2. L'impossible réforme de la taxe professionnelle

La taxe professionnelle - impôt condamné unanimement dès sa naissance - a survécu mais elle n'a pas cessé d'être réformée et elle continue d'être considérée comme un impôt peu satisfaisant. Le rapport de la commission Fouquet (2004) appelait de ses voeux une réforme profonde rendue nécessaire par l'inefficacité des incessants ravaudages pratiqués depuis une quinzaine d'années. En effet, ces modifications ont rétréci l'assiette et le champ de la taxe, transféré la charge aux ménages par la prise en charge croissante de cet impôt local par l'État et, plus récemment, avec le plafonnement, mis un terme au dynamisme du produit qui ne peut plus varier que si de nouvelles bases apparaissent.

Certes, pour les collectivités territoriales, la taxe professionnelle a d'abord été un très bon impôt en termes de rentabilité et de prévisibilité, l'assiette étant dynamique et assez peu volatile, et les collectivités françaises se réjouissaient d'avoir un impôt presque totalement déconnecté de la conjoncture économique, ce qui ne pouvait, en contrepartie, que nuire à l'activité économique.

Enfin, la taxe professionnelle est devenue, depuis 1999, l'impôt de l'intercommunalité à fiscalité propre quand les EPCI optent pour la taxe professionnelle unique, c'est-à-dire lorsque les communes membres des EPCI renoncent au produit de leur taxe professionnelle (à hauteur du coût de l'exercice des compétences transférées). Ce dernier phénomène rendit alors plus difficile une vraie réforme.

Il faut donc admettre que la taxe professionnelle (TP) constitue l'impôt emblématique de l'autonomie financière des collectivités territoriales et qu'il semble naturel, de prime abord, d'envisager de spécialiser cet impôt en Île-de-France et plus précisément de l'affecter aux ressources du Grand Paris (conçu comme Paris et sa petite couronne). Cependant, cette idée ne résiste pas à l'examen ; d'abord, il existe une grande disparité de taux de TP sur ce territoire et même si le taux d'imposition n'est pas toujours un élément déterminant dans la décision d'implantation d'une entreprise, on sait que les taux de TP à l'État dans la petite couronne sont handicapants pour ces territoires. En effet, parmi les 10 taux globaux les plus élevés en Île-de-France, 7 sont ceux de communes de Seine-Saint-Denis et 3 du Val-de-Marne. A l'inverse, parmi les taux les plus bas, 4 se trouvent dans les Yvelines et 3 dans les Hauts-de-Seine. Une harmonisation des taux sur un territoire unifié autour de Paris risque de s'avérer une entreprise longue et délicate. Mais, outre cette difficulté, on constate que la taxe professionnelle est une source de déséquilibre entre les collectivités d'Île-de-France et qu'elle constitue un handicap dans la compétition internationale, comme le fait remarquer avec justesse Dominique Perben dans son rapport « Imaginer les métropoles d'avenir » (AN - XIII e législature - Janvier 2008).

On ne peut effectivement que souscrire à l'idée que la taxe professionnelle accentue les écarts de richesse entre les collectivités. De plus, contrairement à l'idée reçue que le taux de taxe professionnelle serait un outil utile à la compétition que se livrent les collectivités pour attirer les entreprises, il s'avère que la localisation des entreprises sur le territoire n'est que très partiellement affectée par la fiscalité locale (cf. Diagnostic sur le développement économique de l'Île-de-France en 2005 - Chambre de commerce et d'industrie de Paris Île-de-France - Juillet 2005).

La taxe professionnelle est, certes, la principale cause des écarts de richesse entre les collectivités mais elle n'est pas la cause exclusive. La qualité des services offerts, le coût du foncier ou la proximité des réseaux de communication entrent en considération lors du choix d'une implantation plus que le taux de taxe professionnelle. Enfin, même si le taux de TP s'avérait un facteur déterminant pour l'implantation des entreprises, serait-il raisonnable de permettre qu'au sein du territoire métropolitain se développe davantage la concurrence entre les collectivités, concurrence qui ne pourrait être que source d'une répartition désordonnée et inégalitaire de l'activité économique et, partant, des bases imposables ?

En outre, l'existence d'une imposition locale frappant les investissements constitue une particularité française qui pénalise notre pays et notre capitale, en particulier en termes d'attractivité. C'est la raison pour laquelle le rapport Perben conclut que « la TP est de nature à exercer un effet désincitatif sur les choix d'investissement au détriment de la France. La TP pèse sur la marge brute des investissements effectués en France et désavantage ainsi les sites de production situés sur nos territoires métropolitains dont elle obère l'attractivité ».

L'ensemble de ces arguments fait que le choix de la taxe professionnelle comme ressource principale du Grand Paris n'est pas un choix viable en dehors de la consolidation de la part départementale des quatre départements au profit du Grand Paris. Plus tard - mais ce n'est pas le propos de ce rapport - il sera toujours possible de s'orienter vers une solution nouvelle consistant en un remplacement (sur le territoire du Grand Paris) de la TP par un nouvel impôt. En effet, la TP a souvent été présentée comme le seul lien acceptable entre l'activité économique et le territoire sur lequel elle s'exerce, lui apportant à la fois des retombées positives et négatives, les unes compensant les autres. Il est permis de se demander si, sur un territoire déjà totalement développé comme celui du futur Grand Paris, cet argument peut encore avoir un sens. En effet, le lien entre le territoire et l'impôt semble moins nécessaire quand l'industrialisation est arrivée à son terme sur un territoire et commence même à refluer.

C'est pourquoi on pourrait ouvrir le débat et envisager pour le Grand Paris une ressource de substitution qui pourrait s'apparenter à un impôt local sur les sociétés sur le modèle de l'impôt sur les sociétés, c'est-à-dire un impôt cessant de frapper l'investissement et variant avec le résultat des entreprises.

Pour le moment, devant l'impossibilité de réformer la taxe professionnelle, il convient de suggérer que le Grand Paris récupère à son profit le produit de la part départementale de la taxe professionnelle des quatre départements, ce qui amènera naturellement le département de Paris à fixer un taux en réfaction du taux de la ville de Paris.

Les principales ressources financières des conseils généraux en 2007 (en euros)

DGF (1)

DMTO (2)

TH (3)

TFPB (3)

TFPNB (3)

TP (3)

BASES

TAUX

PRODUITS

BASES

TAUX

PRODUITS

BASES

TAUX

PRODUITS

BASES

TAUX

PRODUITS

PARIS

25 786 883

790 000 000

4 650 530 906

2,19

101 844 786

6 199 639 251

0

0

6 490 440

0

0

5 669 664 355

0

0

92

264 072 253

407 000 000

2 796 612 887

5,8

162 195 823

3 408 957 955

4,74

161 577 300

7 934 820

7,5

595 116

4 670 594 835

5,68

265 293 143

93

271 307 807

164 000 000

1 594 730 291

7,15

114 025 790

1 935 282 396

9,01

174 368 631

6 723 571

12,97

872 064

2 271 267 401

13,03

295 947 900

94

223 897 976

200 000 000

1 936 812 863

6,29

121 825 190

1 787 440 473

8,1

144 783 607

3 436 143

12,38

425 126

1 756 831 031

9,57

168 126 684

Total

785 064 919

1 561 000 000

499 891 589

480 729 538

1 297 190

729 367 727

(1) DGF : Dotation de compensation 2007 + Dotation forfaitaire 2007 + Dotation de péréquation urbaine 2007. Source : DGI

(2) DMTO : Taxe départementale de publicité foncière + Droits départementaux d'enregistrement + Taxe départementale additionnelle aux droits d'enregistrement.

(3) Rôles généraux au profit des départements.

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