III. QUELQUES EXEMPLES D'ALERTE LIÉS À LA SÉCURITÉ SANTÉ ENVIRONNEMENT

A. LES CENTRES ANTIPOISON (CAP) ET LES CENTRES DE TOXICOVIGILANCE (CTV)

1. La pénurie de toxicologues

Dès le rapport de l'OPECST en 2005 relatif à l'application de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme, l'OPECST a noté que « l'insuffisance du vivier des experts pouvait constituer un frein, voire une menace, comme dans le cas de la toxicologie ».

Les auditions menées par votre rapporteur ont confirmé ce point.

Dans les centres antipoison, il ne resterait plus qu'une dizaine de toxicologues d'expérience possédant une vision globale sur la toxicologie. L'absence de perspectives d'avenir dans ce domaine dissuade les jeunes de s'y consacrer.

Or, d'après l'INRS, l'évaluation complète d'une substance chimique par un toxicologue représente une année de travail... Et, sur les 100 000 substances existantes mises sur le marché avant 1981, il s'agit d'en évaluer 30 000 commercialisées à plus d'une tonne par an dont les propriétés dangereuses sont ignorées à 65 %. Depuis 1994, 140 évaluations sur les 30 000 ont été engagées.

Toutes les personnes entendues ont confirmé la pénurie de toxicologues à plus ou moins brève échéance.

Il est également apparu que le terme toxicologue renvoyait à des réalités diverses selon les interlocuteurs d'où une source de malentendus importante. En effet, pour certains, un toxicologue est un médecin, pour d'autres un pharmacien, pour d'autres un chimiste ayant reçu une formation spécifique, pour d'autres encore une alliance de tout cela, incluant en outre une certaine durée de pratique.

Pour donner une idée de l'ampleur de ce malentendu, certaines personnes soutiennent qu'il suffirait d'insister sur la toxicologie au cours d'une année d'un cursus médical ou pharmaceutique, d'autres rappellent l'affirmation suivante : la toxicologie s'apprend en deux leçons, la première dure une heure, et la seconde une dizaine d'années.

La mise en place du système REACH va exiger un nombre important de toxicologues dans chaque pays européen . Pendant des années, la France a pu paraître bien placée dans cette discipline mais, actuellement, les formations se raréfient avec le départ de toxicologues à la retraite et la disparition de certains lieux d'enseignement de cette discipline complexe. Ce fut le cas, par exemple, avec la suppression de la chaire de toxicologie au Conservatoire national des arts et métiers.

Pourtant une alerte avait été lancée dès 1998 par l'Académie des sciences et par le Conseil pour les applications de l'Académie des sciences (CADAS) dans leur rapport commun n° 9 « État de la recherche toxicologique en France » rappelant lui-même que plusieurs alertes avaient déjà été lancées notamment en 1979 29 ( * ) , en 1980 30 ( * ) et 1987 31 ( * ) , insistant sur le nombre insuffisant d'experts toxicologues français reconnus au niveau international .

Le rapport de 1998 voyait dans l'existence d'une expertise reconnue en matière de toxicologie un enjeu stratégique. Il y était relevé la « disparition progressive des équipes du secteur public impliquées dans l'évaluation du risque toxique, en particulier dans le domaine des substances existantes... le nombre d'experts nationaux, indépendants des industriels, capables de représenter les positions françaises est dangereusement réduit , laissant à nos partenaires étrangers un champ pratiquement libre pour la défense de leurs intérêts nationaux. »

En conclusion, le rapport de 1998 avait recommandé notamment :

- l'introduction de notions simples de toxicologie dès le lycée , pour sensibiliser l'ensemble de la population aux problèmes de toxicologie ;

- l'introduction de notions de toxicologie dans les grandes écoles d'ingénieur (en chimie et en biologie) ;

- la création d'une sorte de quatrième cycle en toxicologie , au niveau national, pour favoriser l'éclosion d'un petit nombre d' experts toxicologues ;

- la création de réseaux sans murs d'équipes pour résoudre le problème de masse critique de recherche coordonnée dans cette discipline car « il existe en France un potentiel de recherche considérable et d'excellence dans des domaines proches de la toxicologie, comme la chimie analytique et métabolique, la pharmacologie, la génétique, l'immunologie, les neurosciences et l'épidémiologie ».

Qu'en est-il en 2007 ?

Lors de l'audition de l'Académie nationale de pharmacie, le Pr. Bernard FESTY, Président de la commission santé environnement de cette académie, a jugé sinistrée la toxicologie française mais a estimé qu'il serait possible de faire émerger, en deux ans, une génération de jeunes toxicologues si un signal politique était donné associant le nouvel intérêt porté à cette discipline à la création d'emplois.

Pour sa part, M. Jean PELIN, Directeur général de l'Union des industries chimiques (UIC) a estimé lors de son audition qu' un déficit d'environ 400 toxicologues apparaît face aux besoins de REACH et il a suggéré la création d'un groupe de travail entre l'Éducation nationale, le ministère de la Recherche et celui de l'Industrie, voire celui de l'Écologie, pour trouver une solution à cet important problème.

Interrogé sur le même thème, le Pr. Guy LORGUE, ancien Professeur des Écoles nationales vétérinaires, a déploré qu'une quinzaine d'années aient été perdues conduisant l'industrie française à recruter aujourd'hui des toxicologues anglais ou américains et a insisté sur la nécessité de renforcer le caractère pluridisciplinaire de la toxicologie .

SUGGESTIONS DU RAPPORTEUR

- Maintenir les postes de toxicologues français dans les instances internationales

- Ne nommer que des toxicologues sur les postes de toxicologues dans les instances internationales

- Maintenir ou recréer une chaire d' enseignement de la toxicologie au Conservatoire national des arts et métiers

- Multiplier les laboratoires de toxicologie

* 29 « Sciences de la vie et de la société. Rapport au Président de la République », F. GROS, F. JACOB et P. ROYER, 1979.

* 30 « État 1978 des moyens dont disposait l'industrie pharmaceutique pour ses études de toxicologie », P. DOSTERT, M. BRUNEAU, pour la Direction générale de la recherche scientifique et technique (DGRST).

* 31 « Relancer la toxicologie professionnelle en France », D. FURON, C. LESNE, pour le Ministère de la Recherche et de l'enseignement supérieur, 1987.

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