. DES SCENARIOS D'INFLATION PLUS RAPIDE SONT ENVISAGEABLES

Cependant, certains économistes estiment que l'inflation sera plus rapide, à court ou moyen terme, que ne le prévoient ces scénarios.

1. L'inflation à court terme

A court terme, deux facteurs semblent susceptibles de relancer l'inflation.

L'économie française est-elle actuellement contrainte par l'offre ?

Tout d'abord, selon certains économistes 13 ( * ) , l'accélération de l'inflation en l'an 2000 serait notamment la conséquence d'une contrainte par l'offre de l'économie française.

L'évolution de l'inflation depuis le début de l'année 1991 est représentée par le graphique ci-après.

Source : INSEE.

• Ce graphique indique que l'inflation de l'année 2000 est de nature différente de celle de l'année 1999.

En effet, en 1999 , l'inflation dite sous-jacente (essentiellement hors énergie, donc hors pétrole) de la zone euro a diminué. Ainsi, l'accélération de l'inflation a été presque exclusivement la conséquence mécanique de la hausse du prix du pétrole.

En revanche, le maintien d'une inflation rapide en l'an 2000 a été due à l'accélération de l'inflation sous-jacente : cette dernière est passée de 0,7 % en décembre 1999 à 1,3 % en septembre 2000.

Ce phénomène semble indiquer, si l'instrument de mesure est précis, l'apparition de tensions inflationnistes internes à l'économie française.

Ces tensions pourraient provenir de contraintes pesant sur l'offre.

• Cette contrainte concernerait tout d'abord le capital , du fait de la remontée du taux d'utilisation des capacités de production. Ainsi, selon l'enquête trimestrielle de l'Insee, ce dernier était dans l'industrie de 88,2 % en octobre 2000, soit le niveau le plus élevé atteint depuis la création de cette enquête en janvier 1985, et plus de quatre points au-dessus de sa moyenne de longue période. Ces tensions sont particulièrement marquées dans les secteurs automobile et des biens intermédiaires.

• Cette contrainte concernerait également le travail .

En effet, les difficultés de recrutement se renforcent. Selon l'Insee, 51 % des entreprises affirmaient rencontrer de telles difficultés en juillet 2000, contre 29 % en juillet 1999. Ce risque de goulet d'étranglement concerne particulièrement les diplômés de l'enseignement supérieur (dont les taux d'activité 14 ( * ) et de chômage sont de respectivement 87,2 % et 6,2 % dans la zone euro, selon l'OCDE), ainsi que certains secteurs. Par exemple, les entreprises de BTP sont confrontées à des difficultés de recrutement, pour 84 % des chefs d'entreprises dans le bâtiment (selon la Fédération nationale du bâtiment) et 66 % des chefs d'entreprises dans les travaux publics (selon la Fédération nationale des travaux publics).

• Certains économistes, dont la thèse paraît fort plausible à votre Rapporteur, estiment que ce phénomène est aggravé en France par la limitation de la main-d'oeuvre découlant des 35 heures. Ainsi, selon Rexecode, le volume d'heures travaillées aurait diminué depuis un an, contrairement à ce que l'on a observé lors des reprises précédentes. En effet, la baisse de la durée du travail par salarié dans les entreprises (- 4,1 % sur un an à la fin du mois de juin selon le ministère de l'Emploi) aurait été supérieure au volume des créations d'emplois (+ 3,2 % sur un an selon l'Insee). Néanmoins, selon le ministère des Finances, la baisse du temps de travail serait surévaluée par le ministère de l'Emploi, de sorte que le nombre d'heures travaillées augmenterait bien en l'an 2000, de 1,6 %.

Quoi qu'il en soit, si la croissance se poursuit à un rythme rapide à moyen terme, l'économie française sera inévitablement confrontée à un problème de pénurie de main-d'oeuvre , qui proviendra en grande partie de la la loi sur les 35 heures. Il s'agit là sans doute de la principale limite de la politique de réduction du temps de travail : si celle-ci suscite, à court terme , une forte accélération de la diminution du chômage (selon l'OFCE, les 35 heures permettraient la création de 350 000 emplois supplémentaires entre 1999 et 2001), elle semble avoir à moyen terme des effets néfastes à la croissance.

Ainsi, certains économistes estiment qu'une croissance rapide ne pourrait être maintenue durablement qu'à une double condition : un renforcement de l' investissement productif et une application aussi souple que possible de l'application du régime des heures supplémentaires .

L'aléa pétrolier

Le second grand facteur susceptible d'accélérer l'inflation à court terme est l'évolution du prix du pétrole.

Votre Délégation a demandé à l'OFCE de simuler l'impact d'une augmentation de 1 point de PIB du prélèvement pétrolier (analogue à celle observée du deuxième trimestre de l'année 1999 au troisième trimestre de l'année 2000, correspondant au passage du prix du baril de Brent de 15,4 à 30,4 dollars).

Cette simulation est présentée page 43 et, de manière détaillée, dans l'annexe (p. 86).

Selon l'OFCE, l'impact sur les prix serait relativement modeste. En effet, si les prix à la consommation connaîtraient la première année une accélération de 0,3 point , en revanche, l'impact sur l'indice des prix ne serait pas durable : il serait annulé au bout de quatre ans, et au bout de cinq ans les prix seraient même inférieurs de 0,3 point.

Le caractère limité de cet impact provient du fait que la hausse du chômage induite par la baisse de l'activité par rapport à une situation sans choc pétrolier serait un facteur de modération salariale.

Ces résultats doivent cependant être nuancés par le fait que l'OFCE suppose que les augmentations de salaires horaires ne compenseront pas la totalité de l'augmentation des prix à la consommation.

Dans le cas contraire, une boucle prix-salaires pourrait apparaître, suscitant une augmentation auto-entretenue de l'inflation. Il s'agit de ce que les économistes appellent les effets de « second tour » d'un choc inflationniste exogène.

* 13 En particulier ceux de la Banque de France.

* 14 Le taux d'activité est la proportion de personnes occupant ou recherchant un emploi.

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