IV. LES SUBSTANCES DE SUBSTITUTION

La découverte d'effets néfastes pour la santé humaine de substances ou de produits chimiques dangereux mais utiles pose toujours la question de la possibilité de leur remplacement par une autre substance, un autre produit, tout aussi utile mais non dangereux. D'où les questions traditionnelles : la substitution est-elle possible, dans quels délais, à quel coût, avec quel nouvel impact sur la santé ?

Pour les substances utilisées en milieu professionnel le principe de la substitution est posé par une directive européenne de 1992 qui prescrit, chaque fois que cela est possible, de remplacer les substances cancérogènes par d'autres présentant les mêmes garanties techniques et un risque moindre pour la santé.

C'est ce que traduit le code du travail (article R 231-56-2) en imposant aux employeurs le remplacement des agents cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR 1 et 2, classification européenne) susceptibles de conduire à une exposition « dans la mesure où cela est techniquement possible , par une substance, une préparation ou un procédé qui n'est pas ou qui est moins dangereux pour la santé ou la sécurité des travailleurs ».

C'est la substitution .

En juin 2006, l'AFSSET a été saisie par le ministère du travail, en application de l'action 4.9 du Plan Santé Travail (2005-2009), d'une étude sur la substitution des agents CMR de catégories 1 et 2.

A. LA SUBSTITUTION DE L'AMIANTE

Les méfaits de l'usage contrôlé d'un produit dangereux

Cette question de la substitution remet instantanément en mémoire le drame de l'amiante analysé en détail dans des travaux parlementaires de référence (récemment, « Le drame de l'amiante en France. Comprendre, mieux réparer, en tirer des leçons pour l'avenir » Mission d'information commune des six commissions permanentes du Sénat, n°37 2005-2006 et, antérieurement, pour l'OPECST « L'amiante dans l'environnement de l'homme : ses conséquences et son avenir » par le député Jean-Yves LE DEAUT et le sénateur Henri REVOL, n° 329 Assemblée nationale, XIème législature, et n°41 Sénat 1997-1998).

Sans y revenir en détail dans le présent rapport, il suffit de rappeler que les effets nocifs des fibres d'amiante sur les poumons ont été signalés par des publications scientifiques dès le début du XXème siècle , que, dès 1918, les compagnies d'assurances américaines refusèrent d'assurer les travailleurs de l'amiante , que la première réglementation est de 1931 au Royaume-Uni - mais de 1977 en France -, que le premier cas de cancer du poumon attribué à l'amiante date de 1935, que la quantification du risque remonte à 1955 et que, en 1965, le risque lié à l'amiante est catalogué comme majeur aux États-Unis d'Amérique et que, en même temps, les points les plus critiques pour concevoir une protection efficace sont tous identifiés (limites d'empoussièrement à relever, impossibilité d'effectuer des mesures représentatives du risque dans certaines activités , personnes exposées très au-delà du cercle professionnel). Cependant il a fallu attendre 1997 pour que l'amiante soit interdit en France et 1999 pour que l'Union européenne l'interdise à son tour... avec effet au 1er janvier 2005.

Les connaissances sur les dangers de l'amiante existaient donc bien mais leur prise en compte s'est heurtée aux flottements de l'administration et à la fermeté des industriels qui cherchaient davantage à réhabiliter l'emploi de l'amiante qu'à en protéger les travailleurs exposés.

Surtout, deux leçons majeures sont à retenir du drame de l'amiante .

La méthode de « l'usage contrôlé » ne fonctionne pas pour diminuer un risque . En effet, croire qu'il est possible de maîtriser « l'usage contrôlé » d'un matériau dangereux alors que quelques fibres suffisent pour engendrer des pathologies mortelles constitue non la gestion d'un risque contrôlé mais un dérapage incontrôlé , d'abord du raisonnement puis de l'action. L'effet sur la santé, différé de vingt à trente ans, a permis cette imposture. Par dessus tout, ce risque est alors volontairement mis à la charge des personnes en contact avec ce « minerai miracle », c'est-à-dire les 100 000 futures victimes, par les personnes qui tirent profit de l'exploitation économique de l'amiante. Il est évident que cela n'est pas, n'est plus acceptable quelle que soit l'utilité d'un matériau ou d'une substance chimique pour un processus industriel, pour la commodité d'un usage voire pour la société dans son ensemble.

La pseudo expertise porte en germe la non indépendance des conclusions qui en découlent. En l'occurrence, le Comité permanent amiante (CPA) dont la composition incluait des industriels viciait le processus dès son origine.

La substitution irréfléchie d'un produit à un autre

Enfin, le cas de l'amiante montre que ce n'est pas parce que, à un instant T, un produit est considéré comme un produit de substitution, voire comme le produit de substitution idéal, qu'il est à considérer définitivement comme inoffensif pour l'avenir . C'est ainsi que les fibres céramiques réfractaires ont été longtemps considérées à tort comme un substitut non dangereux de l'amiante et que des mesures pour s'en protéger ne sont toujours pas prises.

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