INTRODUCTION

I - LA CIVILISATION DE L'AUTOMOBILE

Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, la France est progressivement entrée dans la civilisation de l'automobile . Votre rapporteur souhaite illustrer ce phénomène en soulignant trois points.

• Tout d'abord, la possession d'une automobile s'est quasiment généralisée au cours du dernier quart de siècle.

En 1975, il y avait en France 16,7 millions d'automobiles particulières. En 1998, ce chiffre s'élevait à 25 millions . Ainsi, la proportion de ménages possédant au moins une automobile est passée, de 1975 à 2000, de 64,1 % à 80,3 % 1 ( * ) .

Ainsi, l'automobile ne constitue plus aujourd'hui un produit de luxe. Contrairement à ce l'on pourrait penser, selon un sondage réalisé par la SOFRES en janvier 2000, 84 % des employés et 87 % des ouvriers disposent d'une automobile, contre seulement 76 % des cadres. Cela vient notamment du fait que les personnes appartenant aux catégories les plus modestes habitent plus fréquemment des lieux desservis par la seule automobile (banlieues, zones rurales) 2 ( * ) .

Il convient également de souligner que les conducteurs sont de plus en plus souvent des conductrices. En effet, la poursuite de l'augmentation du nombre d'automobiles ces dernières années s'explique essentiellement par la généralisation progressive de la seconde voiture. En l'an 2000, 25 % des ménages disposaient d'au moins deux automobiles, contre 14,8 % en 1980 3 ( * ) . Ce chiffre est encore plus élevé pour les femmes de 25 à 49 ans : en 1999, 57 % d'entres elles appartenaient à un foyer qui comptait deux voitures ou plus 4 ( * ) .

• Ensuite, les Français semblent aujourd'hui incapables de se passer de leur voiture.

Chaque jour, ils effectuent 168 millions de déplacements urbains, dont 107 millions en voiture (soit 64 %) et 15 millions en transports en commun (soit 9 %). De même, près de 70 % des Français ont recours à la voiture tous les jours ou presque, et plus de 90 % au moins une fois par semaine 5 ( * ) .

Cette importance accordée par les Français à leur automobile se traduit par le budget qu'ils lui consacrent : 27 190 francs en moyenne par automobile en l'an 2000, dont 9 118 francs correspondant à la fiscalité 6 ( * ) .

• En conséquence, l'automobile représente un élément essentiel de notre économie. En 1998, la filière automobile française correspondait, selon le Comité des constructeurs français d'automobiles, à près de 11 % de l'emploi et 20 % du PIB.

Source : comité des constructeurs français d'automobile.

II - L'AUTOMOBILE CONTESTÉE

L'automobile est donc souvent, à juste titre, considérée comme l'un des éléments essentiels de notre société.

Aussi sa place est-elle fréquemment contestée . De nos jours, les arguments les plus souvent mis en avant sont de nature environnementale.

A. DES IDÉES RÉPANDUES...

A force d'être répétés, certains arguments ont acquis la force d'évidences. En particulier, il semble aller de soi aujourd'hui que la principale nuisance de l'automobile serait la pollution.

Ainsi, selon un sondage réalisé en l'an 2001 pour la Fédération française des automobile-clubs, 70 % des Français pensent que la pollution de l'air dans les grandes villes augmente et 22 % qu'elle reste stable (4 % seulement pensent qu'elle diminue) 7 ( * ) .

De même, selon un sondage réalisé à la fin de l'année 2000 8 ( * ) , parmi les risques qui font peur aux Français, la pollution de l'air (63,5 %) devance les aliments transformés ou pollués (60,2 %), le chômage (58,5 %), l'insécurité (57,3 %), la pollution de l'eau (56 %) ou le risque nucléaire (54,8 %).

Par ailleurs, les médias ont rapporté l'année dernière les conclusions d'une étude de l'OMS , dite « trinationale », selon laquelle l'automobile susciterait, en France, plus de décès par la pollution (17 600 en 1996) que par les accidents de la circulation (de l'ordre de 8 000 par an) 9 ( * ) .

B. ... CONTESTÉES PAR LES EXPERTS

S'intéressant de longue date aux questions environnementales , votre rapporteur 10 ( * ) a souhaité savoir dans quelle mesure ces « lieux communs » étaient fondés.

Ainsi, le présent rapport traite essentiellement des nuisances environnementales de l'automobile (bien que les autres nuisances, en particulier celle représentée par les accidents de la circulation, soient également examinées). Un examen approfondi de chacune des nuisances de l'automobile aurait en effet conduit à allonger excessivement ce rapport.

Votre rapporteur a également décidé de limiter le champ de son étude à la voiture particulière . Il lui a en effet semblé que le transport routier de marchandises était une question distincte, particulièrement vaste et impliquant une étude de l'ensemble de la politique des transports.

Au cours de la quinzaine d'auditions qu'il a réalisées sur le thème des nuisances environnementales de l'automobile, il a pu constater que ces « évidences » étaient souvent contestées par les experts.

1. Le problème de la pollution de l'air semble en voie de résolution

Ainsi, tous les experts sont d'accord pour dire que la pollution de l'air diminue en France , quel que soit le polluant considéré, depuis le début des années 1990. Il s'agit là des résultats, convergents, des mesures de la pollution de l'air effectuées depuis une dizaine d'années. Tel est également le cas de la pollution de l'air d'origine automobile. Celle-ci serait aujourd'hui - sauf dans le cas des particules fines 11 ( * ) - au moins deux fois plus faible (selon le polluant considéré) qu'il y a 10 ans, comme l'indique le graphique ci-après (cf. page 16 ).

Sources :

Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution amosphérique.

Particules fines : évaluations de la Commission européenne ( The Auto-Oil II

Programme : A report from the services of the European Commission, octobre 2000).

La plupart des experts estiment même que la pollution de l'air d'origine automobile aura considérablement diminué d'ici une dizaine d'années, du fait du renouvellement du parc (cf. page 30 ). En effet, on considère que les 20 % de véhicules les plus anciens sont responsables d'environ 60 % des émissions polluantes. Le graphique ci-dessous indique les projections de la commission européenne à ce sujet.

Source : Commission européenne, The Auto-Oil II Programme : A report from the services of the European Commission, octobre 2000.

Quant à l'étude de l'OMS , elle est fortement contestée . Elle surestime vraisemblablement l'impact de la pollution sur la santé, pour des raisons exposées dans ce rapport (cf. page 27 ).

La diminution de la pollution pourrait en outre être accélérée par l'instauration d'une prime au rebut (cf. page 80 ).

2. Quelles sont les principales nuisances de l'automobile ?

a) Comparaison des nuisances actuelles de l'automobile

• Votre rapporteur s'est demandé, d'une manière plus générale, quelle importance relative accorder aux différentes nuisances de l'automobile.

Il a pour cela utilisé les études réalisées ces dernières années afin d'évaluer, de manière monétaire (c'est-à-dire en leur associant une valeur exprimée en francs), les nuisances de l'automobile. La réflexion en ce domaine s'est en effet développée afin, notamment, de permettre un choix aussi rationnel que possible des investissements en infrastructures routières.

L'évaluation des différentes nuisances est soumise à de fortes incertitudes , comme l'indiquent les graphiques ci-après, réalisés par le service des études du Sénat à l'aide d'un tableur fourni par le BIPE 12 ( * ) (pour plus de détails, le lecteur peut se reporter aux pages 47 et suivantes du présent rapport d'information). En particulier, l'importance des nuisances environnementales est difficile à apprécier.

Source : Service des études du Sénat, avec le tableur fourni par le BIPE (séries modifiées pour prendre en compte le seul transport par voiture particulière).

• La Délégation pour la Planification s'est également efforcée de répondre à la question : les automobilistes compensent-ils, par la fiscalité, les nuisances qu'ils suscitent pour les non automobilistes ?

Les études sur ce thème se sont en effet multipliées ces dernières années, suggérant, selon le cas, que ces « coûts externes » seraient ou non compensés par la fiscalité générée par l'automobile.

Au total, la délégation est parvenue à la conclusion que ce solde serait à peu près équilibré , sans qu'il semble possible de déterminer s'il serait positif ou négatif (cf. page 58 ).

Afin de rendre accessible au lecteur intéressé certains éléments de la technique de l'évaluation des coûts externes et des soldes coûts externes/recettes fiscales, la Délégation a commandé au BIPE (Bureau d'information et de prévision économiques) une étude sur ce thème, présentée en annexe du présent rapport. Le tableur accompagnant cette étude, permettant à l'utilisateur de réaliser ses propres évaluations et simulations, a été mis en ligne sur le site internet du Sénat 13 ( * ) .

b) L'émission de gaz à effet de serre, principal enjeu environnemental de long terme

Ainsi que votre rapporteur l'a rappelé dans son rapport précité sur les instruments économiques de lutte contre l'effet de serre, les incertitudes quant aux nuisances suscitées par l'émission de dioxyde de carbone ne doivent pas inciter à l'inaction. Au contraire, le principe de précaution implique de mener une politique active afin de maîtriser les émissions de gaz à effet de serre.

Il s'agit là du principal enjeu environnemental de long terme. En effet, contrairement aux émissions polluantes, les émissions de dioxyde de carbone ne sont pas maîtrisées dans le cas du transport par route , comme l'indique le graphique ci-après.

Source : centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique

Cette constatation amène à remettre en cause l'idée que le diesel serait plus néfaste à l'environnement que l'essence, ou que l'utilisation de gaz de pétrole liquéfié (GPL) devrait être favorisée. En effet, du point de vue de l'effet de serre, le diesel serait préférable à l'essence, et le GPL moins intéressant que le diesel (cf. page 81 ).

PROPOSITIONS DE LA DÉLÉGATION

• Instaurer une prime au rebut des véhicules de plus de dix ans, d'un montant de 800 euros (5 000 francs). Cette aide resterait en vigueur plusieurs années, afin d'accélérer le retrait des véhicules les plus polluants (cf. page 80 ).

• Majorer les aides à l'achat (prime ou crédit d'impôt) en faveur des véhicules « propres », actuellement de 1 525 euros (10 000 francs), dans le cas des véhicules émettant peu de gaz à effet de serre (véhicules fonctionnant au GNV, véhicules électriques ou hybrides et, quand ils apparaîtront sur le marché, véhicules fonctionnant au moyen d'une pile à combustible) (cf. pages 104 et suivantes).

• Mieux aider la recherche pour réduire les émissions de gaz à effet de serre : établissement d'un état des moyens et des compétences en Europe, détermination des créneaux pertinents, augmentation des financements publics (cf. page 99 ).

• Responsabiliser les automobilistes en les informant davantage sur les nuisances qu'ils provoquent. En particulier, développer, avec des associations de consommateurs, un logiciel informatique permettant à chaque automobiliste de déterminer, en fonction des caractéristiques de son véhicule et de son utilisation, les nuisances causées aux non-usagers.

En présentant, de manière aussi claire et synthétique que possible, les principaux éléments du débat sur l'automobile, le Sénat entend ainsi promouvoir la transparence des choix économiques en faisant de nos compatriotes des citoyens actifs dans les débats de fond.

Au total, il semble à votre rapporteur qu'entre l'indifférence et le discours parfois apocalyptique tenu par certains, il y a une place pour un « écologisme » responsable.

* 1 Comité des Constructeurs Français d'Automobiles (CCFA), Analyse et statistiques, L'industrie automobile française, édition 2000 , août 2001.

* 2 Comité des Constructeurs Français d'Automobiles (CCFA), Automobile et déplacements , 2000.

* 3 Comité des Constructeurs Français d'Automobiles (CCFA), Analyse et statistiques, L'industrie automobile française, édition 2000 , août 2001.

* 4 Etude de la SOFRES réalisée pour la Fédération française des automobile clubs, 1999.

* 5 Comité des Constructeurs Français d'Automobiles (CCFA), Automobile et déplacements , 2000.

* 6 Comité des Constructeurs Français d'Automobiles (CCFA), Les dépenses de motorisation en France , 2000.

* 7 La perception par les Français de la pollution de l'air dans les grandes villes , étude Ipsos/fédération française des automobile-clubs, juin 2001. La réalité est que la pollution de l'air diminue depuis dix ans (cf. ci-après).

* 8 Baromètre par le Comité français d'éducation pour la santé (CFES), réalisé en partenariat avec la Caisse nationale d'assurance-maladie, le ministère de l'emploi et de la solidarité, le Haut Comité de la santé publique et la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, 3 octobre 2000.

* 9 Cette étude estime néanmoins que la pollution automobile entraînerait moins d'années de vie perdues que les accidents de la route (respectivement 176 000 et 340 000).

* 10 Auteur du rapport n°346 (98-99) Maîtriser les émissions de gaz à effet de serre : quels instruments économiques ? (Délégation du Sénat pour la planification), 1999.

* 11 Les principaux polluants d'origine automobile sont présentés page 18 .

* 12 Ce tableur est mis en ligne sur le site internet du Sénat (http://www.senat.fr/commission/planification/automobile.xls).

* 13 http://www.senat.fr/commission/planification/automobile.xls.

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