B. S.A.S. LE PRINCE ALBERT II DE MONACO

Monsieur le Ministre,

Madame la Présidente du CNRS,

Monsieur le Président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques,

Mesdames et Messieurs les Sénateurs et Députés,

Chers Membres de la communauté scientifique,

Chers Amis des régions polaires,

Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie infiniment de cette opportunité qui m'est donnée de participer à cette journée, et je remercie tous les intervenants qui se sont succédé et ont présenté leurs contributions. Celles-ci témoignent de l'importance que revêt cette année polaire internationale que nous lançons ici même.

Pour ma part, depuis mon plus jeune âge, j'ai éprouvé une fascination pour les régions polaires, sans doute influencé par les récits et les images des voyages de mon trisaïeul, le Prince Albert Premier, océanographe pionnier qui entreprit des recherches et fournit des observations précises au cours de ses quatre expéditions dans les régions arctiques, entre 1898 et 1907. A une époque où ces étendues étaient largement inexplorées, il s'est engagé dans ce projet avec un état-major scientifique qualifié, international et, déjà, pluridisciplinaire. Ses opérations scientifiques se sont succédé le long des côtes orientales, puis occidentales, du Spitzberg. Sondages, mesures de température, prélèvements d'échantillons d'eau et de sédiments ont été effectués.

Lors de sa deuxième expédition, en 1899, il retourne au Svalbard, où l'essentiel des travaux est consacré à des relevés topographiques et hydrographiques. Grâce à ses recherches, une carte maritime de ce secteur a pu être établie. L'emplacement du front de plusieurs glaciers est relevé pour déterminer leur évolution, et compléter ainsi les mesures prises durant le 19 e siècle.

Au cours des voyages suivants, des études sont menées dans les domaines hydrographique, géographique et météorologique. Les campagnes arctiques du Prince Albert Premier ont permis des progrès significatifs dans toutes les disciplines concernées. Il réalisait ainsi un rêve de jeunesse, mais aussi la satisfaction de servir la science, cette science dont il avait la conviction qu'elle apporterait à l'humanité davantage de bien-être, de justice et de paix.

Depuis longtemps, j'avais envie de me rendre au pôle Nord et dans cette région que mon trisaïeul n'avait pu atteindre. C'est pourquoi, en juillet 2005 puis en avril 2006, j'ai entrepris deux expéditions qui ont permis de nourrir ma réflexion en allant sur ses traces.

Lors de ma première expédition autour du Spitzberg, j'étais accompagné de plongeurs professionnels et de scientifiques de renom du programme polaire du World Wildlife Fund (WWF) et de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), ainsi que des représentants du Musée océanographique de Monaco. En comparant des photographies prises sur le même site lors de la campagne du Prince Albert Premier en mai 1906 et au cours de mon expédition, je n'ai pu que constater la fonte des glaciers, notamment du glacier Lillihook, qui au vu de nos observations, a reculé de plus de 6 km.

Le 10 avril de l'année dernière, j'ai entrepris la deuxième partie de ce projet qu'était l'expédition au pôle Nord, avec une équipe de huit membres. Au terme de quatre jours, nous avons atteint le pôle Nord géographique après avoir parcouru environ 150 kilomètres, grâce aux chiens exceptionnels qui nous y ont grandement aidés.

Par ce déplacement sur des lieux symboliques, j'ai voulu me rendre compte par moi-même de phénomènes inquiétants pour l'avenir des générations futures. J'estimais de mon devoir de témoigner de ce péril devant mes contemporains, et de les sensibiliser à l'urgence d'agir dans notre rapport avec la Terre. L'heure n'est plus au doute : il faut agir et agir vite, car nous avons une responsabilité commune. Chaque jour, les risques et les dangers s'aggravent. Le rapport du Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat, réuni à Paris au début du mois dernier, démontre, je crois, avec force la gravité de la situation.

Nous devons désormais faire preuve, dans chacun de nos comportements, d'une éthique écologique commune, afin de préserver les richesses et les ressources que la Terre nous offre. C'est l'enjeu majeur de ce siècle. Une solidarité nouvelle doit voir le jour pour faire face à cet impératif écologique, économique, sociétal. Ce problème planétaire appelle une prise de conscience immédiate et des actions urgentes et concrètes en réponse à trois grands enjeux environnementaux : le changement climatique, la perte de la biodiversité et la raréfaction de l'eau.

C'est la raison pour laquelle, en juin 2006, j'ai décidé d'apporter ma contribution et celle de la principauté en créant une fondation qui porte mon nom. Cette fondation a pour mission d'identifier des projets prioritaires et emblématiques, d'en accélérer la mise en oeuvre afin d'obtenir des résultats concrets, à travers le monde, en faveur d'une gestion durable et équitable de nos ressources naturelles. Je serai également présent, auprès d'autres chefs d'Etat, dans les instances et les lieux de la négociation internationale sur l'environnement.

Le deuxième objectif de ma fondation est d'encourager les initiatives, les projets et les entreprises conciliant environnement et innovation. Nous avons déjà identifié dix projets qui seront aidés financièrement cette année. A travers les actions qu'elle soutient, la fondation souhaite également apporter la preuve qu'il est possible d'adopter des pratiques et des comportements durables et respectueux de l'environnement, compatibles avec un développement économique, social et humain.

Enfin, son troisième objectif consiste à sensibiliser les femmes et les hommes aux enjeux et responsabilités sur ces thèmes par des actions de communication d'envergure.

La réussite de ces actions requiert détermination et énergie, et c'est dans cet état d'esprit que je conduirai mon action. L'ensemble des actions décidées par la fondation s'inscrit dans le prolongement de la politique environnementale menée par mon pays. Comme vous le savez sans doute, la principauté est impliquée depuis très longtemps dans de nombreux accords et conventions internationales en faveur de l'environnement. L'accord Ramoge pour la lutte contre les pollutions marines, ACCOBAMS pour la conservation des cétacés, l'implantation à Monaco de la Commission internationale pour l'exploration scientifique de la Méditerranée (CIESM), sont venus renforcer l'engagement international de la principauté pour la protection du milieu marin. Cette vocation ancestrale fait partie de notre histoire : en témoigne la création il y a un siècle, par le Prince Albert Premier, du Musée océanographique et du Musée d'anthropologie à Monaco.

En ce début d'année polaire internationale, je voudrais souligner l'implication de la principauté qui s'associe avec joie à l'action menée par le bateau Tara dans le cadre du programme européen DAMOCLES. Ce partenariat avec le Yacht Club de Monaco a pour but de sensibiliser la population de la principauté à l'évolution de ce projet. Je me réjouis de la présence dans cette salle de M. Charles Terrin, qui a été choisi par le Yacht Club pour s'embarquer pendant six mois à bord de Tara .

Pour conclure, j'aimerais saluer la communauté des chercheurs, explorateurs, scientifiques, qui étudie avec passion et rigueur ces régions et nous apporte, entre autres, une meilleure compréhension de l'évolution des climats. J'espère que les nombreux projets scientifiques qui seront développés au cours de cette période permettront d'approfondir nos connaissances et favoriseront une meilleure appréciation des complexités de ces régions, afin que les actions politiques en faveur de l'environnement puissent être plus efficaces.

A l'heure où la conscience des risques encourus par la planète s'est accrue, l'homme doit se sentir responsable de ce que la nature lui a offert. Le Prince Albert Premier se plaisait à dire que la science doit dominer, parce qu'elle pourvoit aux besoins de la civilisation. Aujourd'hui, la civilisation ne doit-elle pas, à son tour, s'appuyer sur la science pour sauver l'humanité ?

Je vous remercie.

Bruno ROUGIER

Monseigneur, je vous remercie. Ainsi s'achève cette journée. Je vous donne rendez-vous dans les prochains mois, dans les prochaines années, pour les résultats des 209 projets retenus pour cette année internationale.

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