2. Des incitations à l'achat encore insuffisantes ou mal ciblées

a) Pour l'essentiel, les politiques publiques soutiennent indifféremment les divers types de véhicules propres, quelles que soient leurs émissions de dioxyde de carbone

La Délégation souhaite tout d'abord souligner le caractère peu différencié du dispositif actuel, pour l'essentiel dirigé vers l'ensemble des véhicules propres, quel que soit leur intérêt du point de vue de la maîtrise de l'effet de serre.

• Tel est tout d'abord le cas du dispositif fiscal , comme l'indique le tableau ci-après.

Principales dispositions fiscales relatives à la voiture « propre »

Véhicule électrique

Véhicule hybride

Véhicule GPL

Véhicule GNV

Crédit d'impôt à l'acquisition

(1)

X (10 000 F)

X (10 000 F)

(2)

Exonération de la taxe sur les véhicules de société

X

X

X

X

Amortissement exceptionnel en 12 mois

X

X

X

X

Exonération éventuelle de la taxe sur les cartes grises (3)

X

X

X

X

Récupération de la TVA sur les consommations d'électricité

X

Récupération de la TVA sur les consommations de GPL ou de GNV

X (sauf taxis)

X (sauf taxis)

Récupération de la TICGN et de la TIPP (4)

X (taxis)

X (taxis)

(1) Les véhicules électriques bénéficient d'une aide de l'ADEME, de 15 000 francs en 2001 (10 000 francs en 2002).

(2) Le projet de loi de finances pour 2002 prévoit d'étendre le crédit d'impôt aux véhicules fonctionnant au GNV.

(3) Décidée par le conseil régional.

(4) TICGN : taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel. TIPP : taxe intérieure sur les produits pétroliers. Décret n° 97-1279 du 23 décembre 1997 (J.O. du 31 décembre 1997), modifié par décret n°98-594 du 7 juillet 1998 (J.O. du 14 juillet 1998) fixant les modalités d'application du remboursement de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel véhicules et le gaz de pétrole liquéfié carburant utilisés par les exploitants de réseaux de transport public en commun de voyageurs.

N.B. seules sont indiquées dans ce tableau les dispositions concernant les véhicules légers.

Source : Comité interministériel pour les véhicules propres, Véhicules propres fonctionnant au GPL, GNV et à l'électricité - Etat des filières et propositions de politiques publiques d'accompagnement , avril 2000.

Si l'on considère que, du fait du progrès technologique, tous les véhicules neufs commercialisés aujourd'hui sont des véhicules « propres », c'est-à-dire peu polluants, et que les véritables enjeux sont donc ceux du renouvellement du parc et de la réduction des émissions de dioxyde de carbone par véhicule, on peut s'interroger sur le bien-fondé de ce dispositif.

• Les dispositions réglementaires présentent la même absence de discrimination selon les types de véhicules.

Il en existe principalement deux, instaurées par la loi sur l'air : la « pastille verte » (cf. page 65 ) et l'obligation, pour l'Etat, les collectivités territoriales et d'autres personnes publiques (établissements publics et entreprises nationales en particulier), d'acquérir ou d'utiliser 20 % de véhicules électriques, GNV ou GPL de moins de 3,5 tonnes lors du renouvellement de leur parc (quand il gèrent une flotte de plus de 20 véhicules) 94 ( * ) . Cette dernière disposition est d'ailleurs vidée d'une grande partie de son sens, faute de contrôle et de sanction.

Ces dispositions ayant pour objectif exclusif la lutte contre la pollution de l'air, elles soutiennent indifféremment les divers véhicules à énergie « alternative », que leurs émissions de dioxyde de carbone soient faibles (véhicules électriques ou hybrides ou fonctionnant au GNV) ou élevées (véhicules fonctionnant au GPL).

• Il ne s'agit pas, pour la Délégation, de contester la nécessité d'accélérer la diminution de la pollution de l'air d'origine automobile. Elle présente d'ailleurs ci-avant plusieurs propositions en ce sens (cf. page 78 ).

Cependant, il lui semble que cette accélération ne passe pas par celle du développement des véhicules alternatifs, mais par la réduction des émissions polluantes des véhicules fonctionnant à l'essence ou au gazole (grâce au durcissement des normes et, surtout, à des incitations au renouvellement du parc).

Le développement des véhicules alternatifs est un enjeu à plus long terme. Dans ces conditions, la Délégation se demande s'il est utile de favoriser le développement de véhicules alternatifs peu intéressants du point de vue de la maîtrise de l'émission de gaz à effet de serre, qui sera l'enjeu essentiel des prochaines décennies, compte tenu de la diminution prévisible de la pollution (cf. page 30 ).

b) Des véhicules peu intéressants du point de vue de la maîtrise de l'émission de gaz à effet de serre font l'objet d'un soutien public spécifique

Le dispositif actuel soutient par ailleurs spécifiquement certains types de véhicules alternatifs, dont le développement ne semble pas susceptible de contribuer à la maîtrise de l'émission de gaz à effet de serre.

• Tel est tout d'abord le cas du GPL , qui a bénéficié d'une baisse de la TIPP, résultant des lois de finances pour 1997, 1998, 1999 et 2000 et indiquée par le tableau ci-après.

La baisse de la TIPP sur le GPL

(tous types de véhicule)

Loi de finances pour 1997

Loi de finances pour 1998

Lois de finances pour 1999, 2000 et 2001

Dépense fiscale globale (1999)

en francs

en millions de francs

TIPP pour 100 kg net

75,90

70,00

65,71

360

Sources : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ; Comité interministériel pour les véhicules propres, Véhicules propres fonctionnant au GPL, GNV et à l'électricité - Etat des filières et propositions de politiques publiques d'accompagnement , avril 2000.

La TIPP appliquée au GPL est maintenue au niveau plancher défini en 1992 par la réglementation communautaire. La fiscalité sur le GPL est donc réduite au minimum possible.

En outre, la loi de finances rectificative pour 2000 a institué, comme dans le cas des véhicules hybrides, un crédit d'impôt de 10 000 francs (1 525 €) en faveur des contribuables qui ont leur domicile fiscal en France et qui acquièrent ou prennent en location (crédit bail ou location d'au moins deux ans) entre le 1er janvier 2001 et le 31 décembre 2002, un véhicule neuf fonctionnant exclusivement ou non au moyen de GPL.

• Par ailleurs, la loi de finances pour 1999 a permis d'engager la réduction de l'écart de fiscalité entre le gazole et l'essence , en vue de le ramener à la moyenne communautaire d'ici 2005. Concrètement, il s'agissait d'augmenter la taxation du litre de gazole de 7 centimes pendant 7 ans, l'écart étant de l'ordre de 50 centimes. Cette politique a été suspendue l'année dernière à cause de l'augmentation du prix du pétrole, mais le Gouvernement ne remet pas en cause son bien-fondé.

On rappelle qu'un moteur diesel émet moins de dioxyde de carbone au kilomètre qu'un moteur au GPL, qui lui-même en émet moins qu'un moteur à essence (cf. page 81 ).

c) Les véhicules alternatifs les plus intéressants d'un point de vue écologique font l'objet d'un soutien insuffisant

Les véhicules les plus intéressants du point de vue de la maîtrise des émissions de gaz à effet de serre font en revanche l'objet d'un soutien spécifique que la Délégation juge insuffisant.

Les véhicules légers fonctionnant au GNV

Tout d'abord, les véhicules légers fonctionnant au GNV ne bénéficient d'une aide, de 5 000 francs, que dans le cas d'acquisitions importantes (au moins 10 véhicules en 2 ans) 95 ( * ) .

Par ailleurs, on a vu qu'ils ne bénéficiaient pas de la prime ou du crédit d'impôt de 10 000 francs existant pour les véhicules électriques ou hybrides et les véhicules fonctionnant au GPL.

La Délégation note cependant que le Gouvernement prévoit, dans le projet de loi de finances pour 2002, d'étendre aux véhicules acquis à l'état neuf et fonctionnant exclusivement ou non au GNV le bénéfice du crédit d'impôt accordé en cas d'acquisition d'un véhicule fonctionnant au moyen du GPL ou hybride.

La voiture électrique

On peut ensuite se demander si les moyens mis en oeuvre pour favoriser le développement de la voiture électrique (y compris la voiture hybride et la pile à combustible) ont été à la hauteur des enjeux, alors que le parc de véhicules électriques « purs » est 20 fois moins important que l'objectif fixé en 1995, et que la technologie de la propulsion électrique des véhicules automobiles semble encore balbutiante (cf. page 92 ).

• L'un des principaux freins au développement du véhicule électrique étant son prix, les aides publiques semblent pouvoir jouer un rôle essentiel.

En effet, le coût de production d'un véhicule électrique dépasse de 20 000 à 30 000 francs celui d'un véhicule thermique.

Cependant, les primes à l'acquisition ne compensent pas la totalité de cet écart. Ainsi, en 1995 ont été instaurées deux primes 96 ( * ) : l'une, de l'Etat, s'élevait à 5 000 francs ; l'autre, d'EDF, à 10 000 francs. La prime de l'Etat a été portée à 15 000 francs le 1er septembre 1998, à la suite de la décision d'EDF de ne plus attribuer sa prime.

Les collectivités territoriales reçoivent une subvention de 10 000 ou 15 000 francs selon que cette acquisition se fait ou non dans le cadre d'un plan d'acquisition sur trois ans d'un minimum de trois véhicules à quatre roues. Dans le cas des autres destinataires, la subvention sera de 15 000 francs jusqu'à la fin de l'année 2001, puis passera à 10 000 francs jusqu'à la fin de l'année 2002.

Le coût de cette politique est actuellement modéré (de l'ordre de 10 millions de francs par an, soit 36 fois moins que l'exonération de la TIPP sur le GPL).

• En outre, la loi de finances rectificative pour 2000 a institué, dans le cas des véhicules hybrides, un crédit d'impôt de 10 000 francs (1 525 €) en faveur des contribuables qui ont leur domicile fiscal en France et qui acquièrent ou prennent en location (crédit bail ou location d'au moins deux ans) entre le 1er janvier 2001 et le 31 décembre 2002, un véhicule hybride neuf (essence ou gazole) 97 ( * ) .

Un accroissement des primes à l'acquisition des véhicules électriques (« classiques » ou à pile à combustible) semble cependant impliquer qu'un certain consensus soit atteint en matière de sources de production d'électricité : comme on l'a vu, l'alignement du système français de production d'électricité sur le modèle européen (c'est-à-dire, notamment, l'abandon de la filière électronucléaire) pourrait faire perdre à la pile à combustible une grande partie de son intérêt.

d) Revoir le système de primes à l'achat de véhicules propres

La Délégation suggère de réexaminer ce dispositif de soutien des véhicules « propres ». Elle se demande en particulier s'il ne faudrait pas le réorienter vers les véhicules intéressants du point de vue de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Ainsi, elle suggère de renforcer le dispositif actuel de primes à l'achat de véhicules « écologiques », et de le réorienter vers ceux qui contribuent à la maîtrise des émissions de dioxyde de carbone , c'est-à-dire ceux fonctionnant, même partiellement, au GNV ou à l'électricité (ce qui comprend les véhicules électriques « purs », les véhicules hybrides et les véhicules utilisant la pile à combustible), qu'il s'agisse de véhicules particuliers ou de véhicules d'entreprise.

On pourrait envisager, dans le cas de ces véhicules, de majorer les aides à l'achat (prime ou crédit d'impôt) existant actuellement en faveur des véhicules « propres », actuellement de 1 525 euros (10 000 francs).

* 94 Décret n° 98-701 du 17 août 1998 (J.O. du 18 août 1998) pris pour l'application de l'article L. 8-B du code la route.

* 95 Les subventions de l'ADEME aux véhicules GNV sont essentiellement destinées aux bus et bennes à ordures ménagères, subventionnés à hauteur de 50 000 francs.

* 96 Il existe également des primes à l'acquisition gérées par l'ADEME. En 1998, 2,12 millions de francs de primes ont été versés au total par l'ADEME. Pour l'année 1999, le montant de ces primes a été de l'ordre de 4,5 millions de francs. Cependant, ces primes ne concernent pas les voitures particulières.

* 97 Cette disposition concerne également les véhicules roulant au GPL.

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